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Culture - Théâtre

Et si deux parallèles arrivaient à se rencontrer ?

La jauge du théâtre Monnot remplie, les spectateurs de toutes les générations assistent stupéfaits à la rencontre de deux mondes antinomiques. Des cinéastes hollywoodiens, obnubilés par leur image et le showbiz, passent à côté d'une ruralité irlandaise qui est en porte-à-faux.

Autour d’une botte de paille, seize protagonistes sont dépeints par Elric Thomas et Éric Métayer. Photo Alizée Chiappini

Au théâtre Monnot, Des cailloux plein les poches *, une pièce écrite par Marie Jones en 1996 et adaptée au théâtre en 2003 par Stephen Meldegg. Cette mise en abyme du cinéma dans le théâtre rappelle avant tout l'Irlande telle que John Ford aimait la filmer dans Révolte à Dublin, Le Mouchard ou L'Homme tranquille. Hollywood pose ses valises de tournage sur la terre épurée et verdâtre irlandaise. Cette production n'est pas une absurdité irish sans intérêt commercial. La scénographie est minimaliste et se contente de quatre bottes de paille, d'une porte, d'un coffre de rangement, d'un banc qui fait des va-et-vient, d'une petite pelouse synthétique et d'un fond nuageux. Autour de ces éléments, les personnages vont s'engueuler, pleurer, rigoler, se questionner, se rappeler le temps qui leur échappe.

Seize protagonistes sont dépeints par deux acteurs complets que sont Elric Thomas et Éric Métayer. Un jeune drogué et paumé, une actrice capricieuse, un assistant réalisateur sur les chapeaux de roue, un metteur en scène snob, un paysan irlandais et bien d'autres encore sont passés au peigne fin. Il faut un léger temps d'adaptation au spectateur pour recevoir dans les yeux et les oreilles la multiplicité et l'alternance des rôles. La suite reste très bien huilée.

Le parler haut, le parler bas, le mimétisme, le langage corporel, la convocation des émotions, tout y est. Le registre comique reste classique, et la mise en scène peut être parfois caricaturale, ce qui altère certains moments émouvants de l'histoire. Malgré cela, le jeu des acteurs est maîtrisé et le temps passe vite. Même si, pour certains, la pièce aurait tout de même gagné à être légèrement plus courte.

Un ascenseur émotionnel
Éric Métayer sur scène, c'est avant tout une gueule et une présence scénique qui lui est propre. Le figurant qu'il incarne, Charlie, est innocent et attachant. Son rêve est d'arriver à faire lire son dernier script à une actrice ou un metteur en scène que le comédien français va lui-même jouer. C'est dire si le jeu d'acteur demande une mise en partition. Éric Métayer connaît tous les codes du stand-up et de l'improvisation, il est très impliqué sur scène, mais aussi très adroit avec ses sentiments, alternant le sourire aux larmes.
L'élocution d'Elric Thomas lui permet de jouer avec force ses personnages. Sa posture pesant sur scène, il alterne des individus tiraillés par l'alcool, le doute, l'excentricité et la force de l'âge. Son figurant, Jake, connaît un jeu de séduction avec l'actrice Lucia Giovanni. Le rêve américain ? Il ne veut plus en entendre parler, il vit avec un certain pessimisme.

Prendre en main son destin
Un des tournants de la pièce est le sort de Sean, un jeune Irlandais qui s'est perdu dans ses rêves. Il confiait à son ami d'enfance son souhait de s'épanouir en Amérique. La faillite de la ferme de son père l'a plongé dans une déambulation alcoolisée pour le reste de ses jours. C'est l'histoire d'un adolescent qui n'a jamais eu des billets plein les poches; seulement des cailloux plein les poches qui ont entraîné sa lente descente aux enfers. Son pouvoir imaginaire a trop pesé. Et si c'était lui le héros de l'histoire comme le Sean de L'Homme tranquille ?
La comédie et le drame de la pièce sont le résultat de l'intervention de la réalité dans ce que Sean observe comme un monde de rêve.

Le visage d'Elric Thomas se fige, l'émotion surgit sur son corps stoïque, le regard porté au loin est rempli de culpabilité. Un véritable tournant a lieu sur le plateau... le tournage doit continuer. Lors d'une scène marquante, les deux figurants dansent sur un morceau irlandais sous la direction du metteur en scène : une impression d'humiliation de bêtes de foires (ou de scènes) règne dans la salle.
Au fil de la pièce, le tournage se dégrade logiquement. Les deux acteurs attirent constamment l'attention sur ces deux mondes qui n'arrivent pas à converger vers une même direction. Hollywood recherche la rentabilité et passe outre les relations sociales. Pour les figurants irlandais, c'est le contraire et ils comptent bien le faire valoir en défendant avec ardeur ce qu'ils sont.

* Au théâtre Monnot ce samedi soir et demain dimanche 26 juin, à 21h. Réservations sur Antoine Ticketing.

 

 

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