Dans le caza de Baabda où les enjeux politiques, confessionnels et familiaux se sont enchevêtrés dans la perspective et au cours de l'échéance municipale, la fièvre des élections est tombée, laissant la place à une lecture plus froide des résultats du scrutin.
À Hadeth, notamment, la bataille a été l'une des plus féroces. La liste de Georges Aoun, appuyée par le Courant patriotique libre, a remporté la victoire avec un écart de 2 150 voix face à la liste conduite par Antoine Karam. Interrogé sur ce plan par L'Orient-Le Jour, le député Naji Gharios (CPL) souligne que ce résultat « était prévisible eu égard à l'action municipale que M. Aoun a menée lors de son mandat précédent ». Il affirme à cet égard que « si 70 % des natifs de Hadeth ont voté pour la liste soutenue par le CPL, c'est que les accusations de vol lancées contre son président sont dénuées de tout fondement ». Des sources concordantes indiquent que « le dossier judiciaire que certains ont voulu établir contre Georges Aoun s'est avéré vide, ce qui a poussé les électeurs à voter en sa faveur ». Ces mêmes sources estiment surtout qu'outre les suffrages du CPL, M. Aoun a obtenu l'appui de bon nombre de non-partisans parce que ceux-ci « ont voulu lui renouveler leur confiance pour avoir pu récupérer des terrains autrefois vendus à des chiites ». Et ces sources d'affirmer aussi que l'influence du CPL dans la région n'a pris aucune ride : « À ceux qui pariaient sur une soi-disant baisse d'influence des aounistes à Baabda, l'exemple de Hadeth est venu confirmer une cote de popularité du CPL toujours aussi haute. »
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De faux comptes
Des sources de l'entourage du président de la liste adverse, Antoine Karam, réfutent fermement ces témoignages de « bonne conduite » que les alliés de Georges Aoun apportent pour expliquer sa victoire. Elles affirment que M. Aoun « n'a jamais été innocenté de l'action intentée par Rafic Lamaa qui, ayant fait partie de l'ancienne équipe de M. Aoun, a eu accès à tous les documents et a décelé de faux comptes au sein de la municipalité ». Elles indiquent que « le procureur général financier, Ali Ibrahim, a d'abord donné suite à la plainte déposée, dépêchant au siège de la municipalité des enquêteurs qui ont mené durant six mois des investigations, constituant ainsi un gros dossier au sujet de l'affaire. Comme Georges Aoun jouit d'une immunité en tant que président du conseil municipal, Ali Ibrahim a demandé au mohafez du Mont-Liban, Fouad Fleifel, que l'immunité soit levée, mais M. Fleifel a refusé, ce qui a conduit M. Ibrahim à classer la plainte », ont assuré les sources précitées, allant même jusqu'à relever « que la bataille acharnée livrée par Georges Aoun pour renouveler son mandat municipal est motivée par la volonté de vouloir maintenir son immunité afin d'entraver tout recours en justice contre lui ».
Quant à la prééminence du CPL à Hadeth, l'entourage de M. Antoine Karam ne la nie pas, déplorant le fait que « les tentatives entreprises par les Forces libanaises pour constituer une liste consensuelle avec le parti aouniste et les familles de Hadeth ont échoué à cause du refus de Georges Aoun ».
La localité de Baabda
Aux antipodes du score 18/0 réalisé par la liste aouniste à Hadeth, la localité de Baabda a connu un résultat équilibré entre deux listes en présence, présidées l'une par Antoine Abou Najm Hélou, l'autre par Antoine Khoury Hélou. La bataille familiale a été féroce pour les deux équipes qui ont tenté chacune de remporter les 15 sièges du conseil municipal, mais finalement, ceux-ci se sont répartis presque à égalité, huit allant à la première et sept à la seconde. Sur ces chiffres paritaires, Naji Gharios indique que « ce sont surtout les considérations personnelles qui sont entrées en jeu ». « Aucun des partis n'ayant donné de consignes de vote, les électeurs ont voté selon leurs sympathies et leurs liens familiaux », a-t-il souligné.
À Kfarchima, la victoire a été remportée par la liste qu'ont appuyée les FL et le CPL. Selon un cadre politique local, « l'enjeu n'était pas très grand, sinon le fait que les partis ont enregistré une revanche contre l'ancien président de la municipalité qu'ils avaient affronté sans succès lors des élections de 2010 ». « En raflant douze sièges sur quinze, les deux composantes de l'entente de Meerab ont montré la force de leur tandem », a souligné le notable précité qui requiert l'anonymat.
Nul enjeu également à Furn el-Chebbak où le président du conseil municipal, Raymond Semaan, entame un quatrième mandat, « bénéficiant du fait que les partis politiques ne se sont pas mêlés de la bataille », a indiqué un observateur.
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La banlieue sud
À Ghobeiry, du côté de la banlieue sud, une liste de la société civile a pour la première fois osé affronter la liste du tandem Amal-Hezbollah, obtenant 35 % des suffrages, sans toutefois parvenir à acquérir un seul siège. À la question de savoir si les deux formations chiites ne devraient pas réévaluer la gestion interne dans leurs régions, un natif de la localité répond par l'affirmative, indiquant que « la contestation contre la Résistance et (le mouvement) Amal s'exprime désormais beaucoup plus courageusement ».
À Haret Hreik, la liste d'entente formée par le Hezbollah, le mouvement Amal et le Courant patriotique libre a pris les rênes en main. Si le consensus est apparent et l'équipe formée de chrétiens et de chiites avec, cerise sur le gâteau, un président chrétien, la conjoncture de la gouvernance municipale est tout autre. Un observateur fait ainsi remarquer que « la parité n'est en réalité qu'un paravent à la mainmise du Hezbollah, d'autant que le président de la municipalité n'a aucune autonomie et que le parti chiite lui dicte toutes ses décisions ».
À Mreijé-Tahwitet Ghadir-Laylaki, c'est également une liste consensuelle, fruit d'une alliance entre les trois mêmes partis, qui a écarté toute bataille. Mais, indique l'observateur, « le conseil municipal y a une certaine indépendance par rapport au parti chiite ». Il explique cela par ses actions et la capacité de son président à négocier avec le Hezbollah. « La construction d'un énorme complexe d'habitations est sur le point d'être achevée, et les habitants pourront y louer des appartements de 150m² au prix modique de 70 000 livres libanaises par mois », indique-t-il, évoquant également l'aménagement d'un dispensaire et l'édification d'une grande église. « Celui qui sait rassembler ses administrés autour d'un programme de développement est mieux armé pour composer avec le Hezbollah », conclut-il.
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commentaires (3)
Le mal en adviendra, catastrophique, malheureusement !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
21 h 53, le 18 mai 2016