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Liban - Municipales

À Beyrouth I, le vote de contestation

Les campagnes massives sur les réseaux sociaux et les appels pressants des candidats de différents bords et des forces politiques n'ont pas réussi à réveiller les Beyrouthins de leur léthargie.

Une banderole appelant les Achrafiotes à boycotter les élections municipales pour « préserver leurs voix ». Photo Michel Sayegh

Le vote de contestation était hier le mot d'ordre à Beyrouth I (Achrafieh-Rmeil-Saïfi), où le taux de participation aux élections municipales était timide contrairement aux autres cazas où se déroulait le scrutin. En fin d'après-midi, le taux d'affluence aux bureaux de vote à Beyrouth restait faible, ne dépassant pas les 18 %, le ras-le-bol général n'ayant pas réussi à drainer un plus grand nombre d'électeurs vers les urnes, encore moins les SMS envoyés en masse aux abonnés au réseau de téléphonie mobile ou encore les campagnes massives sur les réseaux sociaux et les appels lancés hier par les forces politiques et les candidats des différentes listes.

Deux principales listes complètes de vingt-quatre candidats chacune étaient en lice dans la capitale, celle de Beyrouth Madinati, issue de la société civile, et la Liste des Beyrouthins, parrainée par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, et appuyée par les autres forces politiques traditionnelles, notamment les trois principaux partis chrétiens. Trois autres listes incomplètes étaient également en compétition, celle présentée par l'avocat Imad Wazzan, celle de l'ancien ministre Charbel Nahas et celle des Ahbache. On comptait aussi des candidats indépendants.

(Lire aussi : Ils votent pour le changement, pour les grandes familles, ou sans illusion : paroles d'électeurs, de Beyrouth à Zahlé)

« Le Libanais est paresseux. Il mérite l'État qu'il a, s'insurge Edma, 54 ans. Aujourd'hui, nous avons la possibilité de changer. Même si l'ouverture que ce changement représente est petite, il faut s'engouffrer en masse ! »
Les rues d'Achrafieh sont quasi vides. Les rassemblements des délégués devant les bureaux de vote restent la principale indication de l'activité électorale, sauf à La Sagesse et à Rmeil où vers midi, l'affluence s'est légèrement accrue. Mais en gros, tout au long de la journée, les responsables des bureaux de vote et les délégués qui s'y trouvaient étaient oisifs, attendant impatiemment l'arrivée d'un électeur.

Voter pour la première fois

Les témoignages recueillis dans la rue à Beyrouth I étaient majoritairement favorables au « changement » et « au sang nouveau ». La plupart des personnes rencontrées ont affirmé avoir voté Beyrouth Madinati « zay ma hiyé » (telle quelle), parodiant Saad Hariri qui avait appelé les Beyrouthins à voter la liste qui porte leur nom tout entière. « J'ai voté pour un programme et non pour des personnes, affirme ainsi Béatrice. S'ils sont élus, j'aimerais qu'ils gèrent la ville comme une entreprise et que leur action ne soit pas basée sur la politique. » De son côté, Jacques est conscient que « sa voix ne changera rien » et que « les rouleaux compresseurs des autres partis l'emporteront », mais il a tenu à exercer son devoir électoral « parce que boycotter ne sert à rien ». D'aucuns ont confié avoir opté pour le panachage entre les deux principales listes.

(Lire aussi : Les municipales, comment ça marche ? Un guide pratique pour tout comprendre)

Un autre fait significatif à Beyrouth I reste le nombre d'électeurs qui ont effectué le déplacement « pour la première fois de leur vie » rien que pour exprimer leur « dépit » vis-à-vis de la classe politique qui a gouverné jusqu'à présent. C'est le cas de Bachir, 38 ans, qui affirme que la crise des déchets qui a duré neuf longs mois « était une catastrophe ». Sabine, 40 ans, avocate, déclare pour sa part que « la situation à laquelle nous sommes parvenus est pathétique ». « Vu la performance des conseils municipaux au cours des trois derniers mandats, ce serait une aberration de leur accorder encore sa voix, poursuit-elle. La moindre des choses c'est d'opter pour le changement et d'entreprendre une action dans ce sens, notamment après la désillusion et le dégoût qui ont accompagné le grand soulèvement de 2005 et qui devrait être porteur d'espoir et de changement. » Même son de cloche chez Saline, 25 ans, qui souligne qu'elle est consciente du fait que « si elle est élue, Beyrouth Madinati ne peut pas réaliser beaucoup de changement, mais au moins ils auraient ouvert la voie à un changement dans le scrutin municipal ».

Achats de voix et fausses listes...

À Beydoun, à majorité sunnite, la balance penchait en faveur de la Liste des Beyrouthins. « Je n'habite pas à Beyrouth, mais je suis venue voter la liste pour faire plaisir à cheikh Saad Hariri », affirment Nawal et sa fille. C'est ce qu'ont assuré plusieurs autres électeurs interrogés sur place.
Tout au long de la journée, des rumeurs circulaient sur des listes tronquées et l'achat de voix en faveur de la Liste des Beyrouthins. Une vieille femme rencontrée à Zahret el-Ihsan l'a indirectement confirmé, notant à cet effet qu'elle est « seule » et n'a aucune « ressource ». « Je me suis dit qu'ils pourraient m'aider, mais ce n'est qu'à la fin du mois que je recevrais l'argent », a-t-elle affirmé.

(Voir aussi : Municipales 2016 : le scrutin à Beyrouth et dans la Békaa, en images)

La journée d'hier a été marquée à Achrafieh par des frictions dans les rangs du CPL qui se sont traduits sur le terrain par des rixes entre les partisans de Ziad Abs et ceux de Nicolas Sehnaoui, dans le périmètre de La Sagesse. La raison derrière ce conflit reste les élections des moukhtars. Selon les informations recueillies, le bureau du CPL à Achrafieh a formé une deuxième liste de moukhtars et l'a mise en circulation, bien qu'il se soit engagé à soutenir celle appuyée par les FL et le Tachnag. « Les partis ont écarté les candidats qui représentent les familles » dans cette région, confie à L'Orient-Le Jour Jean Saliba, ancien moukhtar et candidat à Rmeil. D'ailleurs, de nombreux appels au boycott des élections à Beyrouth I ont été lancés par plusieurs des candidats écartés qui s'insurgeaient contre « l'alliance des partis contre les familles ».


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