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Liban - La situation

Retour à la normale pour le secteur bancaire, les Kataëb dans l’opposition

Le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, a reçu hier l\'ambassadeur de Russie, Alexandre Zasypkine. Photo Ani

À peine deux jours après l'explosion devant le siège de la Blom Bank à la rue de Verdun dimanche dernier, les craintes d'une nouvelle série d'attentats, ou de troubles sécuritaires, en réaction aux sanctions américaines contre le Hezbollah, semblent s'être entièrement dissipées.

Des sources concordantes rapportaient dès mardi dernier à L'Orient-Le Jour « l'apaisement » du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, à la suite d'une « solution médiane » obtenue avec le Hezbollah. Bien qu'il n'y soit pas directement fait référence officiellement, cette solution ne serait autre que celle qui avait été concédée par la BDL avant l'attentat de Verdun en vertu des demandes formulées par l'Ofac. « L'explosion ayant visé la Blom Bank n'affecte pas les circulaires émises par la BDL (NDLR: le 3 mai sur les modalités d'application par les banques des sanctions américaines) », a ainsi déclaré hier Riad Salamé, dans le cadre de sa dernière réunion avec le conseil d'administration de l'Association des banques, présidé par Joseph Torbey.

Cité par l'agence al-Markaziya, M. Salamé a rappelé les prescriptions de la BDL aux banques : cesser toute transaction ou tout traitement, en dollar ou autre devise, avec les noms listés par l'Ofac, coordonner avec l'instance de contrôle les cas éventuels de fermeture de comptes, et enfin soumettre à la commission d'investigation de la BDL les cas de comptes douteux, sur lesquels la commission devra se prononcer dans un délai de trente jours. M. Salamé a souligné devant ses interlocuteurs avoir « été informé de l'approbation de ce mécanisme par les parties étrangères concernées ». « L'atmosphère générale à l'étranger n'est pas hostile aux Libanais et tous sont compréhensifs des difficultés. Tant que nous continuons de répondre aux requêtes du secteur bancaire international et que nos rapports avec les autorités étrangères ainsi qu'avec nos correspondants sont clairs et francs, nous pouvons être rassurés. Il faut seulement être patients. »


(Lire aussi : Attentat de Verdun : le silence inquiétant du Hezbollah, l’éclairage de Philippe Abi-Akl)

 

En outre, ce mécanisme serait favorablement accueilli par le Hezbollah lui-même, grâce à une certaine « malléabilité » qu'il autorise, de sources proches du gouverneur. L'un des critères retenus en effet pour cerner les comptes « suspects » serait leur lien direct avec le financement des activités politiques et « terroristes » du Hezbollah. Il en résulterait, à titre d'exemple, que les comptes exclusivement alimentés par l'État libanais, comme les salaires de députés du Hezbollah, ne subissent pas les sanctions américaines, comme le confirment à L'OLJ les milieux de la BDL. Ce sont en revanche les fonds (notamment « illicites » ) en provenance de l'étranger suspectés de faire l'objet de blanchiment d'argent en faveur du Hezbollah qui devront faire l'objet d'investigation.

En contrepartie, il existe au moins deux paramètres échappant à toute emprise des banques libanaises, selon des sources financières citées par l'Arab Economic News: la liste de l'Ofac qui pourrait s'élargir, et le pouvoir des correspondants américains d'interrompre à tout moment, unilatéralement et sans préavis, les transferts en dollars effectués par le biais d'une banque libanaise.
Ce face-à-face entre deux entités inégales et aux intérêts divergents, que l'on peut grossièrement présenter comme le système bancaire d'une part et la milice de l'autre, semble être suspendu actuellement à un point d'équilibre, qui répond au double impératif de stabilité sécuritaire et bancaire au Liban. Le mécanisme relativement souple instauré par la BDL semble s'accompagner en effet d'une entente à dissocier la politique du secteur financier. Le réflexe du Hezbollah avait été de rétorquer aux sanctions américaines sur le terrain du politique, de répondre aux contraintes bancaires en invoquant le combat militaire « souverainiste », puis en faisant savoir que toute tentative d'isoler le Hezbollah n'aura d'autre aboutissement que l'isolement du Liban à l'échelle internationale. Après avoir flirté avec les lignes rouges de la stabilité bancaire et sécuritaire, le parti chiite semble désormais s'en remettre aux banques sur le dossier des sanctions américaines, à la lumière des réassurances obtenues par le biais de la BDL : une tendance qui se dégage de lectures favorables au parti chiite et qui pourrait se traduire dans le discours de son secrétaire général demain.

Si l'on retient toutefois le souci du président de la Chambre d'éviter une confrontation entre les banques et le Hezbollah (un souci qui est celui d'une tranche non négligeable de commerçants influents d'appartenance chiite), ainsi que « la perplexité » des émissaires du Hezbollah dans leurs discussions avec des représentants du secteur bancaire de contourner la crise, l'affrontement sur le terrain financier semblait perdu d'avance pour le parti chiite.
Comment expliquer dès lors que l'explosion de Verdun ait marqué un point de revirement de ses positions à l'égard des banques ? De source autorisée, cet attentat aurait eu pour motif non pas l'illusion de pouvoir contrer ou bloquer ainsi les sanctions américaines, mais la nécessité de rappeler et montrer qu'il existe au Liban un « contrepoids politique » à ces sanctions. C'est une sorte d'étalage de musculature instaurant un équilibre de la terreur, mais servant également de prélude à la mise en œuvre du mécanisme financier approuvé. Le Hezbollah aura ainsi été, cohérence oblige, au bout de sa logique d'escalade contre les sanctions... avant le compromis.

