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Liban - Municipales 2016

Au Chouf, des votes en faveur du « changement » et du « développement »

La bataille électorale dans plusieurs villes et villages revêtait au Chouf un caractère familial. À Deir el-Qamar et Damour, toutefois, la course au conseil municipal revêtait en plus un caractère politique, la bataille étant menée contre « le féodalisme ».

À Brih, les élections ont eu lieu pour la première fois depuis plusieurs décennies.

La fièvre du « changement » et du « développement » a gagné les électeurs du Chouf où l'affluence dans les bureaux de vote était assez importante, frôlant les 53,5 % dans l'ensemble du caza, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, avec des taux variant d'une région à une autre. Une ambiance bon enfant régnait dans l'ensemble des localités tout au long de cette longue et chaude journée électorale. Et pourtant, dans de nombreuses localités, la bataille était aussi chaude que le temps. C'est notamment le cas de Deir el-Qamar et de Damour où la course au conseil municipal revêtait surtout un caractère politique mené contre « le féodalisme ».

Dans le chef-lieu du Chouf, deux listes étaient en lice. Celle de « Deir el-Qamar, mon village », présidée par Melhem Mistou, appuyée par les Forces libanaises, le Courant patriotique libre, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt ainsi que par les familles. La seconde liste, baptisée « La décision est aux mains de Deir el-Qamar », était menée par Fadi Antoine Honein et soutenue par le chef du Parti national libéral, Dory Chamoun, les Kataëb et l'ancien ministre Naji Boustany.
Ce dernier semble confiant. Assis à l'ombre dans un coin du vieux Sérail, il accueille les candidats venus lui exprimer leur soutien et leur sympathie. « C'est une échéance municipale purement "deriote" dans le cadre de laquelle toutes les familles de Deir el-Qamar se reconstituent pour le bien de la ville, affirme-t-il. Il n'existe pas de situation conflictuelle ou de panachage. Au terme de trente ans d'activité politique, je peux dire que Deir el-Qamar se prépare pour l'avenir avec une formation de listes qui correspondent aux souhaits, aux aspirations et aux espoirs de Deir el-Qamar. »

(Voir aussi : Le scrutin au Mont-Liban, en images)

Pourtant, des rumeurs sur le panachage circulaient dans la ville. Il serait pratiqué notamment par les électeurs qui vivent à Deir el-Qamar. Ceux qui viennent de Beyrouth « ne sont pas très influencés par l'enjeu familial, leur choix est plutôt fait sur base de considérations politiques », explique Élie Ghorayeb.
« Ce sont les familles qui décident et non les partis, chacun vote selon sa conviction », affirme de son côté Randa Ghorayeb, dont le mari est candidat sur la liste de « Deir el-Qamar, mon village ». Elle se dit toutefois contre le panachage « pour permettre à une équipe homogène » d'accéder au conseil municipal et d'exécuter le programme qu'elle a établi. S'attardant sur les projets dont la localité a besoin, elle insiste sur la nécessité de « restituer à la ville son rôle d'antan de bastion des chrétiens dans la région » et d'encourager par conséquent les originaires de Deir el-Qamar à y « revenir en force ». « Je suis chamouniste, affirme-t-elle encore. Personne ne dénigre le rôle joué par Camille Chamoun dans l'histoire du Liban, mais on reproche à son fils de ne pas avoir réussi à ramener les gens à Deir el-Qamar, alors qu'il aurait dû le faire en mettant en place des projets dans ce sens. Mais après tout, nous sommes des familles et nous nous aimons. Que le meilleur gagne. »

Accusations de part et d'autre

Mirna, la quarantaine, est venue voter la liste soutenue par Naji Boustany, « tout entière, parce ce que je lui fais confiance ». « C'est un homme qui a tant donné à la ville et je l'apprécie énormément », insiste-t-elle. Badr a voté « pour le changement », parce que la ville a besoin de beaucoup de projets de développement « qui font actuellement défaut ». Même son de cloche chez Najwa, employée à Beyrouth, qui affirme « ne rien attendre de quiconque, puisque chaque individu œuvre en faveur de ses propres intérêts ».

La journée électorale à Deir el-Qamar, où quelque 3 350 électeurs ont exercé leur droit au vote (un taux de participation auquel s'attendaient les deux parties), n'a pas été dépourvue d'accusations mutuelles lancées par l'une ou l'autre des deux listes adverses. La base chamouniste a ainsi dénoncé les tentatives du député des Forces libanaises, Georges Adouan, de vouloir écarter le chef du PNL. La partie adverse a rétorqué en accusant Naji Boustany de vouloir mettre la main sur la municipalité à travers Dory Chamoun. Celui-ci a affirmé qu'il n'existe pas d'« animosité » entre lui et Adouan, mais que « la réconciliation entre les FL et le CPL ne doit pas se faire au détriment des autres ». De son côté, Georges Adouan a assuré que la relation qui le lie au chef du PNL « va au-delà des municipales », réfutant les rumeurs faisant état d'une volonté de briser le leadership de Dory Chamoun. Il a relevé sur ce plan que la liste appuyée par les FL, le CPL et le PSP compte trois candidats considérés traditionnellement comme des symboles chamounistes.

