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Liban - Nabatiyé

Bataille ajournée à Kfar Sir, et « Kfar remmane sera toujours Kfar Moscou »

Des patrouilles de l’armée dans les rues de Nabatiyé. Photo Samir Sabbagh

Les élections municipales se sont déroulées hier sans heurts dans le caza de Nabatiyé. Les rues étaient presque vides, les attroupements se concentrant principalement devant les bureaux de vote. L'édition 2016 des municipales à Nabatiyé a été marquée par l'apparition de listes et de candidats indépendants qui remettent en cause l'hégémonie du tandem Hezbollah-Amal sans trop l'inquiéter pour l'instant, sauf peut-être à Kfarremmane.

Difficile d'ignorer l'emplacement des bureaux de vote dans la ville de Nabatiyé, chef-lieu du caza qui porte le même nom, puisqu'on est d'emblée accueilli par des discours de Hassan Nasrallah et d'autres leaders du Hezbollah diffusés par haut-parleur. À l'intérieur, ce sont des membres du Hezb, surtout des femmes enroulées dans de grands foulards jaune et vert, qui accueillent et dirigent les nouveaux venus vers les salles de vote. Face à la liste Hezbollah-Amal, formée de 21 candidats, la deuxième liste, incomplète et composée de candidats indépendants, peine à se faire de la place. La machine électorale du parti de Dieu a été déployée en force sur le terrain et éclipse tous les autres candidats. Interrogées sur les raisons qui les ont poussées à venir voter, les femmes présentes sur place refusent pour la plupart de s'exprimer.

Ali, 26 ans, diplômé de l'enseignement supérieur, est le plus jeune candidat de la liste Hezbollah-Amal, présentée comme une liste de renouveau. « Je me présente aux élections parce que je veux être au service de ma ville natale », confie-t-il à L'Orient-Le Jour, avant d'ajouter que sa liste mêle l'énergie de la jeunesse à l'expérience des plus anciens. Il minimise en outre l'importance de la liste adverse qui, selon lui, n'en est pas vraiment une puisque « ses membres font partie de Amal mais ils n'ont pas pu arriver à un deal avec le parti ». Hussein, un bijoutier de 26 ans, vote pour les partis parce qu'il considère que « les indépendants n'ont aucune possibilité de travailler ».


(Lire aussi : Au Liban-Sud, les indépendants et les communistes ont fait entendre leurs voix face au duopole chiite)

 

À Kfour, village mixte, chrétien et musulman, deux listes s'affrontent. La première est soutenue par le Hezbollah tandis que la seconde se présente comme une liste apolitique, formée par les familles lésées par la première liste. Contrairement à d'autres endroits où, fidèles au principe de démocratie, on garde son vote pour soi, à Kfour, les gens affichent leurs choix, surtout quand il s'agit de montrer leur soutien à la liste du Hezb. Ihsan, 38 ans, femme au foyer, est sûre de la victoire du Hezb dans le village. « Nous n'avons pas peur de l'autre liste, c'est le Hezb qui va gagner inch Allah, dit-elle. Il va gagner parce que ses membres ont donné leur sang et des martyrs. Sans eux, nous ne serions pas là », souligne-t-elle. Une vision que partage sa fille Nour, 19 ans, étudiante en anglais et farsi, et qui se destine à la traduction. « On va gagner parce que tout est pour nous ici. On ne serait pas là si les combattants ne nous protégeaient pas en Syrie. Ils sont dignes de confiance », indique-t-elle. Marguerite, 43 ans, sans emploi, a pour sa part voté parce que c'est un devoir, mais, contrairement aux autres habitants du village, elle a l'air d'ignorer si les listes sont soutenues par les partis politiques ou pas...

« Kfar Moscou »
À Kfarremmane, présentée comme la ville de toutes les batailles à Nabatiyé, les communistes ont repris du poil de la bête. Ils se présentent face à la liste Hezbollah-Amal avec beaucoup de confiance et espèrent pouvoir faire la différence cette année. Pour Jawad, la cinquantaine et fervent partisan des communistes, « ce qui a changé cette année, c'est que les gens se sont réveillés. Ceux qui ont occupé des postes à la municipalité avant n'ont pas fait grand-chose ». « L'autre liste est un véritable rouleau compresseur, elle donne de l'argent aux gens et fait pression pour qu'ils votent pour elle. Alors que nous, nous avons dû faire une collecte pour acheter des bouteilles d'eau (distribuées aux électeurs) », déplore-t-il. Mais, malgré cela, il insiste sur le fait que « Kfarremmane a de tout temps été Kfar Moscou et elle le restera ». Un avis partagé par Nasser, 58 ans. « Kfar Moscou prenait juste le repos du combattant », indique-t-il. Dalal Medlej, une dentiste de 60 ans, est persuadée que la gauche va gagner les élections. « Kfarremmane n'a jamais cessé d'être Kfar Moscou. Nous allons réussir à percer la liste adverse », souligne-t-elle.
Bassam, 49 ans, vote pour sa part pour la liste adverse, par obligation envers le parti auquel il appartient. « Voter pour la liste du Hezb est un devoir pour moi, mais je garde ma liberté de penser. Je pourrais très bien rayer quelques noms de la liste », révèle-t-il.