(Lire aussi : Attentat de Verdun : deux hypothèses et une certitude, le décryptage de Scarlett Haddad)

 

Les Kataëb catégoriques
Sur un autre plan, strictement interne, la démission des deux ministres Kataëb, Sejaan Azzi et Alain Hakim, annoncée mardi par le chef du parti, le député Samy Gemayel, semble accompagner une certaine mouvance contestataire qui perce l'immobilisme institutionnel. Bien qu'hétéroclite et multiforme (le soulèvement populaire de l'été dernier, les listes indépendantes ou d'opposition, et les votes de défiance lors des municipales), cette mouvance est identifiable à une attitude de démarcation par rapport au système dans son ensemble. Les milieux proches du député Samy Gemayel expliquent à L'OLJ que la décision de démission a résulté d'un « cumul » de situations où le parti s'était heurté à l'impuissance de faire face à la corruption du pouvoir. Face à cette impasse, il a été décidé de « nous placer dans l'opposition », avec un « spectre limité d'outils, que nous entendons toutefois exploiter entièrement : les médias et la rue – les législatives étant reportées et la justice étant ce qu'elle est ». Ces milieux affirment que le parti prévoit « une série de sit-in devant les sièges d'institutions impliquées dans des affaires de corruption ». En parallèle, le parti doit continuer de prendre connaissance de l'ordre du jour du Conseil des ministres et de se prononcer sur les dossiers critiques.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la démission, les sources proches de M. Gemayel sont catégoriques : « Nos deux ministres ne se rendront plus aux réunions du gouvernement, ni aux bureaux de leurs ministères. Cela est déjà tranché. Pour ce qui est toutefois de l'expédition des affaires courantes, celle-ci » fait l'objet d'une étude juridique menée par nos experts et dont les résultats seront annoncés lundi prochain «. Ces informations divergent quelque peu de la déclaration hier à la radio du ministre démissionnaire Sejaan Azzi, pour qui « il est certain que nous continuerons d'expédier les affaires courantes, puisqu'il y va de l'intérêt des gens ». Ces divergences rejoignent l'avis, au sein du parti, selon lequel la démission voulue par le chef des Kataëb est en partie motivée par certains écarts de points de vue avec les ministres qui le représentent.

L'un des trois membres du bureau politique (contre 27) à avoir contesté la décision de démission, M. Azzi a précisé que « la démission est entrée en vigueur politiquement, mais est bloquée institutionnellement, en l'absence d'un président de la République, qui a compétence, avec le Premier ministre, à l'accepter ». Il a rejoint ainsi l'avis selon lequel aucune démission ne peut être acceptée en l'absence d'un président, vu l'impossibilité matérielle que le Conseil des ministres – qui remplit les prérogatives du chef de l'État – le fasse à l'unanimité dans ce cas précis.
La démission d'Achraf Rifi n'a d'ailleurs jamais été soumise au vote du Conseil des ministres. Actuellement, « M. Rifi signe tous les décrets relevant de son ministère chez lui et ne se rend plus à ses bureaux », affirment les milieux proches du ministre de la Justice. Une modalité intermédiaire d'expédition des affaires courantes, sans fondement constitutionnel clair.

 

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Des sources concordantes rapportaient dès mardi dernier à L'Orient-Le Jour « l'apaisement » du...

commentaires (4)

TRAVAILLER À LA MAISON COMME MINISTRE C'EST PLUS CONFORTABLE, ON A LES MAINS LIBRES À 100%. comme les députers d'ailleurs.

Gebran Eid

14 h 28, le 16 juin 2016

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Commentaires (4)

  • TRAVAILLER À LA MAISON COMME MINISTRE C'EST PLUS CONFORTABLE, ON A LES MAINS LIBRES À 100%. comme les députers d'ailleurs.

    Gebran Eid

    14 h 28, le 16 juin 2016

  • Notre pays s'enfonce de plus en plus dans un désordre indescriptible dans tous les domaines... Ces trois démissions de "ministres": Achraf RIFI, Sejaan AZZI et Alain HAKIM, ce n'est même plus de la politique, c'est une mascarade généralisée, puisqu'ils continuent quand'même d'expédier les soi-disant affaires courantes ! Messieurs les "MINISTRES", quelle conscience professionnelle... Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 39, le 16 juin 2016

  • Démission des ministres phalangistes : Il n'y a pas d'art pour découvrir par un simple acte banal les dispositions des âmes.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 18, le 16 juin 2016

  • héZébbb VS secteur bancaire : La hâblerie ne fait que s'alourdir par l'impertinence.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 13, le 16 juin 2016

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