(Lire aussi : La canicule n’a pas réussi à refroidir l’enthousiasme des électeurs dans les régions de Baabda-Aley)

Commentant les élections, Émile estime que les deux listes comptent parmi leurs candidats des personnes compétentes, « mais la bataille a pris un tournant politique ». « L'ancien conseil municipal s'est divisé et cela fait trois ans que la ville est sans municipalité, ajoute-t-il. Les deux parties sont similaires, puisque aucune d'entre elles n'est efficace. »

Sabine, hôtesse de l'air, souligne que ces élections sont « une occasion d'exprimer sa voix ». « Cela ne sert à rien de râler devant la télé, il faut bouger », avance-t-elle. Quant à Anne-Marie, qui vit à Jounieh, elle insiste sur la nécessité de permettre aux gens de « voter là où ils habitent, pour pouvoir demander des comptes, d'autant plus qu'on y paie les taxes municipales ».

« Mentalité féodale »

Un avis partagé par de nombreux électeurs dans d'autres régions du caza. C'est le cas notamment de Jeanne d'Arc. Rencontrée dans un bureau de vote à Damour, elle confie être venue pour soutenir un cousin « candidat » sur la liste menée par Élias Ammar. « Chacun devrait voter dans son lieu de résidence, note-t-elle. Après tout, nous n'avons rien ici. Les familles qui viennent passer l'été ou le week-end ont intérêt à voter puisqu'elles peuvent bénéficier des services de la municipalité. »

Deux listes s'opposent à Damour. La première est menée par Charles Ghafari, actuel président du conseil municipal, qui brigue un troisième mandat. Il est soutenu par les Kataëb et les Forces libanaises. La deuxième liste est menée par Élias Ammar et soutenue par le Courant patriotique libre.
Comme il était prévu, plus des 5 000 (plus de 50 %) des personnes inscrites sur les registres électoraux ont pris part au scrutin. La bataille est serrée de l'aveu des délégués des deux listes, qui s'activent d'ailleurs pour aider les électeurs et les accompagner aux bureaux des votes.

Selon des observateurs, ce sont les voix des « électeurs qui ne vivent pas à Damour » qui vont faire pencher la balance en faveur de l'un ou l'autre des candidats. Il est à noter qu'à Hay el-Saadiyate, région sunnite, le taux de vote a atteint 38 %, la majorité des voix allant en faveur de Charles Ghafari.
Georges, agriculteur, est sceptique. Il affirme que quelle que soit la partie qui remportera la bataille, elle ne pourra jamais parer aux problèmes dont souffre la région, notamment la pénurie en eau.

(Lire aussi : Au Metn central, quelques batailles acharnées, en toute courtoisie)

Toutes les personnes interrogées ont insisté sur « les services de base » qui doivent être rendus à la ville, comme le fait d'améliorer les routes dans la ville et les abonnements aux générateurs. « On ne demande rien d'extraordinaire, fait remarquer Lara. Ce sont des projets que tout conseil municipal qui se respecte doit accomplir. »
Ziad, 40 ans, est venu voter pour « le changement ». « Damour est toujours sous le joug de la mentalité féodale et familiale », déplore-t-il.

Corruption...

À Chehim, deux listes menaient la bataille. L'une consensuelle présidée par alternance par l'ancien ambassadeur Zaidane es-Saghir et Fawzi Fawaz, soutenue par le courant du Futur, le Parti socialiste progressiste, la Jamaa islamiya et l'ancien député Zaher el-Khatib. Cette liste est incomplète, un siège a été laissé vacant pour un candidat de la liste opposée. Selon des observateurs, Ghazi Issa a de fortes chances de remporter ce siège. La deuxième menée par Ahmad Mohammad Fawaz est soutenue par la société civile et les familles.

« Je suis contre les partis », affirme Salam, soulignant que la situation à Chehim est « déplorable ». « À ce jour, nous n'avons toujours pas un siège municipal », déplore-t-elle. Et d'assurer : « Nous allons percer leur liste, comme nous l'avons toujours fait. »
Sahar, une septuagénaire, espère que les nouveaux élus seront « actifs » et qu'ils « œuvreront pour le bien de la localité ». « Chehim est le chef-lieu de l'Iqlim el-Kharroub, mais le village manque de projets de développement. »

« Nous ne sommes pas convaincus par les candidats », lancent pour leur part deux dames sous couvert d'anonymat. « De toute façon, nous ne sommes pas intéressées par le scrutin municipal. Nous avons juste voté pour les moukhtars », disent-elles. C'est le cas également de Abbas venu élire « notre moukhtar, qui est compétent et garde de bonnes relations avec les habitants ». Que reproche-t-il au conseil municipal sortant et aux deux listes en lice ? « De ne pas avoir travaillé pour améliorer la situation dans la localité, répond-il. À ce jour, le problème des déchets n'est pas encore résolu. Les deux listes sont aussi nulles l'une que l'autre. »
De nombreuses personnes interrogées ont assuré à leur tour voter « pour le changement » pour « écarter l'ancien conseil municipal corrompu ».

À Naamé, une dispute opposant un candidat à des délégués a dégénéré en empoignade. De ce fait, le processus électoral s'est brièvement interrompu, le temps que les forces de sécurité mettent un terme au litige. Une bataille féroce à caractère familial a opposé les familles Khoury et Tannous à Rmeilé.
À Brih, enfin, deux listes menaient la bataille pour la première fois depuis plusieurs décennies. La réconciliation druzo-chrétienne a été consacrée dans la ville il y a deux ans.


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