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Liban - Rencontre

Badreddine est mort innocent puisqu’il n’a pu être jugé, affirme son avocat

Me Antoine Korkomaz risque bientôt de ne plus assister aux audiences du TSL. Commis d'office par le bureau de la défense (relevant du TSL lui-même) pour défendre Moustapha Badreddine, l'un des cinq prévenus dont le nom figure dans l'acte d'accusation du procureur dans le procès sur l'assassinat de Rafic Hariri, il est convaincu que son client est mort. « Comme il a quitté ce monde avant d'avoir été condamné par un tribunal, il est mort innocent, en application de la présomption d'innocence qui exige qu'on ne puisse pas accuser quelqu'un qui ne peut pas se défendre. Il est même désormais interdit de le considérer comme l'un des coupables et de mentionner son nom dans les débats », estime l'avocat à la longue et riche expérience internationale.

De passage à Beyrouth, l'avocat de Badreddine fait le point pour L'Orient-Le Jour sur la situation nouvelle à laquelle doit faire face le TSL avec l'annonce, le 13 mai dernier par le Hezbollah, de la mort de son client en Syrie.
Me Korkomaz commence par rappeler que le système adopté par le TSL est plus proche du système anglo-saxon que de celui de la France ou du Liban. Dans ce système, c'est le procureur qui lance les poursuites et rédige l'acte d'accusation (au Liban, c'est le juge d'instruction). C'est d'ailleurs pour satisfaire ceux qui penchent vers le système franco-libanais que le TSL a prévu « le juge de la mise en état » qui vérifie dans la forme l'acte d'accusation et les preuves qui y figurent sans se prononcer sur le fond.

Au stade actuel, précise Me Korkomaz, le TSL en est encore à écouter la version de l'accusation et les témoins dont elle a demandé la convocation. Bien qu'il n'y ait pas de délai, cette étape pourrait s'achever au printemps prochain et ce sera alors au tour de la défense d'exposer son point de vue et d'auditionner ses témoins qui devraient d'abord obtenir l'aval de la cour.

Comment Me Korkomaz est-il devenu l'avocat de Moustapha Badreddine ? L'avocat affirme n'avoir jamais rencontré ce client ni aucun membre de sa famille. Il a été commis d'office par le bureau de la défense qui est un des organes du TSL pour défendre les droits et les intérêts des accusés, dans une procédure de procès par défaut (Au Liban, les personnes jugées par défaut n'ont pas droit à un avocat, mais pour le TSL, c'est différent). Selon Me Korkomaz, il est difficile pour un avocat de défendre les intérêts d'une personne qu'il ne connaît pas, surtout dans le pénal, puisqu'on y juge justement les personnes et pas seulement des faits. « Mais, ajoute-t-il, lorsqu'on accepte le principe, les règles déontologiques imposent d'assurer une défense parfaite. »

 

(Lire aussi : La chambre d'appel suspend le procès en 1re instance, suite à une requête déposée par les avocats de Badreddine)

 

Suspension du procès
L'annonce officielle de la mort de Moustapha Badreddine, le 13 mai, a créé des remous au sein du TSL. Ce dernier ne pouvait pas passer outre cette information qui concerne un des principaux accusés. Le tribunal s'est donc réuni et le procureur n'a pas mis en doute le décès de Badreddine. Après une journée de démonstration, à laquelle Me Korkomaz a apporté sa contribution, la chambre de première instance a estimé que les preuves fournies du décès ne sont pas suffisantes. La décision a été prise à la majorité des voix des membres de cette chambre (trois juges titulaires et deux suppléants qui n'ont pas droit au vote) de poursuivre son procès jusqu'à la preuve irréfutable de la mort de Badreddine. Me Korkomaz a décidé d'interjeter appel sur deux points : d'abord la nécessité de suspendre le procès en attendant la décision de la cour d'appel puis sur le fond, en particulier au sujet de la mort de Badreddine. Mercredi, la cour d'appel a accepté de suspendre le procès et elle doit se prononcer incessamment sur le fond, après avoir entendu l'argumentation du procureur. Les avocats des victimes pourront ensuite donner leurs observations et la défense aura deux jours pour donner son avis.

Comment Me Korkomaz qui n'a jamais vu Badreddine et sa famille peut-il être convaincu qu'il est mort ? L'avocat répond qu'il y a des éléments irréfutables : les funérailles, les faire-part officiels, l'attitude de la famille, la douleur sur les visages (car tout a été filmé et longuement étudié), ainsi que les déclarations des autorités religieuses, notamment chiites.
Mais il s'agit peut-être d'une mise en scène intelligente pour éviter que Badreddine soit jugé ?
« J'ai honte de commenter ce genre de propos, s'écrie Me Korkomaz. Il n'y a aucune raison qui justifie de créer une telle mise en scène. Il y avait entre 500 000 et 600 000 personnes aux funérailles, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur sont venus présenter leurs condoléances, le mufti jaafarite, le vice-président du Conseil supérieur chiite ont confirmé sa mort. De plus, quel serait l'intérêt de simuler la mort d'un chef militaire comme lui ? En général, c'est plutôt le contraire : on cherche à dissimuler la mort d'un personnage comme lui. Même si je préfère personnellement qu'il soit encore vivant, je reste convaincu que Moustapha Badreddine est tombé en martyr. » Pour Me Korkomaz, Badreddine est-il un martyr ? « Bien sûr, il est mort sur le champ de bataille. »

