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Liban

Au Kesrouan-Ftouh, la bataille des familles qui unit les cheveux blonds et les cheveux gris

Les villages du Kesrouan-Ftouh ont été animés hier par des élections municipales aux allures de grandes retrouvailles familiales, mais non sans une pointe de rivalité. Les alliances entre familles priment dans ces localités où les habitants sont fiers de leur appartenance. La représentation féminine reste toutefois assez timide et les électeurs appartiennent à toutes les catégories d'âge.

Un bureau de vote à Kfardébiane.

À Ajaltoun, localité tranquille et fleurie du Kesrouan, tout le monde se connaît et tout le monde est venu voter pour un ami ou un proche. Le village a un seul bureau de vote, installé dans le lycée professionnel. Ici, pas de tensions ni d'accrochages, on se salue et on discute avant de rentrer dans les salles de vote pour choisir entre la liste du président sortant de la municipalité, Clovis el-Khazen, et celle de son concurrent Khalil Mrad. Les candidatures féminines sont assez timides, comme dans tout le Liban. Trois femmes en tout se présentent aux municipales alors qu'aucune candidate ne s'est présentée pour les élections des moukhtars. « Nous étions cinq femmes à nous présenter aux municipales au départ, mais deux se sont retirées malheureusement », indique Sariah Abi Chaker, membre de la liste de Clovis el-Khazen. Elle se présente pour la première fois aux élections, aux côtés de Rima Malek, enseignante à l'Université libanaise et première conseillère municipale féminine à Ajaltoun. Mme Malek, qui a travaillé avec l'équipe sortante et qui se présente à nouveau, insiste sur l'importance de la représentation féminine et vante les mérites de sa cocandidate. « Sariah Abi Chaker a mis en place le tri et le recyclage dans le village avec l'aide d'un groupe de jeunes volontaires et l'ONG arcenciel. Ils ont fait la tournée des maisons du village pour leur expliquer le processus », indique Mme Malek.

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Voter pour le bien du village

Plusieurs personnes du troisième âge se sont déplacées pour prendre part au vote, accoudées à leurs proches ou armées de cannes. Hanné Khazen, 80 ans, est venue voter malgré la chaleur écrasante et sa difficulté à se déplacer seule. Mais au bout du compte, c'est une Khazen ; elle appartient à l'une des plus vieilles familles de la région, et elle ne peut pas se permettre de bouder les élections. Il en va tout autrement pour Nicolas Akiki, un industriel de 59 ans, présent hier au bureau de vote mais bien décidé à ne pas voter. « Personne ne m'intéresse et personne ne fait rien pour le village. Ils essaient de faire des programmes, mais une fois les élections terminées, ils suivent leurs programmes personnels et c'est ce qui me rend triste. Je trouve que Ajaltoun a beaucoup régressé. En 1973, nous avions deux cinémas ici. Nous avons un hôpital qui reçoit tous les gens de la région mais qui n'a pas de parking ainsi qu'un projet de jardin public financé par des fonds européens mais qui, pour une raison inconnue, est bloqué depuis 1996 », déplore-t-il.

Le reste des électeurs affirment être présents par devoir envers le village et les candidats qu'ils connaissent. Ils estiment pour la plupart que leur vote est important pour permettre de développer Ajaltoun. Certains jeunes, qui votent pour la première fois, sont là avec leurs parents pour s'initier au processus ou pour répondre aux obligations familiales, dans le cas où un proche est candidat aux élections. Quelques débordements sont signalés dans les salles de vote. Certaines personnes auraient mis les enveloppes des municipalités et des moukhtars dans la même urne, ce qui fait que leur vote sera annulé. D'autres ont mis leurs enveloppes dans les mauvaises urnes sur indication d'un des responsables des bureaux de vote visiblement mal renseigné. Une situation qui a semé un vent de panique parmi les candidats mais qui a rapidement été rattrapée.

