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Culture - Exposition

Quand les tentes bédouines se transforment en murales

Sous le titre de « Mu'allaqat », en liaison sans doute avec la joute oratoire poétique arabe suspendue sur les murs d'une médina au VIIIe siècle de la Jahiliya, les onze murales de Mohannad Orabi à la galerie Ayyam s'inspirent du drame syrien, sous influence matissienne.

Mohannad Orabi : « Quand je peins, je suis vivant. »

Barbe allongée en bouc, lunettes cerclées de noir, tee-shirt moulant au col échancré sur le torse, plusieurs gourmettes en cuir au poignet et bagues gothiques en argent aux annulaires, Mohannad Orabi, trente-neuf ans, peintre damascène, expose pour la seconde fois à Beyrouth. Après des périples entre les rives du Barada, Le Caire et Dubaï.
Des toiles aux allures de tapisseries avec anneaux encastrés pour être plaquées aux murs (dimension grand format allant de 2m75x2m30 et 2m40x1m30) d'une sobre économie de couleurs. Blanc sur fond noir ou teinte ocre pour ce qui pourrait être des tissus ou des étoffes de rideaux, comme le souligne l'artiste. Ou des bâches pour tentes de nomades. Crayonnage fauviste et éléments du quotidien réduits à la plus basique des expressions, entre Matisse et Picasso, pour ces représentations à l'acrylique, d'une simplicité d'épure, avec de petites appliques de passementeries vestimentaires afghanes où se joignent fils tissés et bouts de miroir en bouton comme des étoiles dans un firmament plombé.
D'une structure d'icône de la Vierge à l'Enfant aux petits chérubins mutins, avec ou sans ailes, d'un enfant roi à un jeune homme en tarbouche en passant par une femme assise, tous ces personnages aux silhouettes rondes et grassouillettes sont en quête de sédentarité, de stabilité, de paix, intérieure et extérieure. Témoignage des impressions d'une région perturbée, fragmentée et embrasée.
Même sans grande inventivité pour ces « sketches » (comme le dit Orabi qui affectionne ce terme), très sous pinceau et univers matissien, ces toiles à allure de tapisseries modernes font subtilement alterner couleur sanguine, de sable et de deuil. Avec des pointes d'un symbolisme, certes usé jusqu'à la corde mais qui a une certaine universalité de langage tels un bouquet de fleurs, un tapis aux motifs ramagés, trésor des Bédouins, un croissant de lune, un oiseau sur une épaule fatiguée, un corps à l'attitude affalée révélant les ravages invisibles des corps...

Pour peuple en détresse
En voulant magnifier, même modestement, les valeurs nobles et familiales (comme il le confie), le peintre, évoquant avec émotion toute notion de maternité (le souvenir de sa mère défunte le secoue jusqu'à présent), a aujourd'hui pour refuge, par-delà guerre et conflits sanglants, le monde de la peinture.
Peu importe ce que ce monde tout en pastiche vaut intrinsèquement. À part la transcendance de l'idée d'une toile qui pourrait avoir servi d'un bout d'étoffe pour confectionner une tente. Pour peuple en détresse ou émigration.
Mais dans ces murales si nettes (si proches d'une fresque tout en souplesse), aux lignes si claires, aux couleurs si proches du contexte géographique régional, il y a une passion, une rage dévorante. Celles de tracer des vies, d'harmoniser des couleurs, de se conforter et de se construire.
La peinture comme thérapie, planche de salut et baume de consolation ? Et pourquoi pas ? En voila des possibilités ! Cela tient la route sans que cela soit forcément une création remarquable. En substance, Orabi d'ailleurs déclare : « Peindre pour moi est synonyme d'équilibre, de souffle de vie, de stabilité, de point positif, de force. Quand je peins je suis vivant. »

*L'exposition Mu'allaqat, de Mohannad Orabi, à la galerie Ayyam (Zeitoune Street) se prolonge jusqu'au 16 juillet 2016.

Catalogue

Pour ceux qui s'intéressent au parcours de Mohannad Orabi, il y a aussi un ouvrage (190 pages), portant son nom, largement illustré, édité par Maymanah Farhat, avec des textes de Marina Iordan, Danna Lorch et Maymanah Farhat. Le design est signé Tammam Azzam.

Barbe allongée en bouc, lunettes cerclées de noir, tee-shirt moulant au col échancré sur le torse, plusieurs gourmettes en cuir au poignet et bagues gothiques en argent aux annulaires, Mohannad Orabi, trente-neuf ans, peintre damascène, expose pour la seconde fois à Beyrouth. Après des périples entre les rives du Barada, Le Caire et Dubaï.Des toiles aux allures de tapisseries avec...

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