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Liban - Municipales

Tripoli s’insurge contre le monopole de la représentation politique

La liste parrainée par Achraf Rifi rafle au moins 20 sièges sur 24.

« Ce que la liste Beyrouth Madinati a réalisé est un exploit extrêmement important sur lequel il faut s’arrêter. Le changement commence à prendre forme auprès des familles », a affirmé Achraf Rifi au lendemain des municipales.

L'emploi du terme « tsunami » n'aura jamais été aussi pertinent pour qualifier un phénomène aussi surprenant que celui qui s'est produit dimanche à Tripoli.

Au moment où la majorité des pronostics donnaient la liste parrainée par l'ancien Premier ministre, Nagib Mikati (auquel a fini par se rallier le chef du courant du Futur Saad Hariri) quasi gagnante, c'est l'inverse qui a eu lieu. Au final, la principale liste rivale, soutenue par le ministre démissionnaire Achraf Rifi, a raflé la majorité des sièges (20 à l'heure d'aller sous presse) laissant percer deux candidats seulement de la liste dite de coalition, dont la tête de liste, Azzam Awada, un proche de Mikati.

S'il est encore tôt pour tirer les conclusions ou des enseignements quelconques, on peut déjà relever plus d'un indicateur et message politique à travers ce cas d'école, survenu après l'épiphénomène Beyrouth Madinati, qui a donné l'impulsion au reste des élections municipales. Même si le « score » marqué par la liste dite de la société civile n'a pas permis à ses candidats de conquérir des sièges dans la capitale, il aura en tout cas pavé la voie à d'autres expériences similaires qui vont avoir, dans une majorité de localités, la même résonance contestataire.

 

(Lire aussi : À Tripoli, des votes arrachés à la misère...)

 

La seule différence entre l'expérience menée à Beyrouth et celle de Tripoli repose sur une question de forme et non de fond, commente Nawaf Kabbara, professeur de sciences politiques à l'Université de Balamand. Selon lui, la liste Beyrouth Madinati n'avait tout simplement pas de parrain fort, alors qu'à Tripoli, ce rôle a été rempli par Achraf Rifi, d'où ce vote massif de contestation qui a fini par propulser au conseil municipal une dizaine de candidats de la société civile tripolitaine.
Autrement dit, les motivations qui ont aiguillonné une nouvelle classe de candidats aspirant au pouvoir, souvent placée sous le terme générique de la société civile, sont les mêmes un peu partout et peuvent se résumer comme suit: un dégoût généralisé qui a fait suite à une insatisfaction des prestations des responsables politiques traditionnels. Ce sentiment s'est manifesté par une aspiration profonde au changement qui était patente dans plusieurs régions, à Tripoli en particulier. Pour Nawaf Kabbara, ce fut également une « réaction massive contre la corruption, avec le sentiment qu'une véritable mafia gouverne le pays », explique le politologue.

Cette réaction aura été d'autant plus virulente à Tripoli que la ville connaît un niveau de pauvreté qui tranche de manière flagrante avec l'opulence affichée par le leadership politique traditionnel de la ville.
Autre message éminemment politique renvoyé par une grande partie de l'électorat, celui de la liberté de choix, « les citoyens ayant voulu crier haut et fort qu'ils ne sont pas des moutons de Panurge », ajoute le politologue.
D'ailleurs, le constat fait hier par le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, est assez symptomatique : « Les résultats en ont surpris plus d'un. » Le ministre a aussitôt appelé les forces politiques « à revoir leurs agissements, la terminologie qu'ils utilisent, voire les grandes lignes de leur politique » . « Celles-ci sont donc invitées à décoder les messages qui se dissimulent derrière cette échéance », a-t-il martelé. Le signal d'alarme a été donné.

