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Liban - Exécutif

Les ministres Kataëb contestent fermement le plan de gestion des déchets et son impact sur le Metn

Le gouvernement prend deux décisions portant sur le plan de gestion des déchets et les appels d'offres.

On se serait attendu à un débat houleux sur le barrage controversé de Janné (Nahr Ibrahim), mais c'est finalement le dossier des déchets qui a causé un problème hier en Conseil des ministres. Malgré le départ subit du ministre de l'Économie, Alain Hakim (Kataëb), qui protestait contre les zones d'ombre du plan de gestion des déchets, suivi de son collègue Sejaan Azzi, le Conseil des ministres a approuvé deux articles en rapport avec le plan de gestion des déchets.

Ce plan, qui prévoit la création de décharges côtières, a été adopté en mars par le gouvernement, suite à une série d'échecs à mettre fin à la crise des déchets qui sévissait depuis juillet. Ce plan consiste en la construction de deux décharges sur la côte, l'une à Costa Brava (Choueifate) et l'autre à Bourj Hammoud. L'appel d'offres pour la construction de la décharge à Costa Brava a été finalisé – il a été remporté par la société de Jihad el-Arab – alors que celui qui concerne Bourj Hammoud a été reporté.

Deux articles liés au plan de gestion des déchets ont donc été approuvés hier, ainsi que l'a annoncé le ministre de l'Information, Ramzi Jreige. Le premier est un décret portant sur l'octroi de permis en vue d'exploiter des biens-fonds maritimes publics censés accueillir un centre de traitement et une décharge sanitaire temporaires ainsi qu'un centre de traitement des eaux usées dans la zone du fleuve de Ghadir et du caza de Aley. Le second consiste à faire fusionner les travaux de la réhabilitation de l'ancien dépotoir de Bourj Hammoud-Jdeidé, de la construction des cellules de la décharge sanitaire et de la construction d'un brise-lames en mer (en d'autres termes les trois travaux feront l'objet d'un même appel d'offres).

Interrogé sur la raison de son départ, le ministre Alain Hakim précise à L'Orient-Le Jour avoir posé plusieurs questions essentielles en Conseil des ministres à propos du plan gouvernemental de gestion des déchets, sans avoir obtenu de réponse. « Nous avons besoin de comprendre comment seront enfouis nos déchets, explique-t-il. Y aura-t-il des mesures de tri et de réduction du volume des déchets à la base ? Pour l'instant, nous savons que 93 % des déchets sont transportés vers les aires de stockage, étant donné que les infrastructures existantes ne permettent de trier et de traiter que 7 % des déchets. »

M. Hakim précise avoir également voulu s'enquérir d'une éventuelle étude d'impact environnemental devant précéder la création de ces décharges en mer, comme le stipule la loi, et qui n'a pas été faite.
Il ajoute : « Nous avons une autre crainte : si jamais les études prouvent que le gaz méthane dégagé par le site de Costa Brava, et les oiseaux qui pourraient éventuellement être attirés par les ordures, peuvent constituer une menace pour l'activité de l'aéroport tout proche, cela voudra dire que l'excédent de déchets ira à l'autre décharge, celle de Bourj Hammoud-Jdeidé. En d'autres termes, celle-ci sera la vraie remplaçante de la décharge de Naamé, sur le littoral du Metn. »

Enfin, l'une des plus grandes surprises de ces derniers jours a été l'information selon laquelle le conseil municipal de Beyrouth voudrait se retirer du contrat centralisé de gestion des déchets, en d'autres termes gérer ses déchets séparément (nous n'avons pu contacter le nouveau président du conseil municipal, Jamal Itani, pour plus de détails sur le projet envisagé). Pour Alain Hakim, cette nouvelle donne implique de réviser le plan gouvernemental de manière radicale, étant donné que le volume de déchets produit par la capitale est le plus important de toutes les localités concernées par le plan (environ 40 %).
« Si Beyrouth n'est plus incluse dans le plan, cela implique une nette réduction des déchets qui finiront dans les deux décharges, dit-il. Aurions-nous alors besoin des 140 000 mètres carrés de décharge prévus ? Il faut absolument réviser le plan. »

À toutes ces questions, le Conseil des ministres a, selon Alain Hakim, apporté des réponses vagues visant à reporter le problème... et a fini par adopter les deux décisions citées précédemment. Les deux ministres du parti Kataëb se sont retirés de la séance, en signe de protestation. Leur action s'arrêtera-t-elle là ? « Le plan gouvernemental de gestion des déchets manque totalement de transparence, et il est inapplicable, insiste-t-il. Nous n'étions pas les seuls à exprimer notre réprobation, les ministres du CPL avaient les mêmes appréhensions que nous, mais ils se sont contentés d'émettre des réserves. Pour notre part, en tant que parti, nous allons poursuivre notre opposition à ce plan, et avons déjà demandé au Premier ministre Tammam Salam de revenir sur ces deux décisions. »

