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Lifestyle - La bonne nouvelle du lundi

Des architectes libanais font du cèdre l’étendard de la préservation des espaces publics

Crise des déchets, attentats, coupures d'électricité, malaise social, clivages politiques accrus, tensions communautaires... Face à l'ambiance générale quelque peu délétère, « L'Orient-Le Jour » se lance un défi : trouver une bonne nouvelle chaque lundi.

Les graines de cèdre du bureau 109 architectes à la biennale d’architecture de Venise. Photo fournie par Youssef Mallat

Munis de graines de pin du Liban-Sud et de cèdre du Chouf, l'architecte libanais Youssef Mallat et son équipe, Richard Kassab, Makenzie Lewis Kassab et Elie Metni, se sont rendus, invités par la Global Art Affairs Foundation, à la biennale d'architecture de Venise, une des plus prestigieuses expositions artistiques au monde. Leur message : inviter les citoyens de la planète à créer des espaces publics, en plantant des arbres aux quatre coins du monde.

Avec ses partenaires Ibrahim Berberi et Michel Georr, rejoints plus tard par Richard Kassab et Nada Assaf, Youssef Mallat a fondé son bureau d'architecture, 109 architectes, en 2002, avec la volonté de s'entourer de « sang neuf ». Avec aussi, au cœur, cet amour de l'architecture libanaise de l'avant-guerre, lorsque l'urbanisme existait encore. « Le Liban avant la guerre, c'est le Liban après l'indépendance, lorsqu'on pensait que le ciel était notre seule limite, déclare-t-il à L'Orient-Le Jour. À cette époque, l'urbanisme était magnifique et nous étions à la pointe dans la construction de bâtiments modernes. Après la guerre, nous n'avons malheureusement pas fait de plans et nous n'avons, notamment, pas prévu d'espaces publics. »

Ce problème a été le moteur de l'initiative du quarantenaire. Convaincu que le secteur privé peut jouer un rôle dans la préservation des espaces publics, « même si la chose n'est pas évidente », l'architecte libanais a monté son installation à la biennale d'architecture de Venise. Une initiative qui répondait à l'appel de l'architecte chilien Alejandro Aravena, directeur de cette 15e édition de la biennale et lauréat du prix Pritzker. « Nous avons la conviction que l'évolution de l'architecture n'est pas un objectif en soi mais une façon d'améliorer la qualité de vie des gens », écrit l'architecte chilien en introduisant l'édition 2016 (28 mai au 27 novembre). Pour lui, face à des problèmes tels que le trafic, la pollution, le manque d'espaces publics, « des batailles doivent être menées ». Dans l'exposé de sa thématique, M. Aravena appelle ainsi à voir, à la biennale placée cette année sous le thème Reporting from the front (Nouvelles du front), de véritables exemples « d'audace, de créativité et de bon sens. »

Deux arbres, deux combats
Les idées d'Alejandro Aravena ont tout de suite trouvé écho dans l'esprit de Youssef Mallat. L'architecte y a associé deux de ses derniers projets de construction à travers lesquels il tentait de sauver des arbres, porteurs d'une mémoire collective et créateurs d'espaces. Pour le premier projet, il s'agissait de créer un bâtiment dans une ruelle d'Achrafieh, à Beyrouth. « Sur le terrain, se trouvait un grand ficus à côté duquel les chauffeurs de taxi avaient pris l'habitude de se garer pour prendre une pause café, manger ou jouer au trictrac, raconte l'architecte. C'était devenu une sorte d'espace public. Nous avons alors décidé de ne pas déraciner l'arbre et de conserver un vide urbain tout autour. » Et de poursuivre : « Il a fallu convaincre le client et préserver l'arbre lors des excavations et de la construction... Et nous avons réussi ! Nous avons préservé l'espace public et sauvé l'arbre qui cristallise la mémoire du lieu. »
M. Mallat n'a toutefois pas remporté tous ses combats. Lors de la construction d'un bâtiment en banlieue de Beyrouth, le bureau 109 architectes a voulu sauver un eucalyptus de 20 mètres de haut. Une entaille a même été prévue afin de créer un espace pour l'arbre. Malheureusement lors des excavations, les racines de l'arbre ont été coupées. « Tout le mal qu'on s'est donné s'est envolé, mais le client a décidé de planter un autre arbre, se console M. Mallat. Si l'arbre n'est plus le même, l'espace autour a au moins été sauvé. »

Des graines et une mappemonde
C'est renforcé par ces expériences au service des espaces publics que le bureau 109 architectes s'est rendu à la biennale d'architecture de Venise. « Nous n'avons pas pris de plans d'architecture avec nous, comme les autres participants, nous avons voulu créer quelque chose de simple et d'interactif », raconte M. Mallat.
En quoi consiste l'initiative ? Du 28 mai au 26 novembre, dans l'espace dédié à l'équipe libanaise, chaque visiteur peut retirer des enveloppes contenant une graine de cèdre ou de pin. Une fois de retour dans son pays, il sème la graine et la géolocalise avec un code sur un site dédié à l'initiative. Simultanément, un marqueur du lieu où poussera l'arbre apparaîtra sur la mappemonde projetée à la biennale.
La première graine de cèdre a été plantée au bureau 109 architectes au moment du lancement du projet, et la seconde, en Suède. À la biennale, mais aussi à l'avenir, M. Mallat et son équipe pourront voir si les visiteurs de cette exposition internationale ont adopté l'idée. Mais ils sont d'ores et déjà optimistes et fiers : durant les 48 premières heures de la biennale, plus de 800 graines avaient déjà été distribuées.


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