D'autres indicateurs propres à la capitale du Nord peuvent être décelés, notamment « l'éviction », non voulue selon certains, des chrétiens du prochain conseil municipal, fait rare dans cette ville qui a longtemps respecté la coutume des deux sièges alloués aux chrétiens. Une « lacune » qui a poussé le député chrétien de la ville, Robert Fadel, à présenter sa démission, contestant l'atteinte à l'équilibre communautaire et l'absence d'une culture nationale chez les dirigeants du pays. M. Fadel a motivé sa décision par le fait qu'il ne peut exercer sa fonction de député « aux dépens d'un peuple devenu misérable », avant de réaffirmer son « attachement au pluralisme, au vivre-ensemble et à l'équilibre entre les différentes composantes du pays ». « Si l'un de ces éléments est ébranlé, la raison d'être du Liban disparaît », a-t-il commenté.

 

(Lire aussi : Au Liban-Nord, un scrutin qui confirme des tendances)

 

Certes, la tentation est grande de voir cette ville majoritairement sunnite rejeter les chrétiens comme une réaction à caractère confessionnel. Mais nombreux sont ceux qui estiment que ce n'est pas le cas, d'autant que les candidats chrétiens sur les deux listes concurrentes auraient obtenu un nombre non négligeable de voix. Le problème pourrait résider ailleurs, notamment le fait que la liste Mikati-Hariri a reçu un véritable camouflet qui a visé en même temps les deux candidats chrétiens qui y figuraient. La liste établie par M. Rifi par ailleurs, qui était incomplète, avait un seul candidat, une femme, Farah Issa, qui avait encore hier soir de fortes chances de percer, assure à L'Orient-Le Jour Ahmad Matar, lui-même candidat indépendant à ce scrutin.
« Le ministre de l'Intérieur s'est dépêché de crier au scandale en évoquant un crime national », commente en soirée un proche de M. Rifi.

Autre « victime » indirecte potentielle de ce scrutin, la communauté alaouite, qui a également dénoncé sa marginalisation un peu hâtivement, puisque l'un des deux candidats alaouites de chaque liste avait encore une chance de percer à l'issue du décompte des voix. De l'avis de certains observateurs, les alaouites, contrairement aux chrétiens, ont en partie subi un vote-sanction puisque c'est à la communauté entière que certains milieux islamistes font assumer la responsabilité du double attentat meurtrier qui a visé des mosquées sunnites, en 2013.

En définitive, c'est dans le politique qu'il faut rechercher les explications de la victoire fulgurante de M. Rifi.
Pour Ahmad Matar, l'ancien directeur des FSI, qui « connaît bien l'humeur de la rue tripolitaine », a joué sur les cordes sensibles tout en restant conséquent avec lui-même pour ce qui est de ses prises de position à l'égard de l'axe irano-syrien.
« À ne pas oublier non plus que les Tripolitains n'ont jamais accepté l'ingérence du Hezbollah dans la guerre en Syrie, encore moins un candidat à la présidence qu'ils perçoivent comme proche de Bachar el-Assad », assure M. Kabbara, en allusion au soutien de Saad Hariri à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié.

Ayant rejeté en nombre ce qu'ils considèrent être la confiscation de la représentation par la classe politique traditionnelle et la logique des quotes-parts, les Tripolitains auront toutefois oublié que cette échéance était, en premier et dernier lieu, une dynamique pour relancer le développement, résoudre le chômage et mettre un terme à la pauvreté conséquente.
À la place, leur vote a été une projection pure et simple sur l'échiquier des élections parlementaires pour délimiter d'ores et déjà les nouvelles orientations politiques à venir.

