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À La Une - Politique

Au Brésil, des ministres riches, blancs et en délicatesse avec la justice

La nouvelle équipe gouvernementale du président Michel Temer promet un changement d'ère.

Les 24 ministres du nouveau gouvernement brésilien auront sûrement bien des choses à se dire, compte tenu de leurs points communs : ils sont tous des hommes, blancs, conservateurs, et beaucoup ont des ennuis avec la justice. Photo AFP / ANDRESSA ANHOLETE

Les 24 ministres du nouveau gouvernement brésilien auront sûrement bien des choses à se dire, compte tenu de leurs points communs : ils sont tous des hommes, blancs, conservateurs, et beaucoup ont des ennuis avec la justice.

Choisis par le président intérimaire Michel Temer, monté au pouvoir après la suspension jeudi de Dilma Rousseff, ils affichent un profil quasi-identique, qui tranche avec la diversité d'un pays continent de 204 millions d'habitants.

Alors que la population brésilienne s'est indignée ces derniers mois face à l'énorme scandale de corruption Petrobras, qui éclabousse une grande partie de l'élite politique, la nouvelle équipe gouvernementale a promis un changement d'ère. "Dehors la corruption et bienvenue à l'efficacité", a assuré vendredi le chef de cabinet (quasi Premier ministre) de Michel Temer, Eliseu Padilha, à l'issue du premier Conseil des ministres.

Personne ne sait s'ils seront efficaces, mais le Brésil peut compter sur des ministres appréciés des marchés.
Sur le front de l'honnêteté, la tâche s'annonce plus difficile : au moins trois membres du gouvernement sont cités dans l'enquête Petrobras, dont Romero Juca, ministre-clé en charge de la Planification.
Trois autres font l'objet d'une enquête, selon le site spécialisé Congresso em Foco, tandis que deux ministres sont les fils d'hommes politiques cités dans le scandale Petrobras.

Et après un gouvernement mené par la première femme présidente du Brésil, l'équipe de Temer donne une étrange impression de retour en arrière : pas de femme, pas de Noir, pas de profil proche des classes pauvres.
Certains ministres semblent même avoir été choisis pour insister sur le virage conservateur : c'est le cas de celui de l'Agriculture, Blairo Maggi, surnommé "le roi du soja" et critiqué par Greenpeace comme l'un des plus grands responsables de la déforestation en Amazonie.
Le titulaire de l'Industrie, Marcos Pereira, est un pasteur évangélique qui avait même été envisagé pour les Sciences, une perspective qui avait suscité les protestations de la communauté scientifique.

 

(Pour mémoire : Premier jour de l'ère Temer avec le défi de redresser le Brésil)

 

'Le pitbull de Temer'
Que dire, enfin, du ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, jusqu'à présent chef de la sécurité à Sao Paulo. Sous ses ordres, la police est accusée de fréquentes violations de droits de l'homme, dont l'usage d'"escadrons de la mort" pour affronter les gangs. Surnommé "le pitbull de Temer" par un journal brésilien, il aura également sous sa responsabilité les droits de la femme et l'égalité raciale.

La suppression du ministère de la Culture a elle été dénoncée par des artistes comme le musicien Chico Buarque et l'acteur Wagner Moura.

Mais le gouvernement ne semble guère s'émouvoir des réactions outrées suscitées par sa composition.
Interrogé sur l'absence de femmes, Eliseu Padilha a simplement rétorqué : "Nous avons essayé de trouver des femmes mais, en raison du calendrier resserré, ça n'a pas été possible". Il a juste promis la nomination de "femmes secrétaires d'Etat, qui auront des attributions de ministres".

L'équipe gouvernementale compte de nombreux anciens parlementaires, alors même que cette institution, dont 60% des membres ont ou ont eu des ennuis avec la justice, est largement discréditée aux yeux des Brésiliens.
Mais c'est sûrement de bonne guerre : ce sont justement les députés puis les sénateurs qui ont permis, avec leur vote, d'écarter du pouvoir Dilma Rousseff pour la remplacer par Michel Temer, alors vice-président, qui a dû se sentir redevable.

 

(Lire aussi : Michel Temer, d'origine libanaise, un bluffeur propulsé de l'ombre à la lumière présidentielle)


Le nouveau ministre de la Ville, Bruno Arauja, était le député dont le vote a permis de franchir la barrière des deux tiers à l'Assemblée, pour faire avancer la procédure au Sénat.
A la Chambre haute, c'est le désormais ministre de l'Agriculture Blairo Maggi qui a lui aussi apporté le vote décisif.

Derrière ce casting, il y a une stratégie de la part de M. Temer : les ministres proviennent de 11 partis différents, assurant un large soutien parlementaire aux mesures d'austérité économique qu'il compte mettre en place. "C'est très pragmatique", observe Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas, qui estime même que l'exclusion des femmes et des minorités de son gouvernement est également calculée, pour refléter un Brésil majoritairement conservateur et sous influence religieuse.
Pas sûr que les habitants approuvent un tel manque de diversité : ils pourraient "faire connaître leur sentiment dans les prochains mois", prévient-il.

 

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