L'opposition du parti ne se limitera pas au Conseil des ministres, mais pourrait également se manifester dans la rue, selon Alain Hakim. « Nous ne laisserons pas les travaux commencer à Bourj Hammoud-Jdeidé, assure-t-il. Nous bloquerons même l'arrivée des camions. Est-il concevable qu'au XXIe siècle, nous devions jeter nos déchets non triés en pleine mer ? »
Outre son opposition au plan actuel, quelle alternative prône le parti Kataëb ? « Il faut sortir de la logique du contrat centralisé, et se diriger vers la décentralisation, affirme-t-il. L'expérience de l'usine de tri et de traitement de Bickfaya, qui dessert sept villages, avec un petit budget et l'aide d'arcenciel, a prouvé qu'une autre solution est possible. Aujourd'hui, même Beyrouth envisage de faire cavalier seul. »

(Lire aussi : Escalade en vue pour contrer le plan de traitement des déchets)

 

Un projet « foncier avant toute chose »
Malgré l'opposition des ministres du parti Kataëb, deux décisions ont donc été prises, dont celle, surprenante, de fusionner, dans le cas de Bourj Hammoud-Jdeidé, les appels d'offres pour la réhabilitation de l'ancien dépotoir, pour la construction du brise-lames comme pour l'établissement des cellules de la décharge. Des tâches qui sembleraient, à première vue, nécessiter des spécialités bien différentes.

Mais rien n'étonne plus Ali Darwiche, président de l'association écologique Green Line, militant écologiste de longue date. « Tout indique que ce plan s'apparente plus à un projet foncier qu'à un plan de gestion des déchets, affirme-t-il. Ils sont soucieux d'assurer aux municipalités concernées les terrains promis, gagnés sur la mer, même si c'est aux dépens du traitement des déchets au Liban. Ma crainte, c'est que tout cela s'inscrive dans le cadre d'un plan généralisé d'occupation de la mer, d'autant plus que les projets de privatisation se multiplient tout le long de la côte sans aucun frein. Le remblayage de la mer à Saïda, suite à la réhabilitation du dépotoir de la ville, était un avant-goût de tout ce qui va suivre. »

L'écologiste est convaincu que le gouvernement aurait pu créer, depuis février ou mars (date d'adoption du dernier plan gouvernemental) plusieurs usines de tri, qui auraient nettement diminué le volume des déchets produits. Or rien n'a été fait.

Pour Wilson Rizk, expert environnemental, il s'agit surtout d'une aberration écologique. « La mer est indomptable, comment pensent-ils qu'en construisant un brise-lames, ils empêcheraient la pollution par les déchets ? s'insurge-t-il. Ils évoquent souvent des technologies modernes, mais je n'y crois pas. »
Wilson Rizk insiste sur les ravages de la pollution résultant de l'accumulation des déchets le long de la côte. « Il s'agit d'un risque majeur pour l'écosystème marin », affirme-t-il.

 

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commentaires (1)

Dans tous les pays qui se respectent...leurs bords de mer sont préservés, protégés pour le bien des citoyens qui peuvent s'y baigner, se promener, faire toutes sortes d'activités sportives aquatiques...ou simplement admirer et écouter la mer ! Chez nous au Liban, on y jette nos déchets !!! Parce-que nos IRRESPONSABLES-NUISIBLES sont incapables d'élaborer un projet convenable pour le traitement de ces déchets, et cela dure depuis une année. De quoi leurs cerveaux sont-ils composés ? Ne savent-ils vraiment pas réfléchir un peu ? Est-ce si difficile de s'asseoir ensemble et de discuter sérieusement pour le bien de son pays, mais aussi pour la préservation des quelques kilomètres de nos bords de mer ? Des piscines bétonnées et inabordables financièrement pour une grande partie des Libanais...avec en plus, maintenant, des décharges...c'est vraiment tout ce que nos IRRESPONSABLES-NUISIBLES savent nous proposer pour garnir ces côtes libanaises ? Pauvre Liban ! Irène Saïd Comment ont fait les autres pays riverains de la mer ?

Irene Said

16 h 06, le 10 juin 2016

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Commentaires (1)

  • Dans tous les pays qui se respectent...leurs bords de mer sont préservés, protégés pour le bien des citoyens qui peuvent s'y baigner, se promener, faire toutes sortes d'activités sportives aquatiques...ou simplement admirer et écouter la mer ! Chez nous au Liban, on y jette nos déchets !!! Parce-que nos IRRESPONSABLES-NUISIBLES sont incapables d'élaborer un projet convenable pour le traitement de ces déchets, et cela dure depuis une année. De quoi leurs cerveaux sont-ils composés ? Ne savent-ils vraiment pas réfléchir un peu ? Est-ce si difficile de s'asseoir ensemble et de discuter sérieusement pour le bien de son pays, mais aussi pour la préservation des quelques kilomètres de nos bords de mer ? Des piscines bétonnées et inabordables financièrement pour une grande partie des Libanais...avec en plus, maintenant, des décharges...c'est vraiment tout ce que nos IRRESPONSABLES-NUISIBLES savent nous proposer pour garnir ces côtes libanaises ? Pauvre Liban ! Irène Saïd Comment ont fait les autres pays riverains de la mer ?

    Irene Said

    16 h 06, le 10 juin 2016

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