 

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L'emploi du terme « tsunami » n'aura jamais été aussi pertinent pour qualifier un phénomène aussi surprenant que celui qui s'est produit dimanche à Tripoli.
Au moment où la majorité des pronostics donnaient la liste parrainée par l'ancien Premier ministre, Nagib Mikati (auquel a fini par se rallier le chef du courant du Futur Saad Hariri) quasi gagnante, c'est l'inverse qui a eu...

commentaires (14)

Roûh yâ Général yâ kbîîîr !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

21 h 01, le 31 mai 2016

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • Roûh yâ Général yâ kbîîîr !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    21 h 01, le 31 mai 2016

  • QUATRE MIL-LIAR-DAIRES S,ETAIENT COALISES... ET BIEN REMUNERE LES VOIX CONTRE RIFI LE NOUVEL HOMME FORT DE TRIPOLI... MAIS LES TRIPOLITAINS... BIEN QUE PAUVRES... ONT PREFERE LA DIGNITE SUR LE MOUTONISME PANURGIQUE...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    20 h 41, le 31 mai 2016

  • LA HAINE CES FANATIQUES N,A PAS DE BORNES...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    19 h 29, le 31 mai 2016

  • Alias.... Nabäâhhh 1er ; yâ hassértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    19 h 12, le 31 mai 2016

  • Mîkkâtéh ou boSSfééér et.... même l'haSSîne ! Yâ wâïylîîîh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 49, le 31 mai 2016

  • rifi peut devenir NOUVEL , NOUVEL homme fort de Tripoli s'il veut , mais il ne sera que NOUVEL NOUVEL homme fort ...et rien de plus de nada ...

    FRIK-A-FRAK

    17 h 06, le 31 mai 2016

  • DEUX MILLIARDAIRES MIKATI ET HARIRI ESSAIENT DE CONTINUER À REPRÉSENTER UN PEUPLE PAUVRE ET APPAUVRI. ILS L'ONT EU DANS LE C...ON PEUT DIRE QUE TRIPOLI VA ÊTRE LIBÉRÉE PETIT À PETIT EN ÉCARTANT CES MERCENAIRES IRANO/SAOUDIEN.

    Gebran Eid

    14 h 23, le 31 mai 2016

  • Harîréh aurait préféré rencontrer Mîkkâtéh ou même boSSfééér le bigaradier au ciel, plutôt que d’avoir dû assister à une journée pareille !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 45, le 31 mai 2016

  • Grandeur et décadence des Hariri ... Et pour paraphraser Samrani et son article du jour , je dirai que sont devenus les "sunnites" ?? Ecartelés entre Saida , Beyrouth et Tripoli , ôhh malheur c'est encore à cause des "chiites" ...lol..

    FRIK-A-FRAK

    12 h 22, le 31 mai 2016

  • RIFI... LE NOUVEAU HOMME FORT SUNNITE... NDIFFF... ABADAYE... CHA3BI OU 3ALA KILIMTOU...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 21, le 31 mai 2016

  • comme quoi ..., la démocratie même balbutiante ....n'aime pas le vide ...!

    M.V.

    08 h 59, le 31 mai 2016

  • N’étant pas au fond renard ; les lions tripolitains ne l’ayant évidemment jamais suspecté ; même si, par aventure, il avait été accusé par de bêtes adversaires et ânes en pleine débâcle !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 21, le 31 mai 2016

  • LES TRIPOLITAINS ONT MONTRE QU,ILS NE SONT PAS DES MOUTONS DE PANURGE ! UN POINT C,EST TOUT ! QUAND AUX REPRESENTANTS CHRETIENS ET ALAOUITES LES UNS ONT PAYE LEURS PARTISANATS AOUNISTE ET MARADISTE ET LES AUTRES CELUI DE ASSADISTE AUXQUELS LES TRIPOLITAINS SONT ALLERGIQUES... AILLEURS LES MOUTONS PAYES ONT BELE ! LES TRIPOLITAINS MALGRE LEUR PAUVRETE ONT MONTRE UN HAUT DEGRE DE DIGNITE ET DE REVEIL ! BRAVO RIFI !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    07 h 31, le 31 mai 2016

  • Bravo à cette Liste donc de Tripoli-Mâdînâtî !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 21, le 31 mai 2016

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