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Lifestyle - Guerre de juillet 2006 : 10 ans déjà

4 photographes, 4 images : Instants volés, pour toujours...

Le choc des images fait parfois oublier que derrière chacun de ces clichés de guerre, ces témoignages qui dénoncent, choquent, dérangent ou parfois banalisent toutes les guerres du monde, il y a une histoire, un individu, une émotion, un souvenir bouleversants. Autant pour la personne qui figure sur l'image que pour son auteur, ce photographe, connu ou pas, débutant ou pas, qui a également vécu ce moment en témoin, parfois indiscret. Complice impuissant d'une intense souffrance, mais dont le métier et la mission est de montrer, de se révolter, pour que l'on n'oublie jamais la folie des hommes. L'Orient-Le Jour a choisi, pour cette dixième commémoration de la guerre de juillet 2006, 4 photographes libanais qui ont partagé une image, un instant. Parce qu'ils n'ont pas oublié...

Photo Waël Ladki

Waël Ladki Une petite fille de sept ans touchée au visage après une attaque sur son village de Marjeyoun.

 


« Au cours de ce bombardement, cette enfant avait perdu un œil, ainsi que ses frères. J'ai pris cette photo pour montrer à quel point ce sont les innocents qui payent le prix de ces conflits. C'était une petite fille prénommée Hayat qui ne savait rien à la guerre. J'ai rendu visite à Hayat un an après, elle a refusé que je la reprenne en photo. Ces blessures l'avaient encore plus gravement défigurée, plus profondément touchée qu'aucun appareil photo n'aurait pu exprimer. J'ai gardé le contact avec elle au cours des années qui ont suivi et elle n'a jamais plus accepté que je la photographie. Aujourd'hui, elle a 17 ans. C'est une jeune fille différente. Elle porte sur son visage les traces de la guerre, et ces traces ne partiront jamais. La guerre est finie mais Hayat continue de mener sa propre guerre à chaque instant. »

Waël Ladki travaille actuellement avec un média de presse à Abou Dhabi et expose régulièrement son travail. Il a collaboré pendant de nombreuses années avec des quotidiens libanais dont «as-Safir». En free lancer, il a travaillé avec Reuters et des télévisions locales : MBC, al-Jadeed et LBC. Son studio «Photography Venue» lui permet de former des photographes.

 
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Joseph Barrak – Une fille marche parmi les décombres de sa maison détruite à Dalhamiyeh, près de Zahlé, le 20 juillet 2006.


« Cette photo témoigne de la volonté des Libanais de continuer à vivre en dépit des guerres et des nombreux défis. Je ne pourrais jamais oublier l'image de cette jeune fille traumatisée, qui traversait les ruines de sa maison en emportant avec elle ce qu'elle pouvait, quelques marmites et un modeste tapis. Elle marchait vite, craignant une nouvelle attaque aérienne des Israéliens, qui pouvait reprendre à n'importe quel moment. La guerre de 2006 était un danger permanent: on ne savait pas à quel moment les raids pouvaient se déclencher à nouveau. J'ai couvert de nombreux conflits, mais lorsqu'ils se passaient au Liban, les choses étaient plus difficiles car, en tant que citoyen libanais, j'étais évidemment plus affecté de voir que mon pays en était la victime. »

Actuellement à la tête du département photo au quotidien «al-Joumhouria», Joseph Barrak a connu toutes les guerres libanaises. Durant ses 24 ans à l'Agence France Presse, il a couvert la guerre du Golfe en 1990 et la guerre d'Irak en 2003. Il a également participé à de nombreux événements internationaux, parmi lesquels le sommet arabe en Algérie, en Égypte et à Beyrouth. Il a reçu de nombreux prix.

 

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Patrick Baz – Un couple qui détient la double nationalité embarque dans
un hélicoptère de la marine britannique au port de Beyrouth, le 20 juillet 2006.

 

 
« Je n'ai pas voulu montrer des ruines, des morts ou des gens qui souffrent, mais le départ comme un destin, une envie permanente chez chaque Libanais, depuis la nuit des temps, de partir. D'obtenir une autre nationalité, ce qu'on appelle chez nous un passeport, pour mieux fuir même en temps de paix vers ce que beaucoup considèrent comme un avenir meilleur. Les images de guerre, les morts et les destructions, je les ai pratiqués pendant plus de trente ans et je n'ai plus envie de faire ça. On a tendance à banaliser cet exercice dans la presse, mais c'est plus tard que l'on réalise à quel point nous, les photographes, sommes atteints, à chaque fois. Dans cette photo, je pose un regard peu optimiste sur le pays qui se vide de son intelligentsia, qui se suicide. »

Longtemps directeur photo de l'Agence France Presse (AFP) pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Chypre, Patrick Baz a fini par poser ses valises à Beyrouth et reprendre en toute liberté son métier de photojournaliste. En 1989, il couvre l'intifada pour l'AFP, la première guerre du Golfe en 1990, le Kurdistan en 1991, la Somalie et Sarajevo en 1993.

 

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Hassan Ammar – Un couple âgé à Bint Jbeil, traversant les décombres
une fois sorti d'un abri, le 31 juillet 2006.

 


« La veille, les Israéliens avaient lancé une attaque aérienne sur un immeuble de civils à Cana, au cours de laquelle 28 Libanais avaient été tués, parmi lesquels 16 enfants. Sous la pression des Américains, Israël avait déclaré un arrêt des bombardements aériens de 48 heures. Le 31 juillet, et après 19 jours de combats ininterrompus, Bint Jbeil a connu la dernière série de bombardements. Une grande partie de la ville n'était plus que ruines et des centaines de survivants, surtout des vieux et des infirmes, qui n'avaient pas pu prendre la fuite, ont émergé parmi les ruines. Lorsque je suis arrivé à Bint Jbeil ce jour-là, c'était ma première photo. Cette guerre a été la plus terrible à couvrir. En temps que Libanais et connaissant bien le Sud, voir tous ces corps jonchant les rues et le cœur brisé d'une femme qui pleure son fils ou un proche qui vient d'être tué, c'est inoubliable.»

 

Hassan Ammar a démarré sa carrière de photojournaliste dans le journal «as-Safir» (1999-2003), puis à l'AFP (2004-2008). Depuis 2008, il travaille avec l'Associated Press. Il a couvert la guerre en Irak, en 2005, la guerre libano-israélienne en 2006, le printemps arabe de Bahreïn, d'Égypte et de Libye (2011-2014). II a également photographié de nombreux événements sportifs.

 

 

 

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