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Moyen Orient et Monde - Entretien express

L’avantage de Yildirim sur Davutoglu ? Sa malléabilité

Bayram Balci, chercheur à Sciences-Po (Paris) et spécialiste de la Turquie, commente pour « L'Orient-Le Jour » le départ du Premier ministre, remplacé par le ministre des Transports.

Le prochain Premier ministre turc Binali Yildirim. Umit Bektas/Reuters

Le ministre turc des Transports Binali Yildirim, compagnon de route du président Recep Tayyip Erdogan, a été choisi hier pour remplacer Ahmet Davutoglu au poste de Premier ministre. Plusieurs dossiers, comme les pourparlers de paix avec les Kurdes ou encore l'accord sur les migrants avec l'UE, ont fini par avoir raison de la solidité du tandem que formaient M. Davutoglu et le président turc, et ce malgré une longue amitié. Quasiment limogé, le Premier ministre sortant laisse sa place à un homme politique bien plus conciliant. Que penser de cette nomination ? Quelles pourraient être ses conséquences ? Bayram Balci apporte des éléments de réponses à ces questions.

En quoi Binali Yildirim est-il un candidat de choix pour Erdogan ?
Yildirim n'était pas le seul candidat, d'autres aussi étaient donnés favoris. Mais je pense que l'« avantage » de Binali Yildirim, c'est qu'il a moins d'envergure intellectuelle, moins de charisme, parle un peu moins de langues étrangères que d'autres, comme Numan Kurtulmus (le vice-Premier ministre turc). Ce dernier parle plusieurs langues, il est professeur enseignant, et possède à peu près le profil d'Ahmet Davutoglu. Binali Yildirim est plus malléable. Ce qui joue aussi, c'est son manque de compétences linguistiques. Lors de voyages à l'étranger, il sera moins à l'aise que Davutoglu. Or, c'est ce que recherche Erdogan. Une fois hors du pays, son Premier ministre ne pourra que répéter ce qu'il lui aura soufflé, il sera totalement dépendant. Davutoglu est bien plus facile d'approche, et aussi plus « fréquentable » qu'Erdogan, à qui cela déplaît profondément.

 

(Lire aussi : Le prochain Premier ministre devra obéir à Erdogan)

 

Quelles conséquences pour la politique interne turque ?
Sur le plan interne, M. Erdogan va probablement demander au nouveau Premier ministre de faire davantage de réformes, de préparer peut-être un gouvernement dans une optique d'élections anticipées ou de référendum, ou de négociations avec le parti nationaliste pour rediriger le pays vers un système beaucoup plus présidentiel. Je pense que ce sont surtout ces éléments qui seront sur l'agenda du Premier ministre et sa priorité.

Quid de la politique étrangère du prochain gouvernement ?
Bien plus qu'avant, la politique étrangère appartiendra désormais à M. Erdogan, qui décidera de tout, que ce soit sur les dossiers concernant la crise syrienne ou sur celui des relations avec l'UE. Il y aura une espèce de consécration, d'omnipotence d'Erdogan. On se dirige vers le règne d'un seul homme fort en Turquie, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Du point de vue des droits de l'homme, de la démocratie, ce qui se passe aujourd'hui en Turquie est choquant, inadmissible. Mais il ne faut pas se leurrer. Il faut replacer cette situation dans le contexte régional, malheureusement. Avec tout ce qui se passe, le contexte est idéal, propice pour que les régimes de la région deviennent de plus en plus autoritaires. Et je ne vois pas comment l'on pourrait arrêter ce processus.

 

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