(Lire aussi : Les élections entachées de nombreuses infractions, constate la Lade)

 

Kfar Sir : un litige entre Amal et le Hezbollah
À Kfar Sir, où la municipalité est traditionnellement occupée à tour de rôle par le Hezb et Amal (à raison de trois ans chacun), les élections ont été reportées hier sur décision du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk. Ce report fait suite au retrait des trois quarts des candidats pro-Hezb, et Amal faisant lui-même suite à l'incapacité des partis en question à se mettre d'accord sur les noms des candidats à la présidence de la municipalité. Plusieurs candidats indépendants se sont également présentés et leur candidature devrait rester valable lorsque la prochaine date des élections sera annoncée.
Imad Koumeyha, journaliste du site Janoubia, estime que « le fait que quelques candidats se soient présentés en indépendants face aux rouleaux compresseurs des partis est déjà un exploit ». Il évoque un changement inconscient des mentalités qui aurait conduit à l'émergence des listes opposées au tandem Hezbollah-Amal. Selon lui, les gens sont insatisfaits, et la position du Hezbollah en Syrie ainsi que l'embargo économique qu'il subit de la part des pays du Golfe remettent certains de ses choix en question. « Même si les gens gardent l'idée que la résistance contre Israël est importante, ils demandent maintenant plus de réformes et de développement dans les municipalités. Tout ce que le Hezb fait n'est donc plus forcément considéré comme sacré ou sage quand il s'agit du développement », estime-t-il.
Dans les faits, le Hezbollah a dérogé à la règle en indiquant qu'il accepterait un président de la municipalité consensuel à Kfar Sir. Abdel Aziz Sbeity, un homme d'affaires de la région, s'est alors présenté comme étant ce candidat consensuel. Il a ensuite informé Nabih Berry, chef du parti Amal, de l'appui du Hezb. M. Berry a donc adopté sa candidature, suscitant ainsi la colère de l'actuel président de la municipalité appuyé par Amal, Afif Koumeyha, et candidat habituel du parti. Les partisans de ce dernier ont alors brûlé des pneus dans la place du village jeudi, après s'en être pris aux passants. Amal et le Hezbollah ont alors demandé au mohafez du Liban-Sud de reporter les élections mais ce dernier a refusé parce que les causes n'étaient pas justifiées selon lui. C'est alors que les candidats des partis ont décidé de retirer leurs candidatures, rendant ainsi les élections impossibles à entreprendre.
Pour Imad Koumeyha, il s'agit sans aucun doute d'une décision néfaste pour l'image des partis. « Les gens sont en colère, ils considèrent que cette situation ne reflète pas le vrai visage du village. Les élections auraient dû avoir lieu; ce sont les votes des électeurs qui auraient dû départager », conclut-il.

 

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Batailles familiales dans les villages chrétiens

Les élections municipales se sont déroulées hier sans heurts dans le caza de Nabatiyé. Les rues étaient presque vides, les attroupements se concentrant principalement devant les bureaux de vote. L'édition 2016 des municipales à Nabatiyé a été marquée par l'apparition de listes et de candidats indépendants qui remettent en cause l'hégémonie du tandem Hezbollah-Amal sans trop...

commentaires (2)

"Les (gens) sont en colère ! Les élections auraient dû avoir lieu, ce sont les votes des électeurs qui auraient dû départager." ! En effet, les "Lâches" qui s'étaient retirés, auraient dû être déclarés forfaits.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

07 h 51, le 23 mai 2016

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Commentaires (2)

  • "Les (gens) sont en colère ! Les élections auraient dû avoir lieu, ce sont les votes des électeurs qui auraient dû départager." ! En effet, les "Lâches" qui s'étaient retirés, auraient dû être déclarés forfaits.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 51, le 23 mai 2016

  • "Ihsan, 38 ans, femme au foyer (qu'elle aille travailler déjà, avant de commenter !), affirme que ce héZébbb va gagner parce que ses membres ont donné leur sang et des martyrs (pendant qu'elle, évidemment, ne fichait rien au foyer à part préparer du café !)." ! "Une vision que partage sa fille ; s'mâllâh ; Noûûûr, 19 ans, étudiante en anglais et farsi." ! "Fârsî" ? Fârsî ! Pourquoi pas alors l’espéranto ou le Papouasie ? ! "Marguerite(!) ; une chrétienne? ; 43 ans sans emploi (évidemment !), a pour sa part voté.... Mais elle a l'air d'ignorer si les listes sont soutenues par les partis politiques ou pas..." ! Elle "sort" d'où celle-là ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 41, le 23 mai 2016

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