(Lire aussi : La canicule n’a pas réussi à refroidir l’enthousiasme des électeurs dans les régions de Baabda-Aley)

Des batailles plus familiales que politiques

Un peu plus loin, à Kfardébiane, l'ambiance a l'air assez calme mais le feu couve sous la cendre. Le village, qui compte 5 000 électeurs, est témoin d'une rude bataille entre deux listes qualifiées de « traditionnelles » et une troisième liste qui se présente pour la première fois aux municipales. Présidée par Jacques Akiki, cette liste veut « sortir du cadre traditionnel et faire profiter le village de son expertise avec une équipe homogène ». « Certaines familles ont essayé de faire pression sur les candidats de notre liste pour qu'ils se retirent, elles leur ont même proposé de l'argent, mais nos candidats n'ont pas cédé », révèle M. Akiki. Quant aux femmes candidates, elles ne sont que deux pour les municipales, mais elles espèrent apporter un souffle de changement dans le village. Questionné sur l'importance de cette présence féminine, un des candidats ne peut s'empêcher d'émettre une remarque sexiste sur l'intelligence des femmes, ce qui prouve que les mentalités n'ont pas encore tout à fait évolué.

À Kfardébiane, et comme dans tous les villages du Kesrouan, la bataille électorale est plus familiale que politique et l'attachement au clan est très important pour la plupart des électeurs. Deux hommes d'une cinquantaine d'années qui attendent devant la salle de vote confient qu'ils éliront sans hésiter les membres de leur famille. « Je voterai pour quelqu'un de ma famille, même s'il n'est pas assez bon candidat. Je ne voterai pas pour les autres candidats, même s'ils sont compétents », indique l'un d'eux. Dany Mhanna, 41 ans, chauffeur et propriétaire d'un club sportif, considère pour sa part que les allégeances familiales n'ont pas vraiment d'importance et que ce qui compte, c'est le développement du village. « Je peux très bien élire quelqu'un qui n'est pas de ma famille s'il a un bon programme. L'important c'est de voter et que tous les candidats fassent preuve d'un esprit sportif », explique-t-il.

(Voir aussi : Le scrutin au Mont-Liban, en images)

Un homme d'une quarantaine d'années fait la queue devant la salle de vote avec sa fille de 4 ans. « Il n'y avait personne pour la garder, et puis je veux qu'elle s'habitue au fait que les élections, c'est important », souligne-t-il. Le député de Kfardébiane, Farid Khazen, était également au rendez-vous hier pour voter à Kfardébiane. « Il s'agit là d'une occasion pour raviver le développement de Kfardébiane, et nous sommes prêts à coopérer avec les gagnants pour le bien du village et de ses habitants », a confié M. Khazen avant de révéler que « les élections législatives auront lieu l'année prochaine ».

Mais les électeurs les plus âgés ont l'air d'être les plus pacifiques et les plus positifs, ils viennent voter malgré leur mobilité réduite et ne semblent pas inquiets pour l'avenir. Sabah Akiki, 75 ans, aborde tout le monde avec un sourire aimable. Elle n'a jamais raté une seule élection et est venue voter pour « soutenir les enfants du village ». « Quels que soient les gagnants, ils sont tous nos enfants », dit-elle, avec une pointe de sagesse qui ignore tout des rivalités claniques et qui ne veut que le bien du village. Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ?

62,80 % de participation au Kesrouan

Les habitants du Kesrouan sont, selon des chiffres diffusés par le ministère de l'Intérieur, ceux qui se sont le plus rendus aux urnes hier, avec un taux de participation qui s'est élevé à 62,80 %. L'ancien ministre de l'Intérieur Ziyad Baroud a révélé qu'il a glissé une feuille blanche à Jeïta, où il s'est rendu hier pour les élections. « Je suis proche des deux parties candidates et il n'y a pas de raison pour que je vote pour les uns et pas pour les autres », a-t-il expliqué. « Les élections municipales sont signe de bonne santé et il est important que les électeurs puissent s'exprimer sans subir de pressions », a-t-il dit.


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