En dépit du blocage régional et des déclarations incendiaires entre l'Iran et l'Arabie saoudite, des milieux politiques libanais pensent qu'il y a une chance réelle d'aboutir à une solution au Liban au cours des prochains mois. La solution consisterait à élire un président d'ici le mois de septembre avant de former un nouveau gouvernement qui adopterait une nouvelle loi électorale (ou améliorerait l'actuelle) sur la base de laquelle se dérouleraient des élections législatives anticipées ou à la date prévue.
Comment un tel miracle pourrait-il se produire alors que sur le plan régional, la situation semble se compliquer et que la tension entre Riyad et Téhéran ne cesse de monter ? Les milieux politiques qui distillent un climat optimiste se basent sur le fait que la communauté internationale est catégorique dans son soutien à la stabilité au Liban. Surtout depuis que les États-Unis ont décidé d'installer au pays une base régionale en agrandissant leur ambassade pour en faire une petite cité au cœur du Mont-Liban.
En prenant une telle décision, Washington met un terme à une longue période de méfiance envers le Liban depuis les années 80, lorsque l'ancien secrétaire d'État Georges Schultz avait décrété que le « Liban avait la peste ». Pour pouvoir se réinstaller en force au Liban, les Américains ont évidemment besoin de stabilité et celle-ci passe par le fonctionnement « normal » des institutions locales à travers l'élection d'un président et la dynamisation du gouvernement et du Parlement.
Selon les milieux politiques qui se veulent optimistes, si une solution n'est pas trouvée rapidement, l'impasse politique sera prolongée d'au moins un an, en attendant l'entrée en fonctions du nouveau président américain et la clarification de ses projets pour les dossiers internationaux brûlants, dont le Liban ne sera probablement pas le plus pressant.
Or, dans les circonstances actuelles, et avec toutes les bombes à retardement qui se cachent sur le plan intérieur, un tel report serait risqué. D'autant qu'entretemps, la France compte organiser une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien. Le premier rendez-vous a été reporté jusqu'au début de l'été pour que le secrétaire d'État américain John Kerry puisse y participer. Le second rendez-vous auquel les dirigeants palestiniens et israéliens seraient conviés devrait avoir lieu au printemps 2017. Si, au moment de cette conférence, le Liban ne s'est pas doté d'un président et d'un gouvernement qui fonctionne, il risque d'être une des victimes collatérales de cette conférence destinée à consacrer la solution des deux États, palestinien et israélien. Ce qui le fragiliserait encore plus. Pour éviter une telle situation, des efforts sont actuellement déployés pour trouver une issue à l'impasse politique actuelle.
Selon les milieux politiques précités, les rencontres successives du patriarche maronite le cardinal Béchara Raï, du chef du courant du Futur Saad Hariri et du leader druze Walid Joumblatt avec le président français François Hollande à l'Élysée s'inscriraient dans ce cadre. Un projet de solution serait donc en train d'être étudié sérieusement entre Beyrouth, Paris et le Vatican, avec l'aval des Américains et des Russes. Toujours selon les mêmes milieux politiques, l'initiative de l'ambassadeur d'Arabie d'inviter chez lui la plupart des leaders et des personnalités politiques libanaises pour un dîner en principe informel et amical est l'indice d'un changement dans l'attitude saoudienne à l'égard du Liban.
Il est vrai que l'ambassadeur Ali Awad Assiri a soigneusement évité de convier à ces agapes des représentants du Hezbollah dans une volonté claire de montrer que son pays ne compte pas adoucir sa position à l'égard de cette formation classée "terroriste". Mais en même temps, il a tenu des propos d'ouverture, insistant sur l'attachement des dirigeants saoudiens au Liban et sur leur détermination à aider ce pays, alors qu'il y a quelques mois, Riyad exigeait des excuses officielles de la part de Beyrouth et demandait à ses ressortissants d'éviter ce pays.
Si, officiellement, les Saoudiens refusent toute solution ayant l'aval de l'Iran et donc du Hezbollah, en pratique, ils pourraient se montrer plus conciliants pour faciliter une solution de compromis qui préserverait leurs alliés et maintiendrait leur influence au Liban. Le détail des négociations est gardé secret. Ce qui pourrait être un indice du sérieux des discussions, mais il est probable que dans la balance, il y aurait la loi électorale et la présidence.
L'acceptation du maintien de la loi actuelle avec quelques amendements (ce maintien étant voulu par le courant du Futur et le PSP de Walid Joumblatt) moyennant l'élection du général Aoun ou d'un candidat de son choix, à la présidence, pourrait par exemple résumer le compromis en gestation. Mais jusqu'à présent, aucun détail précis n'est en train de filtrer dans les médias, les milieux politiques se contentant de parler de climat positif, surtout après l'achèvement des élections municipales qui ont en quelque sorte conforté le paysage politique actuel, en ne modifiant pas de façon significative les équilibres politiques.
En conclusion, selon les mêmes milieux politiques, il y aurait donc une chance à saisir et dans les coulisses, et les contacts se multiplient dans ce but. Mais si aucun compromis n'est trouvé, le Liban entrera de plain-pied dans une période d'attente... à risques.
Pour mémoire
Des élections municipales pour « absorber la grogne populaire », le décryptage de Scarlett Haddad
commentaires (8)
"Une possibilité(!) de comPromis.... dans les prochains mois." ? N'châllâââh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
14 h 40, le 28 mai 2016