 

(Lire aussi : Le procès de Badreddine se poursuit malgré l'annonce de sa mort)

 

Pourquoi, selon lui, la cour a-t-elle rejeté la thèse de la mort ? À ses yeux, c'est un moyen de continuer le procès contre les autres. Le procureur peut en tout cas modifier l'acte d'accusation pour retirer le nom de Badreddine qui ne peut plus être considéré comme un accusé, puisqu'il est mort sans avoir été jugé et avant que sa défense n'ait pu s'exprimer. Si la mort de Badreddine est reconnue par la cour d'appel, son nom devrait donc être retiré du procès si le TSL veut respecter le principe de la présomption d'innocence d'un accusé jusqu'à ce qu'il soit condamné par une instance judiciaire et non par l'opinion publique.
Dans ce cas, pourrait-on privilégier la thèse de sa liquidation pour éviter son jugement ? « Personnellement, sa mort me frustre énormément. Nous, au bureau de la défense, nous avons travaillé pendant des années. Nous avons réussi à avoir la preuve de l'inanité des moyens et des preuves avancés par le procureur. Ce dernier n'a d'ailleurs présenté devant la cour que des preuves circonstancielles (basées sur des indices et des éléments de déduction). Mais il n'y a aucun enregistrement, aucun SMS, etc. Plus même, on oublie comment le dossier de l'accusation a commencé par incriminer les Syriens pour ensuite se tourner vers les généraux libanais avant d'en arriver aux cinq accusés actuels, sans oublier l'affaire des faux témoins... Ce n'est qu'en 2008 que le nom de Badreddine a été évoqué à partir d'un numéro de téléphone qui était supposé lui appartenir, sachant que la piste des islamistes a été abandonnée... »

Me Korkomaz estime que si la présomption d'innocence est appliquée – et elle doit l'être affirme-t-il –, le nom de Badreddine devrait donc être retiré de l'acte d'accusation. Or ce dernier mentionne que Badreddine était le lien entre deux autres accusés Ayache et Merhi, qui, toujours selon l'acte d'accusation, n'avaient pas de contacts entre eux. Ce qui devrait remettre en cause leur mise en accusation. Bref, l'avocat se pose beaucoup de questions sur la suite du procès sachant que le mandat du TSL expire en février 2018...


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Pour la petite histoire

Moustapha Badreddine a été l'élève tardif du Pr Omar Nachabé à la LAU. Il s'était inscrit en 2002 à un cours ayant pour titre « Introduction aux droits de l'homme » et il était plus âgé que son professeur. C'était, paraît-il, un étudiant studieux et aimable...

 

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commentaires (6)

Vous ne remarquer pas que toutes les personnes ayant eu des relations avec l'assassinat de Hariri sont entrain de mourir EN SYRIE c'est le comble hien !! Et juste pour Maitre Korkmaze vous savez tres bien que dsns se genre de procès ou meme en droit international meme apres sa mort la justice peut l'accuser !!

Bery tus

15 h 22, le 24 juin 2016

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Vous ne remarquer pas que toutes les personnes ayant eu des relations avec l'assassinat de Hariri sont entrain de mourir EN SYRIE c'est le comble hien !! Et juste pour Maitre Korkmaze vous savez tres bien que dsns se genre de procès ou meme en droit international meme apres sa mort la justice peut l'accuser !!

    Bery tus

    15 h 22, le 24 juin 2016

  • S'il était innocent, le Hezbollah aurait mieux fait de le défendre au lieu de le "tuer" en Syrie.

    Achkar Carlos

    13 h 53, le 24 juin 2016

  • ET GUILTY... PUISQUE IL N,AVAIT PAS ACCEPTE D,ALLER PROUVER SON INNOCENCE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 45, le 24 juin 2016

  • Une pure perte de temps et d'argent, juste pour faire plaisir à des huluberlus adorateurs du "machin".

    FRIK-A-FRAK

    11 h 36, le 24 juin 2016

  • ah mais moi je prefere de loin les voir morts plutot que coupable et en liberte ou meme en prison.

    George Khoury

    10 h 01, le 24 juin 2016

  • "l'avocat se pose beaucoup de questions sur la suite du procès sachant que le mandat du TSL expire en février 2018": oui, il y a beaucoup de questions ou plutôt, surtout UNE évidence: On se fout de notre gueule depuis l'attentat, une mauvaise foi à hurler, c'est de la manipulation et un chantage purs et simples de la part de ceux qui ont mis en place le TSL, qui nous coûte les yeux de la tête et ne nous mènera jamais nulle part. Qui sont les cerveaux de ce crime si savant qu'on n'en trouve de "vraies" preuves nulle part? Des accusations, des suppositions, des déductions, des faux témoins, des témoins invisibles... En douze ans, on est toujours pratiquement à la case Départ... Et on n'a de fortes chances d'y rester...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 29, le 24 juin 2016

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