« Nous faisons partie d’un espace de modération illimité »

Voici le texte de l'Appel arabe de Beyrouth pour une Méditerranée du vivre-ensemble, publié mercredi au terme de la première conférence arabe pour la solidarité entre les modérés des deux rives de la Méditerranée :

« À l'invitation des signataires de l'Appel arabe de Beyrouth pour une Méditerranée du vivre-ensemble (Liban), de l'Association tunisienne pour le pardon et la paix (Tunisie), du Centre de développement et d'études (Palestine), du Rassemblement de Saydet el-Jabal (Liban), de la Fondation Massarat pour le développement culturel et médiatique (Irak), de l'Association de la fraternité pour le travail culturel et social (Palestine) et de l'Académie Hani Fahs pour le dialogue et la paix (Liban) »,
plusieurs personnalités arabes – académiciens, intellectuels, politiques, juristes, journalistes et militants de la société civile – se sont réunies à Beyrouth le 25 mai 2016 pour débattre de la question de la solidarité de la modération interarabe et arabo-européenne face à l'extrémisme et à la violence, qui menacent désormais des peuples entiers dans leur stabilité, leur destin national et leur patrimoine culturel – de la Syrie au Golfe, en passant par l'Irak, du Yémen en Afrique du Nord, et de Beyrouth à Paris et Bruxelles, ainsi que d'autres villes, notamment méditerranéennes. Notre confrontation repose sur une culture qui est la condition sine qua non de notre résilience et de notre vivre-ensemble égaux et différents : la culture du lien, de la modération, du pardon, de la paix, de la démocratie, des droits de l'homme et de la société civile, face à la culture de l'exclusion, de l'extrémisme, de la haine, de la violence, du despotisme et du retour au tribalisme, fut-il traditionnel ou moderne.
« Au terme d'un échange d'idées et de concertations sur ces différentes questions, suite aux interventions des présents, et gardant à l'esprit la volonté d'organiser prochainement une conférence arabo-européenne reflétant les dynamiques sociétales de part et d'autre, les participants ont décidé de faire paraître le communiqué suivant :

« 1 – La situation du monde arabe n'était pas, il y a cinq ans, sanglante et ouverte au pire comme elle l'est à présent. Au contraire : exprimé par des soulèvements populaires spontanés revendiquant la liberté, la dignité et la réforme, porté par la seule volonté de citoyennes et citoyens courageux et par cette vague immense d'empathie et de solidarité entre des individus, en dépit de la distance, l'instant du printemps sociétal paraissait prometteur.

« 2 – Cependant, les prémisses du printemps ont rapidement cédé la place à l'immanence de l'enfer, régimes despotiques et groupuscules extrémistes divers se livrant une confrontation ouverte d'une violence inouïe, au point d'occulter les réalisations des dynamiques populaires pacifiques et d'empêcher la transition vers la démocratie. Des puissances internationales et régionales ont contribué, au vu et au su de tous, à perpétuer cette violence et à favoriser son expansion au-delà des frontières nationales, quand bien même ces puissances étaient capables d'y mettre un terme rapidement.

« 3 – Il est certain que cette violence a visé, dans certains lieux et par certains endroits, des minorités religieuses et ethniques se trouvant au cœur du tissu social de la région et de son identité culturelle, mais il a aussi pris pour cible, et de manière constante, des majorités au sein de la population civile, sans aucune distinction réelle entre minorité et majorité. Ce déchaînement de violence a également débouché sur un crime caractérisé contre l'humanité (des centaines de milliers de victimes en Syrie seule, en plus des tueries quotidiennes en Irak depuis des années, si bien qu'il est devenu impossible de les dénombrer). Il a également conduit au déplacement de millions de personnes de leurs maisons et de leurs patries, en direction de pays voisins ou de la rive nord de la Méditerranée. Ainsi, cet espace d'échange entre les civilisations et symbole de la culture du lien qu'est la mare nostrum s'est transformé en guet-apens et en cimetière pour les migrants, fuyant la mort pour aller à la mort.

« 4 – Les politiques internationales et régionales n'administrent pas cette situation catastrophique de manière responsable. Mieux encore, leur traitement ne fait que prolonger la crise, gérée en fonction d'agendas contradictoires et suspects. Le problème n'est d'ailleurs pas seulement de nature sécuritaire ou politique et ne saurait être réduit à un conflit d'intérêts entre puissances rivales. Il est d'abord de nature morale et relève d'une conscience humaniste et d'un système de valeurs qui protège le vivre-ensemble, dans l'égalité et la différence. Partant, les solutions ne sauraient rester sous l'emprise du monopole contraignant des hautes sphères de la politique. Aussi les forces vives et positives au sein de nos sociétés devraient-elles intervenir pour contribuer à mettre fin à cet effondrement effroyable. De même, il est nécessaire de relancer les dynamiques du lien, du dialogue et de la modération au sein des sociétés, afin de les inciter à se solidariser, notamment entre forces de modération présentes sur les deux rives de la Méditerranée.

« 5 – Les participants à cette conférence se considèrent comme faisant partie d'un espace de modération illimité, tant au niveau local qu'arabe et régional. Pour que cet espace devienne réalité, il est nécessaire que ses composantes établissent des liens et mettent en place des réseaux de solidarité, en s'ouvrant toujours sur leurs partenaires dans le monde. Les participants se sont entendus dans ce cadre sur la formation d'un comité de suivi, ouvert à la contribution d'autres intervenants, dont l'une des missions sera d'œuvrer, avec ses collaborateurs, à l'élaboration d'une Charte de la Méditerranée du vivre-ensemble et la mise en place d'un Observatoire du vivre-ensemble. »

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