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Économie - Liban - Conférence

La gestion des ressources hydrauliques attend sa réforme

Face à la pollution et aux risques de pénurie, l'administration manque de moyens financiers, humains
et juridiques.

De gauche à droite : Fran Beytrison, la représentante d’Oxfam au Liban, et Nadim Farajallah, professeur à l’Université américaine de Beyrouth. Photo P.H.B.

Dans un rapport publié en 2010, la Banque mondiale (BM) estimait que le Liban pouvait s'exposer à d'importantes pénuries d'eau d'ici à 2020 s'il ne modernisait pas sa façon de gérer ses ressources hydrauliques. Six ans plus tard, la situation du secteur n'a que peu évolué et le pays doit composer avec la présence de plus d'un million de réfugiés qui ont fui la Syrie depuis 2011.

C'est sur ce constat que s'est ouvert jeudi un forum consacré à la gestion publique du réseau de distribution d'eau et de traitement des eaux usées, organisé par l'ONG britannique Oxfam à l'Université américaine de Beyrouth (AUB) et financé par l'Union européenne (UE). Plusieurs responsables locaux et représentants d'organisations internationales ont remis le débat de la réforme du secteur sur la table. « C'est une piqûre de rappel. La situation peut s'aggraver de façon radicale dans les deux ans si rien n'est fait, que ce soit au niveau des réserves d'eau disponibles ou de la pollution liée aux carences en matière de traitement des eaux usées », déclare à L'Orient-Le Jour le directeur général de l'équipement au ministère de l'Énergie et de l'Eau, Ghassan Beydoun, qui animait l'une des tables rondes.

Les opérations liées à la distribution d'eau courante et au traitement des eaux usées ont été confiées par la loi 221 du 29 mai 2000 à cinq offices des eaux qui dépendent du ministère de l'Énergie et de l'Eau : ceux de Beyrouth et du Mont-Liban, du Nord, de la Békaa, du Sud et l'Office national du Litani. Mais selon deux des directeurs en charge de ces établissements, Jamal Krayem (Nord) et Maroun Moussallem (Békaa), le fonctionnement des offices « souffre d'un manque de moyens humains, financiers et légaux ». Un triptyque auquel s'ajoute « l'absence de visibilité, faute de statistiques nationales », rappelle M. Beydoun.


Au Mont-Liban, 60 % des foyers branchés

Première conséquence, les offices ne sont pas capables d'assurer les besoins de tous les abonnés et ne gèrent pas efficacement les réseaux dont ils ont la charge. « L'Office des eaux du Liban-Nord n'assure que 40 millions de m3 annuels pour des besoins qu'il estime à 70 millions de m3, alors que seuls 60 % des 150 000 foyers de la région sont branchés au réseau d'alimentation d'eau et 58 % sont connectés au réseau d'évacuation », expose M. Krayem.

De plus, les offices n'arrivent pas à collecter toutes les factures. Ainsi dans la Békaa, les habitants de 35 municipalités ne payent pas leurs abonnements annuels, révèle de son côté M. Moussallem. « La loi ne nous octroie pas de pouvoir de police pour poursuivre les contrevenants », constate-t-il. Une difficulté commune à toutes les régions du Liban « à l'exception de Beyrouth, où le taux de recouvrement est plus important », selon M. Beydoun, qui n'en livre toutefois pas la hauteur.


Aide internationale

Ces handicaps entravent le fonctionnement des offices qui ont du mal à se financer « alors qu'ils ne payent pas leurs factures d'électricité », rappelle M. Beydoun. « Nous arrivons à peine à assurer nos frais de fonctionnement et ne pouvons financer l'entretien et le développement des réseaux, ce qui impacte la qualité de l'eau distribuée et le traitement des eaux usées », confirme M. Krayem. Un problème renforcé par le système de tarification en vigueur : un forfait annuel qui gravite autour de 200 dollars l'année indépendamment de la consommation et dont moins de 10 % sert à financer les opérations d'assainissement.
La dernière réforme du secteur, adoptée par le Conseil des ministres le 9 mars 2012, reprenait les grands axes définis dans une stratégie gouvernementale de 2000 pour augmenter les capacités du pays dans la production, la distribution et l'assainissement de l'eau. « Ces objectifs, qui prévoient par exemple l'installation d'un million de compteurs, n'ont pas pu être atteints, notamment en raison de difficultés liées à leur financement et de désaccords politiques sur leur mise en œuvre », déplore M. Beydoun.

En parallèle, le Liban attend toujours d'adopter un code de l'eau, un projet de loi élaboré en 2004 en partenariat avec l'Agence française du développement pour renforcer la réglementation du secteur.

Face à cette situation, le pays peut compter sur la mobilisation d'organisations internationales, à l'image de l'UE, qui a dépensé 72 millions d'euros (80,5 millions de dollars) en 30 mois dans plusieurs projets, comme l'a rappelé le responsable du département du développement durable à la délégation de l'UE au Liban, Marcello Mori. En décembre 2014, la commission a par exemple distribué 11 millions de dollars à 4 ONG – parmi lesquelles Oxfam et Gruppo di Volontariato Civile – pour améliorer la qualité du réseau libanais. « Oxfam pilote un projet de réhabilitation du réseau de distribution d'eau en partenariat avec la municipalité de Chtaura et s'emploie à convaincre les habitants des avantages à payer l'eau à son juste prix », explique à L'Orient-Le Jour la représentante d'Oxfam au Liban, Fran Beytrison. Environ 700 ménages sont concernés par cette initiative d'environ 1,4 million de dollars sur 2 ans. Autre exemple, en mars, l'Agence américaine pour le développement international (USaid) a lancé de son côté le Lebanon Water Program (LWP) en collaboration avec le ministère de l'Énergie et de l'Eau, un projet à 65 millions de dollars pour améliorer la gestion du réseau dans plusieurs régions du Liban.

 

Article corrigé le 30/05/2016 à 11h : En raison d'une erreur technique indépendante de la rédaction, le texte d'un ancien article et ne correspondant pas au titre a été publié en lieu et place de l'article original. Cette erreur a été rectifiée. L'Orient-Le Jour présente ses excuses à ses lecteurs pour cet incident.

 

 

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