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Liban - municipales

La fronde contre l’argent politique aiguillonne la coalition des partis chrétiens à Zahlé

Les partis se substituent aux familles traditionnelles et leur arrachent une bonne part de leurs assises.

Le vote hezbollahi qui embarrasse tant certaines composantes de la coalition interchrétienne.

S'il est encore tôt pour tirer des conclusions sur les résultats de ce premier round des municipales, dont celle de Zahlé, quelques constatations préliminaires peuvent toutefois être faites à ce stade.

Bien que tous les pronostics aient été jusqu'en début de soirée, dimanche, en faveur de la liste parrainée par Myriam Skaff, boostée par quelque 2 000 voix sunnites acquises auprès du courant du Futur et un nombre de voix chiites double obtenu grâce à l'intercession du Hezbollah, les résultats ont fini par donner gagnante la liste dite de la coalition des partis chrétiens, qui a raflé l'ensemble des 21 sièges.

Présidée par Assaad Zogheib, ancien président d'une municipalité totalement acquise à l'époque à l'ancien député et ministre Élie Skaff, aujourd'hui décédé, la liste gagnante, « le Développement de Zahlé », a pu tabler en définitive sur un ensemble de facteurs convergents qui auraient conduit à sa victoire.

Ingénieur à la réputation irréprochable, ayant fait ses preuves dans la vie municipale et accumulé les réalisations dans cette ville, Assaad Zogheib était certes un joker de taille dans cette bataille virulente. Respecté même au sein du camp de Myriam Skaff, qui avait pourtant tenté sans réussir de le rallier, ou l'inverse, le profil de cette tête de liste était tel que l'ont pouvait légitimement se demander si le vote généreux des Zahliotes n'a pas plus versé vers sa personne que vers la coalition des partis chrétiens, le CPL, les FL et les Kataëb qui alimentaient une grande partie de sa liste.

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Autrement dit, les électeurs auraient ainsi accordé la priorité au « développement » incarné par cet ingénieur actif et non aux enjeux produits par l'entente interchrétienne en place. Une tentation d'autant plus grande que la ville de Zahlé n'a traditionnellement pas trop d'ancrage partisan. La ville table plutôt sur la dynamique des grandes familles conventionnelles, à leur tête les Skaff et les Fattouche qui ont parrainé de leur côté une troisième liste, également désavouée à l'issue de ce bras de fer.

Bien que la différence de voix entre les trois listes soit relativement minime (près de mille voix entre la liste Zogheib et Skaff, et 2 000 voix entre la première et celle de Moussa Fattouche, le frère du député Nicolas Fattouche, selon des scores non officiels), le fait qu'une coalition partisane remporte le scrutin à Zahlé peut, indéniablement, être considéré comme un phénomène inédit.

Même si, par ailleurs, nombre de Zahliotes rêvent à l'unisson de développement et de politique écologique dans la ville, ne serait-ce que pour résoudre le sempiternelle problème des eaux polluées du fleuve Berdawneh, la ville n'a jamais compté de jeunes élites pouvant incarner les aspirations exprimées par la nouvelle vague réformiste que l'on a vu émerger dans certains endroits du pays, notamment à Beyrouth. Ce sont donc les partis et les deux familles traditionnelles qui ont monopolisé l'enjeu dans cette ville majoritairement chrétienne.


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Selon un analyste de la ville, « c'est l'entente interchrétienne et non le profil de M. Zogheib qui a indéniablement joué en faveur de sa liste, même si le profil de ce dernier a pu servir ». Avant d'enchaîner : « Sauf que la coalition partisane chrétienne s'est comportée, de bout en bout, exactement comme le bey de la ville », comprendre à la manière féodale, réitérant un comportement et une culture électorale qui prévalaient auparavant.

Un porte-parole de la coalition partisane est d'ailleurs venu corroborer, indirectement, ce constat, en expliquant comment, vers 14h, pris de panique devant l'avancée annoncée de la liste Skaff, les partis chrétiens ont recouru à toutes sortes de moyens, que certains considèrent aujourd'hui pour le moins archaïques, comme les cloches des églises que l'on a fait sonner pour éveiller l'instinct grégaire chez ceux parmi les chrétiens qui n'auraient pas encore voté. Une alerte qui a été immédiatement suivie des appels lancés par le triumvirat – Samir Geagea, Michel Aoun et Samy Gemayel –, rappelant à l'ordre des urnes les récalcitrants.


