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Moyen Orient et Monde - Reportage

En Cisjordanie, le robinet d’eau est à sec et les esprits à vif

Des dizaines de milliers de Palestiniens souffrent depuis quelques jours, sous une forte chaleur, de coupures d'eau dont Israël et les dirigeants palestiniens se rejettent la faute, dernier épisode en date du conflit pour cette précieuse ressource.

Abdel Fattah Salim, un Palestinien de 58 ans, porte un jerrican qu’il a rempli d’eau de source le 23 juin 2016 à Salfit. Jaafar Ashtiyeh/AFP

À Salfit, dans le nord de la Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël, Fatma Ali reçoit dans son jardin à la terre craquelée, entre une fontaine d'où rien ne coule et un poulailler où les volailles n'ont pas vu une goutte d'eau depuis des jours. Fatma et les sept membres de la famille n'ont plus été ravitaillés depuis le passage, il y a cinq jours, d'une citerne réquisitionnée pour approvisionner les 15 000 habitants de Salfit et des milliers d'autres des villages environnants. « J'ai des petits-enfants qu'on ne peut pas doucher et ils ont besoin de boire », se désole-t-elle. La chaleur avoisine les 40 degrés au plus fort de la journée. Dans une région où oliveraies et palmiers s'étendent à perte de vue à flanc de collines, une partie des réserves va à l'irrigation.
Fatma a repoussé un repas de rupture du jeûne du ramadan pour 20 personnes prévu le soir même. « Je ne peux ni cuisiner, ni faire la vaisselle, ni servir à boire, et mes invités ne pourront pas se laver les mains », dit-elle. Salfit, comme toutes les villes palestiniennes, doit acheter son eau à Israël. Avec la canicule, l'État hébreu détourne une partie de l'eau revenant aux Palestiniens au profit des colons israéliens qui se sont établis en Cisjordanie, accusent les autorités palestiniennes.

« Les colons n'ont pas de coupure »
« Salfit repose sur la plus grande nappe d'eau de la Palestine historique et nous n'avons pas de quoi boire parce que notre eau est volée et détournée vers Israël ou les colonies », qui grignotent chaque année davantage de terrain en Cisjordanie, petit territoire vallonné et rocailleux, accuse le maire de Salfit, Shaher Eshtieh.
Faux, rétorque le porte-parole de l'Autorité israélienne de l'eau, Uri Schor. Israéliens et Palestiniens souffrent pareillement du manque d'eau, causé par la chaleur et l'augmentation de la consommation, soutient-il. La pénurie d'eau résulte, selon lui, du « refus total » de l'Autorité palestinienne de l'eau de donner son feu vert au remplacement de vieilles canalisations aux capacités limitées. Au-delà de la maîtrise de la terre, le contrôle de l'eau est un enjeu majeur du conflit israélo-palestinien, l'un des plus vieux au monde.
Selon Ewash, une coalition d'ONG travaillant sur l'eau dans les territoires palestiniens, la consommation par habitant en Cisjordanie est de 73 litres par personne et par jour. C'est en dessous du standard de 100 litres établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et plus de trois fois moins qu'en Israël, où elle atteint 240 litres.
Les colons, « eux, n'ont pas de coupure, ça ne touche que les villes et villages palestiniens. Donc, les Israéliens ne disent pas la vérité quand ils affirment que toute la région est touchée », charge Saleh Ataneh, qui dirige le département de l'eau à la mairie de Salfit.
Les Palestiniens dénoncent la mainmise qu'exercerait Israël sur le comité conjoint chargé de délivrer les permis de creuser des puits ou de construire des infrastructures. « Il ne s'est plus réuni depuis des années », affirment-ils.

« Personne ne vole l'eau »
Le porte-parole de l'Autorité israélienne de l'eau fait, lui, état de réunion conjointe. Entre 2013 et 2016, la fourniture d'eau à la région de Salfit-Naplouse est passée de 2,7 à 3,4 millions de m3 de janvier à mai, selon lui. Le porte-parole des Affaires étrangères israéliennes Emmanuel Nahshon pointe du doigt le piratage des canalisations du côté palestinien. « Côté israélien, l'eau est mieux gérée et personne ne vole de l'eau directement dans le tuyau d'acheminement », dit-il.
Zaher Madi s'alarme des conséquences dramatiques pour son élevage bovin. « Des animaux sont morts et des vaches ont fait des fausses couches », raconte ce Palestinien longiligne de 49 ans. « J'ai besoin de 10 m3 par jour », or « j'en reçois actuellement 10 tous les quatre jours », dit-il, en montrant les quatre seaux qui restent du ravitaillement reçu la veille. « Parfois, je suis obligé de ne pas nourrir les bêtes, parce que j'ai peur qu'ensuite elles réclament de l'eau. Si ça continue, je vais tout arrêter », lâche-t-il.

Sarah BENHAIDA/AFP

À Salfit, dans le nord de la Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël, Fatma Ali reçoit dans son jardin à la terre craquelée, entre une fontaine d'où rien ne coule et un poulailler où les volailles n'ont pas vu une goutte d'eau depuis des jours. Fatma et les sept membres de la famille n'ont plus été ravitaillés depuis le passage, il y a cinq jours, d'une citerne...

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