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Liban - Patrimoine

La mosaïque de Qabr Hiram fait son retour (virtuel) au Liban

Mise au jour au lieu-dit Qabr Hiram, dans les environs de Tyr, par Ernest Renan en 1860, la mosaïque de l'église Saint-Christophe (VIe siècle) est par sa taille, 120m2, et la qualité de son exécution, la pièce maîtresse de la collection de mosaïques antiques du Louvre.

Chef-d'œuvre de la Syrie byzantine, la mosaïque de l'église Saint-Christophe, dite de Qabr Hiram, fait partie de la collection du musée du Louvre, où elle est conservée dans son intégralité et dans sa configuration d'origine.

Une reproduction virtuelle de ce pavement paléochrétien, avec maquette et planches, est exposée dans la cour centrale de l'Alba, Sin el-Fil. Son répertoire ornemental offre des scènes de la vie domestique, de travaux des champs, des motifs de fruits, des représentations des mois et des saisons, ainsi que des moutons, des poissons et des combats d'animaux sauvages, dont des tigres, des lions et des éléphants.

L'histoire de la découverte de ce « tapis » a été relatée au cours d'une conférence à trois voix, donnée par Cécile Giroire, conservatrice au musée du Louvre, Évelyne Chantriaux, directrice de l'atelier de restauration de mosaïques, musée Gallo-Romain-en-Gal-Vienne (département du Rhône), et Élie Abi Nassif, architecte-professeur à l'Alba et initiateur de l'exposition.

C'est à l'occasion d'une mission d'exploration de l'ancienne Phénicie conduite en 1860-1861 par l'écrivain, philosophe, philologue et archéologue Ernest Renan qu'est mis au jour la mosaïque. En explorant les environs de Tyr, Renan s'arrête à Hanawaï, intrigué par la présence et la forme de la tombe de Hiram. À proximité du mausolée, un des soldats qui l'accompagnent remarque « le pied, à peine émergent du sol, d'une colonne ornée d'une croix grecque », raconte Élie Abi Nassif. Les travaux de déblaiement laissent apparaître « sous une épaisseur de 30 à 40 cm, un sol en mosaïque, avec une inscription en grec, datée de 575, dédiant l'église à Saint-Christophe ». Celle-ci, dans son ensemble, sauf l'abside, était ornée d'un pavement de mosaïque particulièrement bien conservé. « La découverte entraîne quelques problèmes avec les villageois de la région, hostiles aux représentations figurées, et il a fallu garder le site par l'armée », jusqu'à l'arrivée du mosaïste italien Luigi Taddei.

Dépêché au Liban sur ordre de Napoléon III, Taddei découpera les énormes pièces en 80 plaques pour les transporter jusqu'au Louvre. Toutes les structures de l'église avaient disparu, mais les relevés du plan des mosaïques réalisés « un peu à la hâte » par l'architecte Thobois ont permis d'établir qu'elle était de type basilical, comportant « une nef principale, deux collatéraux, avec abside et absidiole ».

 

Exemple unique
Présentée depuis 2012 dans les nouveaux espaces muséographiques consacrés à l'Orient méditerranéen dans l'Empire romain, la mosaïque de Qabr Hiram est « la pièce maîtresse de la collection de mosaïques antiques du Louvre », souligne Cécile Giroire. Elle constitue « le seul vestige d'une église de plan basilical » et « un exemple unique dans un musée occidental ». Aussi a-t-elle été intégralement exposée, « en reprenant l'aménagement de l'église divisée en trois nefs ».

Outre quelques petites inscriptions reproduisant des citations bibliques, son décor ne représente pas une iconographie strictement théologique. Ses motifs s'inscrivent plutôt dans la tradition gréco-romaine. Mais en réalité, « l'image est polysémique. La composition a priori disparate offre aux fidèles une lecture à connotation chrétienne. Car c'est Dieu qui est célébré à travers ses créations », c'est-à-dire les hommes, la faune, la flore et les saisons. En bref, « la représentation du monde sensible et réel », ajoute-t-elle.
La mosaïque qui a subi des outrages au cours des différentes interventions de dépose et de restauration, est confiée, en 1994, aux spécialistes de l'atelier Saint-Romain-en-Gal-Vienne.

 

Le « tapis » recomposé
Presque dix ans de travail ont été nécessaires pour mener à bien le traitement de cet ensemble qui n'avait jamais été présenté en totalité depuis son entrée au musée du Louvre en 1862. L'ampleur des travaux s'explique par la surface traitée, 120 m2 au total, et par les difficultés inhérentes aux reprises de restauration anciennes. « Découpée en de nombreuses plaques pour son transport et son entrée au Louvre en 1862, elle a été remontée en 1891 sur des supports de ciment renforcés par des armatures et des cadres de fer, puis transférée sur un support de plâtre en 1979. Il a donc fallu entreprendre plusieurs opérations pour enlever les anciens supports, dégradés en divers endroits, et remonter les 80 plaques, qui constituent le pavement, sur nid d'abeilles en alliage d'aluminium, supports légers et résistants, selon un plan visant à réduire le fractionnement de la mosaïque », explique Évelyne Chantriaux, directrice de l'atelier de restauration.

Ensuite, l'ensemble du pavement a été recomposé suivant le plan dressé par l'architecte de Renan. Viennent ensuite les traitements de surface. C'est-à-dire, le nettoyage des décors « ternis et encrassés par des couches de cire ». Le comblement des lacunes par des enduits de chaux esthétiques pour remplacer les anciens colmatages de ciment. Il fallait aussi remplacer les tesselles synthétiques rapportées lors de la restauration précédente par des tesselles de pierre ; puis traiter les espaces vides correspondant aux bandes de mosaïque à fond blanc qui raccordaient initialement les différents tapis du pavement. « Ces bandes disparues ont été matérialisées par un revêtement minéral reliant les différents panneaux de mosaïques. Un traitement spécifique marque les emplacements de certains éléments structurants de l'architecture. »

L'aboutissement des opérations s'est traduit par l'installation, en 2012, des 30 panneaux constitutifs de la mosaïque, dans les salles du Louvre consacrées à l'Orient méditerranéen dans l'Empire romain.
Le pavement restauré s'offre aux visiteurs, un siècle et demi après son entrée au Louvre, dans la configuration qu'il présentait au sol de l'église Saint-Christophe.

 

 

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