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Liban - Décryptage

Après les municipales, les législatives ? Pas si sûr...

Le principal point positif de cette première étape des élections municipales est qu'elle a eu lieu sans incident majeur, et le plus grand vainqueur de la longue journée de dimanche, c'est l'état de la sécurité, même dans les zones considérées à risques, comme Ersal. Le gouvernement de Tammam Salam et en particulier le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk peuvent donc mettre à leur actif la réussite du premier dimanche électoral de ce mois de mai. Plus que cela encore : le ministre de l'Intérieur, qui est aussi un des faucons du courant du Futur, s'est rendu à Baalbeck et Brital en pleine journée électorale et il a tenu des réunions sécuritaires et administratives dans ces fiefs chiites en période de tensions confessionnelles entre sunnites et chiites dans l'ensemble de la région. Le Liban montre ainsi qu'il est un îlot de stabilité et de coexistence dans une région en pleine tourmente. Les nombreux camps de déplacés syriens autour de la bourgade de Ersal se sont sagement tenus à l'écart de l'opération électorale, strictement encadrés par l'armée libanaise, et cette bourgade considérée comme étant sous le contrôle des groupes de l'opposition syrienne a pu voter et même donner une leçon aux autres localités en choisissant le changement et la liste de la société civile face à celui qui était jusqu'à hier le chef de la municipalité.

La suite logique de cette succession d'éléments positifs devrait être l'organisation dans les plus brefs délais d'élections législatives. De nombreuses voix se sont d'ailleurs élevées pour réclamer la tenue des législatives avant juin 2017, date de l'expiration de la nouvelle prorogation du mandat du Parlement. Cette réclamation se base sur l'arrêté du Conseil constitutionnel qui avait validé l'argument des circonstances sécuritaires exceptionnelles invoqué par le gouvernement et le Parlement pour justifier la prorogation du mandat du Parlement. Le Conseil constitutionnel avait toutefois précisé que si la situation sécuritaire ne représente plus un problème, les élections législatives doivent se tenir dans les plus brefs délais sans attendre la fin de la période de la prorogation. Or le déroulement des élections municipales sur l'ensemble du territoire libanais détruit l'argument de l'instabilité sécuritaire et devrait donc ouvrir la voie à l'organisation rapide des législatives.

Toutefois, selon un ministre qui préfère ne pas être nommé, après les élections de dimanche, il y a peu de chances que la classe politique au pouvoir accepte d'organiser des législatives. Pour ce ministre, la classe politique, qui n'a pas été soumise depuis six ans à un test de popularité et ne connaît son véritable poids qu'à travers les estimations des instituts de statistiques, considérait les élections municipales comme une sorte de sondage réaliste de popularité. Or les résultats n'ont pas été à la hauteur de ses attentes. S'il est vrai par exemple qu'à Beyrouth la liste de coalition formée par le courant du Futur a raflé les 24 sièges du conseil municipal, le faible taux de participation reste un coup porté à sa crédibilité. Sous prétexte de vouloir préserver la parité entre chrétiens et musulmans, le chef du courant du Futur a choisi de nouer de vastes alliances et d'inclure toutes les composantes politiques dans sa liste pour, en fait, éviter de mener une bataille politique dont il n'a pas les moyens.

La liste des « Beyrouthins » regroupe ainsi des représentants de la Jamaa islamiya et de Fouad Makhzoumi en plus du courant du Futur sur le plan sunnite, un représentant du PSP pour les druzes et des représentants des trois grands partis chrétiens : le CPL, les FL et les Kataëb, en plus d'autres nommés par le ministre Michel Pharaon et des pôles chrétiens du 14 Mars. Enfin, pour les chiites, la liste regroupe un représentant du mouvement Amal. Autrement dit, toutes les forces politiques influentes à Beyrouth sont représentées au sein de cette liste, sauf le Hezbollah que le courant du Futur a sciemment écarté. Cette importante couverture politique peut être considérée comme un élément de force, Saad Hariri étant en mesure de rassembler toutes les parties politiques (ou presque) sous son étendard, mais elle peut aussi être interprétée comme un élément de faiblesse à travers le refus de mener une bataille politique dans la capitale.

D'autant que la liste de la société civile « Beyrouth Madinati » a, malgré tout, créé en peu de temps (jusqu'à la dernière semaine, il y avait encore des doutes sur la tenue des élections) une véritable dynamique au sein de la société. S'il y avait donc des craintes de percées de la liste de Saad Hariri, en dépit de ses alliances politiques et du fait que le nombre des électeurs sunnites dans la capitale est largement plus important que celui des autres communautés réunies, que serait-ce s'il s'agissait d'élections législatives, dont les enjeux sont plus importants et pour lesquelles la mobilisation populaire est plus importante ?


(Lire aussi : Hariri félicite ses électeurs : Nous avons protégé la parité à Beyrouth)

 

Même chose à Zahlé où l'alliance des trois grands partis chrétiens a raflé les sièges du conseil municipal face à la liste appuyée par Mme Myriam Skaff et celle appuyée par le député Nicolas Fattouche. Les trois partis parlent d'une victoire éclatante, alors que selon les chiffres non officiels, l'écart des voix est assez réduit (près de 1 000 voix) entre la liste des partis et celle de Skaff. Or dans le cas des législatives, d'une part, les alliances peuvent être différentes et, d'autre part, le poids des électeurs musulmans, sunnites et chiites, est plus important.

