Ave Beyrouth, le sommeil de ton peuple te salue !

Jadis, quand il me fallait présenter mon pays et sa capitale, j'insistais sur la douceur de vivre, j'évoquais l'air pur vivifiant, le soleil intense, source d'énergie débordante. Je m'arrêtais longuement sur la diversité culturelle et le niveau d'éducation. Je soulignais fièrement le nombre de religions qui se côtoyaient sur son sol...
Aujourd'hui, c'est toujours un hymne d'amour que j'ai pour Beyrouth mais c'est aussi un cri de détresse infinie, un glas qui résonne impitoyablement dans ma tête. À quel destin fantôme avons-nous donc étés voués ?
Un coup de balai et tout a été emporté. Tout a été bouleversé ! Un ciel pollué, un air irrespirable lourd de puanteur. Des citoyens apathiques, une jeunesse parfois spécialisée à outrance mais souvent malheureusement sans aucune culture et des religions qu'on manipule pour attiser l'intolérance, sinon le fanatisme.
Mais voilà que pointe subitement à l'horizon, comme un soupçon d'espoir, une promesse de changement, un sang nouveau, un rêve audacieux, un refus de se résigner, un désir sacré d'engagement, une vague d'amour déferlante pour la « capitale », pour Beyrouth la trépidante, pour Beyrouth ma ville, la ville qui ne dormait jamais. Hélas, les Beyrouthins eux ont dormi ce jour-là ; ils ont dormi, engloutis dans un sommeil de plomb, un sommeil profond, lourd de désengagement et d'irresponsabilité ; cette ébauche de foi n'a pas trouvé de contenu. Seules la fatalité, la mollesse et un peuple pur... de toute ambition !
Confucius disait : « On a deux vies, et la deuxième commence le jour où l'on se rend compte qu'on n'en a plus qu'une. » Ave Beyrouth !
Le sommeil de ton peuple te salue.

Rolla AOUN