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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les Kurdes d’Iran toujours ostracisés malgré l’arrivée au pouvoir de Rohani

Le régime a militarisé le Kurdistan et ne cesse de traiter la question kurde, aussi bien l'aspect économique que sociétal et culturel, de manière uniquement sécuritaire, accuse un activiste kurde iranien exilé en France.

Une Iranienne kurde est assise devant une mosquée à Sanandaj.

Alors que les Kurdes d'Irak et de Syrie occupent ces derniers temps le devant de la scène au gré de leur lutte contre l'État islamique (EI) et de leur aspiration à l'indépendance, la situation de leurs homologues d'Iran est rarement abordée. Or des manifestations en mai 2015 ont révélé une réelle indignation au sein de cette communauté de sept millions d'individus à l'égard de la politique iranienne. Débutant à Mahabad, à la suite de la mort de Farinaz Khosrawani, jeune Kurde de 25 ans tombée du quatrième étage alors qu'elle tentait d'échapper à l'agression d'un militaire iranien, elles ont rapidement pris un caractère national, atteignant notamment les villes de Saqqez, Marivan, Bukan et Sanandaj. Que révèle ce phénomène ?

La République islamique d'Iran est fondée sur le principe du « peuple unique », les Perses, avec une religion d'État, le chiisme, et une seule langue, le persan. Or, en Iran, vivent des minorités ethniques non perses (les Kurdes, les Arabes, les Baloutches) et non chiites qui ne trouvent pas leur compte dans la politique menée. 37 ans après l'instauration de la République islamique, des discriminations envers ces minorités subsistent, notamment envers les Kurdes. Rébin Rahmani, kurde iranien, exilé en France depuis trois ans et engagé auprès de l'organisation Réseau pour les droits de l'homme au Kurdistan, témoigne : « Aujourd'hui encore, le régime iranien considère le Kurdistan comme une menace et se méfie des Kurdes qu'il considère au mieux comme des séparatistes, au pire comme des terroristes. En conséquence, le régime a militarisé le Kurdistan et ne cesse de traiter la question kurde, aussi bien l'aspect économique que sociétal et culturel, de manière uniquement sécuritaire. »

Les Kurdes sont, en outre, exclus de l'appareil du pouvoir où les réseaux traditionnels islamiques sont toujours très puissants. « Parmi l'élite, les ministres, les ambassadeurs, les consuls... tous appartiennent au sérail islamique et nombreux sont ceux qui ont participé à la guerre Irak-Iran », explique Bernard Hourcade, spécialiste de l'Iran et directeur de recherche émérite au CNRS. Ce qui implique un manque d'intérêt évident pour certaines régions habitées par des minorités. D'après Rébin Rahmani, « le Kurdistan a volontairement été abandonné par le pouvoir central qui a délibérément sous-investi dans l'agriculture et les entreprises de cette région. En conséquence, la pauvreté et le chômage des Kurdes sont en moyenne cinq fois supérieurs à la moyenne nationale. Par manque d'opportunités professionnelles, beaucoup de jeunes Kurdes choisissent de devenir des koulbars, des travailleurs frontaliers nomades qui transportent à dos d'homme ou de mulet des marchandises de contrebande ».

La prison, un échantillon
Les inégalités de traitement se reflètent également dans le système carcéral. Selon le média iranien Iran Focus et le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), des dizaines de gardiens de prison ont agressé, le 13 mai dernier, des détenus politiques kurdes dans une prison au nord-ouest de Téhéran. Le nombre de ces détenus et les conditions d'incarcération de certains d'entre eux reflètent peu ou prou le traitement des Kurdes dans la société iranienne. Les motifs invoqués pour leurs inculpations sont « collusion avec des puissances étrangères, action contre la sécurité nationale ou encore propagande contre le régime », fustige M. Rahmani. « Les prisonniers politiques sont souvent détenus dans des établissements pénitentiaires sous le joug du ministère des Renseignements ou du corps des gardiens de la révolution. Dans ces prisons clandestines, là où le droit ne s'applique pas, ils subissent toutes sortes de tortures physiques et psychologiques et sont privés de l'assistance d'un avocat et du contact d'avec leurs familles. »


(Pour mémoire : La France "préoccupée" par le sort d'un jeune kurde condamné à mort en Iran)

 

Un effort de Rohani
Au vu de la guerre en Irak et en Syrie, la question kurde apparaît de plus en plus comme un facteur de contingence pour la République islamique. La cécité aux métamorphoses de la région risquerait en effet d'étendre le conflit jusqu'en Iran. « La montée en puissance des Kurdes en Irak et en Syrie fait prendre conscience aux autorités iraniennes que le problème est grave », explique Thierry Coville, chercheur à l'Iris spécialiste de la question iranienne. « La politique iranienne tente aujourd'hui d'intégrer les Kurdes plutôt que de mener une politique répressive à l'égard des communautés », ajoute le directeur de recherche.
L'ouverture à d'autres langues dans les universités en témoigne. Les étudiants au Kurdistan iranien ont, depuis mars 2015, l'occasion de choisir le kurde comme langue d'apprentissage dans les écoles de l'Iran occidental, d'après Rudaw, un média implanté à Erbil. L'Université de Sanandaj, une des plus grandes villes kurdes en Iran, a ouvert un nouveau département autorisant ces cours.

Sur le plan économique également, Hassan Rohani, président depuis 2013, tente d'intégrer cette communauté. Un gazoduc a été mis en place pour alimenter directement l'Ouest iranien. « Il permet la mise en place, au Kurdistan, d'industries de produits semi-raffinés et ainsi la fabrication de matière plastique, chimique, etc. », souligne M. Hourcade. Cette initiative révèle que la politique iranienne est dans une logique d'intégration. « Les Kurdes n'ont pas une volonté de se détacher par la force. Ils souhaitent plutôt faire valoir leur identité culturelle à l'intérieur de l'Iran. C'est pourquoi leurs aspirations ont plus de chance de se réaliser avec l'Iran », analyse M. Hourcade.
De nombreux Kurdes jouent le jeu de la démocratie et y participent en créant des associations ou des journaux contestataires. D'autres, comme M. Rahmani, sont obligés de quitter le pays pour faire valoir leur droit avec comme « souhait le plus cher d'y retourner ».

 

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commentaires (2)

HIER LE KURDISTAN IRAKIAN... AUJOURD,HUI LE SYRIEN... LE TOUR DU KURDISTAN IRANIEN ARRIVE...

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 40, le 11 juin 2016

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Commentaires (2)

  • HIER LE KURDISTAN IRAKIAN... AUJOURD,HUI LE SYRIEN... LE TOUR DU KURDISTAN IRANIEN ARRIVE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 40, le 11 juin 2016

  • Après la Turquie, l’Irak et la Syrie voici venu leur tour....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 38, le 11 juin 2016

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