Même le Hezbollah, qui s'est pour la première fois impliqué directement dans la bataille des municipales, a eu du mal à remporter des victoires dans certaines localités de la région de Baalbeck-Hermel. Dans une vingtaine de localités, il a dû faire face à des listes « de familles » et il y a eu d'importantes percées dans certaines d'entre elles. Mais dans les élections de dimanche, il n'y a eu aucun affrontement entre une liste Amal et une autre du Hezbollah, les deux formations respectant leur alliance. Et même si les élections législatives sont plus faciles à mener pour ces deux formations, les enjeux y étant plus politiques et stratégiques, il est clair que les électeurs chiites aspirent à plus de liberté sur le plan municipal.

Pour toutes ces raisons, si la classe politique a voulu que les élections municipales soient un test de sa popularité, après ces résultats (surtout s'ils se confirment dans les prochaines étapes), elle voudra éviter les législatives...

 

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commentaires (6)

je crois que les libanais devraient voire du cote des philipines ...*** Un peu comme Donald Trump aux États-Unis, M. Duterte chamboule les pouvoirs établis. Aux Philippines, les mêmes clans familiaux dirigent le pays depuis des décennies. Son succès électoral témoigne d'un profond désir de changement, en plus d'être un désaveu de la classe politique actuelle, qui n'a pas su rendre accessibles à tous les fruits de la croissance.*** extrait de RDI ... et devraient faire une introspection de ce qu'ils voudraient vraiment !! les libanais de l'interieur (vous me direz ben y a pas une famille qui n'a pas de parents a l'exterieur) ben allons donc ceux qui y vivent sont autres que ceux qui sont nee et passer 40 ans a l'exterieur (un peu comme les armeniens demandez a un armeniens la difference entre un armenien d'armenie et un armenien d'ailleurs)et passer par plusieurs postes executive ou diplomatique... ceux la savent de quoi ils parlent quand ils parlent de sociate civiles et surtout quand ils disent que le libanais n'est pas prets au changement, !! et d'ailleurs et ce a mon simple avis se changement devrait aller dans le sens contraire de ce que cherche la societe dites civile !! c a d dans le renforcement du pacte non ecrit et de la constitution !! on ne change pas une constitution dans des moments trouble ..

Bery tus

20 h 42, le 10 mai 2016

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Commentaires (6)

  • je crois que les libanais devraient voire du cote des philipines ...*** Un peu comme Donald Trump aux États-Unis, M. Duterte chamboule les pouvoirs établis. Aux Philippines, les mêmes clans familiaux dirigent le pays depuis des décennies. Son succès électoral témoigne d'un profond désir de changement, en plus d'être un désaveu de la classe politique actuelle, qui n'a pas su rendre accessibles à tous les fruits de la croissance.*** extrait de RDI ... et devraient faire une introspection de ce qu'ils voudraient vraiment !! les libanais de l'interieur (vous me direz ben y a pas une famille qui n'a pas de parents a l'exterieur) ben allons donc ceux qui y vivent sont autres que ceux qui sont nee et passer 40 ans a l'exterieur (un peu comme les armeniens demandez a un armeniens la difference entre un armenien d'armenie et un armenien d'ailleurs)et passer par plusieurs postes executive ou diplomatique... ceux la savent de quoi ils parlent quand ils parlent de sociate civiles et surtout quand ils disent que le libanais n'est pas prets au changement, !! et d'ailleurs et ce a mon simple avis se changement devrait aller dans le sens contraire de ce que cherche la societe dites civile !! c a d dans le renforcement du pacte non ecrit et de la constitution !! on ne change pas une constitution dans des moments trouble ..

    Bery tus

    20 h 42, le 10 mai 2016

  • "Mais dans les élections de dimanche, il n'y a eu aucun affrontement entre une liste Amal et une autre du Hezbollah, les deux formations respectant leur alliance." ! Tout comme les orangistes Aigris et les Öûééétes ont respecté la leur....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 32, le 10 mai 2016

  • S,IL N,Y AVAIT PAS MALHEUREUSEMENT LES DERIVES HABITUELES DU PARTI PRIS... TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD... J,AURAIS APPLAUDI CET ARTICLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 26, le 10 mai 2016

  • Enfin du clair , net et précis . Scarlett , vous auriez du vous présenter ou présenter une liste , on ne peut pas avoir mieux que ça comme éclaircissement . Pour nous autres de l'étranger , vous êtes une pépite , rare et objective .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 03, le 10 mai 2016

  • J'ai beaucoup apprecie votre minutieuse analyse, Scarlett, ainsi que les deductions que vous en tirez. Il se pourrait, en effet, que nous ne soyions pas encore tout a fait prets pour le grand saut.Mais alors, quoi? S'il fallait sagement attendre Juin 2017, ce serait beaucoup de temps perdu pour la Nation. Pouvons-nous nous le permettre? Seuls les "bilans"et les moyens peuvent procurer une reponse a pareille question. Durant cette annee d'hiatus qui se profile a l'horizon, que comptons-nous faire? Telle est la question.A mon humble avis, il faudrait, pour ne pas perdre un temps precieux, commencer a engranger, ne fut-ce qu'en partie, certaines reformes essentielles. Messieurs les detenteurs des bons du Tresor de la Dette Publique, c'est a vous de jouer.

    George Sabat

    10 h 57, le 10 mai 2016

  • Chère Mme Haddad La médaille que vous avez décerné au ministre de l'intérieure est peut être. Méritée, cependant , une pensée me vient à l'esprit si des élections législatives devraient se dérouler en 2017 sans changement de loi électorale , il serait inutile d'aller voter car ce qui s'est produit aux élections municipales se reproduira aux élections législatives et rebelote les mêmes reviendront !sans aucun doute . Alors pour la majorité des gens qui veulent un changement Tintin ils aauront pour leur frais c'est à dire rien du tout ! Dr. Loutfi. Antaki

    antaki loutfi

    08 h 07, le 10 mai 2016

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