En Iran, l'ouverture économique et l'arrivée massive des investisseurs étrangers promises par l'accord sur le nucléaire et la levée des sanctions internationales se font attendre. En cause : l'opacité des milieux d'affaires et l'attitude ambivalente des États-Unis.
Les investisseurs étrangers attirés par la levée des sanctions par l'Europe et les États-Unis en janvier dernier, six mois après la conclusion de l'accord historique sur l'encadrement des activités nucléaires de Téhéran de juillet 2015, se heurtent principalement à deux obstacles : d'une part, la résistance des durs de la République islamique qui craignent qu'une ouverture ne vienne compromettre leurs intérêts économiques, et d'autre part la peur des investisseurs étrangers de contrevenir aux sanctions américaines non encore levées et d'en subir les conséquences.
Liens avec les pasdaran
Les États-Unis maintiennent notamment l'interdiction des transactions en dollars liées à l'Iran qui sont traitées via le système financier américain, ainsi que les sanctions contre les individus et les sociétés considérés comme des soutiens au « terrorisme d'État ». Avec en ligne de mire le corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI ou pasdarans). L'organisation paramilitaire a développé un empire économique, dont les intérêts vont de la construction à la banque, mais son nom apparaît rarement en tant que tel.
Or, les grandes banques et investisseurs étrangers craignent de se retrouver au ban du système bancaire américain, et donc international, s'ils venaient à traiter, même par erreur, avec des organismes faisant l'objet de sanctions.
Quand ils étudient l'actionnariat des sociétés iraniennes qu'ils approchent en vue de faire affaire, les dirigeants étrangers disent souvent détecter des liens avec les pasdarans. C'est le cas de Claude Béglé, président exécutif de SymbioSwiss, une société suisse spécialisée dans la logistique et les infrastructures. « Nous avons constaté que les noms des institutions figurant sur la liste des sanctions de l'Ofac (l'Office de contrôle des actifs étrangers du Trésor américain) ne sont souvent pas très loin », déclare-t-il en faisant apparemment référence au CGRI. « Très souvent, quand vous regardez les entreprises qui réussissent en Iran, vous (les) voyez. » En conséquence il est « très difficile de lever des financements internationaux pour travailler avec ce genre d'entités », ajoute-t-il.
Selon Alexander Gorjinia, qui a participé à la deuxième délégation d'hommes d'affaires allemands à se rendre en Iran en août 2015, « le principal problème concerne les banques ». Ainsi, dit-il, l'Ofac estime que c'est aux entreprises et aux banques étrangères qui opèrent en Iran d'établir si la compagnie iranienne avec laquelle elles vont traiter est « propre ». Les entreprises européennes, dit-il, ont le sentiment que toutes ces règles font partie d'un plan des États-Unis pour empêcher la conclusion de contrats entre l'Europe et l'Iran.
Mais les entreprises russes ou chinoises ne sont pas en reste. Un dirigeant d'entreprise chinois, qui a souhaité rester anonyme, fait part des mêmes difficultés. Représentant d'une société travaillant pour le secteur des hydrocarbures, ce dirigeant s'est rendu plusieurs fois en Iran après l'accord nucléaire, mais n'a pas encore signé un seul contrat. La plupart des sociétés iraniennes, dit-il, « n'ont pas d'argent pour payer ». « Elles demandent aux vendeurs de fournir les financements, dit-il, mais c'est impossible parce que dans le monde entier, aucune banque étrangère n'ose faire affaire avec les banques iraniennes parce qu'elles ont peur (...), (elles attendent) que les grandes banques (internationales) commencent à faire des affaires, mais les banques européennes ont encore peur des banques américaines. »
( Lire aussi : Obama estime qu'il faudra « du temps » pour que Téhéran intègre l'économie mondiale )
« Iranophobie »
Les dirigeants iraniens estiment de leur côté s'être fait berner par le volet levée des sanctions de l'accord nucléaire. « Sur le papier, les États-Unis autorisent les banques étrangères à traiter avec l'Iran, mais, en pratique, ils créent une Iranophobie de sorte que personne ne fasse affaire avec l'Iran », a déclaré le mois dernier l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution.
Autre obstacle, les pasdarans et les autres groupes d'intérêt qui se sont constitués autour de l'ayatollah Khamenei sont hostiles à l'ouverture du pays aux étrangers, estiment certains analystes, parce qu'ils ont su profiter de la mise en place des sanctions internationales liées aux activités nucléaires de l'Iran pour contrôler l'activité économique du pays.
« De nombreux groupes d'intérêt sont devenus très riches en raison de la crise économique, souligne Hossein Raghfar, professeur d'Économie à l'université Alzahra de Téhéran. Ils ne veulent pas que les sanctions soient levées. » Saeed Laylaz, économiste proche du président Rohani, estime pour sa part que l'économie iranienne a été mise à genoux plus par une mauvaise gestion que par les sanctions : « Je pense fermement qu'une certaine frange du régime a et a eu le projet de créer des sanctions contre l'Iran pour dissimuler sa mauvaise gestion et le pillage de la richesse économique qu'elle a organisé. »
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commentaires (6)
L'Iran attend tout des pays occidentaux mais surtout attend l'argent haha
Bery tus
16 h 54, le 31 mai 2016