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« Toute notre tragédie a pour titre l'extrémisme sunnite et chiite. Sommes-nous en train de perpétuer cela par un extrémisme chrétien, un nouveau "christianisme politique" qui rappelle tristement le maronitisme politique d'antan? » se demande un partisan du 14 Mars. Pour lui, l'explication de ce nouveau front chrétien que rien ne pouvait rassembler dans le passé n'a d'autre justification qu' « une union de façade assez puissante pour contrer le charisme d'un Hassan Nasrallah devant lequel chrétiens et sunnites sont secrètement en admiration ». D'ailleurs, « l'embarras » que ressentent deux au moins des composantes chrétiennes suite au vote des partisans du Hezbollah pour les candidats CPL de la liste ne s'effacera pas de sitôt, commente encore la source. Un « legs » qui ne manquera pas de se répercuter négativement sur le parti chiite, lors des élections parlementaires à venir, précise la source.


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La liste de Zogheib a pu compter par ailleurs sur les accusations, nombreuses, faisant état de l'argent politique qui aurait été largement déversé par les protagonistes des deux listes concurrentes. « Ils l'ont fait de manière flagrante et sans aucune honte », témoigne un porte-parole de la liste de la coalition partisane. Ce dernier raconte que la corruption était telle qu'elle a provoqué une altercation violente dans un quartier de la ville, lorsque des partisans du CPL et des FL ont carrément envahi un bureau « qui distribuait des billets aux électeurs », un incident qui a nécessité l'intervention des FSI. Même la Lade, l'Association pour la démocratie des élections, a pu documenter ces violations, qui ont fini, semble-t-il, par susciter une réaction de dégoût chez ceux que l'argent ne pouvait acheter. C'était compter avec l'un des rares sursauts réformistes de ce scrutin à mettre sur le crédit de la culture électorale citoyenne dans cette ville. « C'est une véritable insurrection zahliote contre l'argent politique », commente une source proche de la liste de M. Zogheib.

Il reste à voir comment cet ingénieur avide de réussites locales pourra composer avec une équipe partisane plurielle dont la cohabitation ne sera pas nécessairement garantie une fois la fièvre électorale tombée, conclut en substance un notable de la ville.

 

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S'il est encore tôt pour tirer des conclusions sur les résultats de ce premier round des municipales, dont celle de Zahlé, quelques constatations préliminaires peuvent toutefois être faites à ce stade.
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commentaires (5)

Mille voix seulement de différence entre la liste de ces partis "chrétiens" et la liste Sékkéééf ? Lâklâk mâllâ chârchahâh !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

13 h 47, le 10 mai 2016

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Commentaires (5)

  • Mille voix seulement de différence entre la liste de ces partis "chrétiens" et la liste Sékkéééf ? Lâklâk mâllâ chârchahâh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 47, le 10 mai 2016

  • PERSONNE NE PEUT... OU QUE CE SOIT AU LIBAN... PRETENDRE QU,IL N,Y A PAS DE MOUTONS QUI VENDENT LEUR BELEMENT... LE RESTE DU CHEPTEL BELE PAR FANATISME AVEUGLE CHACUN SUIVANT LES ORDRES DE SON PANURGES...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 32, le 10 mai 2016

  • Un phare reste un Phare Aoun !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 46, le 10 mai 2016

  • Hâmîhâh Haramîhâh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 15, le 10 mai 2016

  • Les résultats à Zahlé : Liste Zogheib 39.74% des votants, liste Skaff 33.63%, la liste Fattouche 26.63. Conclusion, Michel Aoun n'a pas de quoi pavoiser ! D'autre part, le même Michel Aoun (83 ans) vient de claironner dans An-Nahar : "Jounieh, est ma capitale électorale." Je n'accepte pas ce don-quichottisme, sa capitale électorale est Haret-Hrayk qu'il a abandonné à Hassan Nasrallah. C'est clair, net et précis.

    Un Libanais

    10 h 51, le 10 mai 2016

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