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Liban - Municipales

À Beyrouth 2 et 3, l’abstention, encore une fois, grand électeur

Toute la journée, les votants se faisaient rares dans les bureaux de vote des différents quartiers, et les rumeurs de panachage allaient bon train.

L’ancien Premier ministre Saad Hariri déposant son bulletin dans l’urne, dans un des centres de vote de Beyrouth, hier. Photo Hassan Assal

Dans les quartiers de Tarik Jdidé, Ras el-Nabeh, Bachoura, Basta, Moussaitbé ou encore Zoqaq el-Blat, l'affluence était loin d'être à la hauteur de ce qui était espéré de cette première étape d'élections municipales. Partout, de timides files d'attente, sinon des bureaux de vote presque vides. Autant qu'on puisse en juger, les Beyrouthins ne se sont pas précipités pour élire les 24 membres du conseil municipal de leur ville, sachant que le taux de participation a été cette année le même qu'en 2010, soit un peu plus de 20 pour cent.

Plusieurs listes étaient en compétition, notamment deux complètes, celle dite des « Beyrouthins », appuyée par l'ancien Premier ministre Saad Hariri et la plupart des partis traditionnels, et celle de « Beyrouth Madinati », formée de membres de la société civile. Il y avait aussi des listes incomplètes – celle de « Citoyens et citoyennes dans un État » (l'ancien ministre Charbel Nahas), des Ahbache ou encore de Imad Wazzan, et des candidats indépendants. Pour l'anecdote, Saad Hariri n'aura pas fait profiter la liste qu'il appuyait de sa voix, du fait de sa malencontreuse erreur qui a consisté à se tromper d'urne et glisser son bulletin de vote municipal dans l'urne des moukhtars...

(Lire aussi : Christina Lassen à « L'OLJ » : L'UE est déçue du nombre restreint de candidates aux municipales)

Sur le terrain, la présence des délégués de la liste des Beyrouthins était prédominante de par le nombre et la couverture de l'intégralité des bureaux de vote. Les volontaires de « Beyrouth Madinati » se montraient, pour leur part, très enthousiastes à aborder les votants et s'assurer des listes qu'ils avaient en leur possession. La troisième grande présence de délégués revenait aux membres des « Ahbache », un mouvement islamiste, reconnaissable à ses T-shirts jaunes, couvrant pratiquement l'intégralité des bureaux.
Outre le faible taux d'affluence, le panachage semblait inquiéter une grande partie des délégués. Ce son de cloche nous est parvenu des différentes machines électorales. Du côté des « Beyrouthins », certains craignaient la suppression de noms en faveur d'autres, parfois au détriment de la fameuse « parité » que cette liste devait assurer. Beaucoup ont accusé les « Ahbache » de distribuer des listes faussées, où ce parti aurait remplacé certains noms de la liste des Beyrouthins par ceux de leurs candidats. Des délégués d'autres machines électorales ont également évoqué une tendance au panachage entre les différentes listes en présence.

À Zoqaq el-Blat, dans un centre de vote où la présence chiite est prépondérante, un représentant du mouvement Amal, hajj Mohammad Harb, estime que le panachage est probablement pratiqué à grande échelle. « Les partisans suivent les consignes des partis à la lettre, dit-il. Mais les autres sont soit trop fatigués et déçus, s'abstenant par conséquent de voter, soit ils forment leur propre liste. »

(Lire aussi : Les municipales, comment ça marche ? Un guide pratique pour tout comprendre)

Dans une rue de Moussaitbé, on pouvait lire hier sur une banderole le slogan suivant, accompagnant une photo de Saad Hariri : « Je suis comme vous, je m'engage à voter pour les "Beyrouthins". » Tout près de là, dans le bureau électoral d'un moukhtar, on jouait à tue-tête une chanson électorale avec pour paroles principales « telle quelle », en référence au slogan rendu populaire par l'ancien Premier ministre qui demandait aux électeurs de voter pour la liste entière. Mais, dans la pratique, quels que soient les résultats par ailleurs, le vent semblait avoir tourné pour nombre d'électeurs. Beaucoup d'entre eux ont assuré « vouloir voter pour le changement », sans préciser la liste.

Rencontré près d'un bureau de vote (sunnite), Samir, 67 ans, travaillant dans la distribution, déclare « voter aux antipodes de ce que j'avais fait la dernière fois, c'est-à-dire quand j'avais respecté la consigne "telle quelle" ». « Je conçois ce vote comme un message de mécontentement que je lance aux partis traditionnels en prévision des prochaines législatives », affirme-t-il.

(Voir aussi : Municipales 2016 : le scrutin à Beyrouth et dans la Békaa, en images)

D'autres sont moins catégoriques, mais la contestation s'entend dans leurs propos. Ghada, une mère de famille de 43 ans, rencontrée à Bachoura, avoue « avoir voté pour les "Beyrouthins", mais pas pour toute la liste, j'ai remplacé certains noms par ceux d'autres listes, qui me paraissent plus crédibles ». À Moussaitbé, Youssef, 40 ans, se dit habitué à voter pour les listes appuyées par Saad Hariri. Mais cette fois, de par son témoignage, il le fait sans enthousiasme. « Puisque rien ne va jamais changer, que faire de plus ? dit-il. Nous ne sommes pas satisfaits de tout, mais de nouveaux candidats seraient-ils meilleurs que les anciens ? »

Outre les rumeurs de panachage, certaines irrégularités sont venues entacher l'opération électorale. Plusieurs chefs de bureau de vote ont déclaré avoir dû insister auprès de certains électeurs pour leur demander d'utiliser l'isoloir. Dans un centre de vote à Bachoura, précisément le Lycée des Makassed pour jeunes filles, une dame à la mobilité réduite était accompagnée du délégué de l'une des grandes listes, qui est entré avec elle derrière l'isoloir, sous prétexte de vouloir l'aider. Une autre scène à Tarik Jdidé : un observateur fait remarquer à un chef de bureau de vote que des listes imprimées ont été placées derrière l'isoloir, ce qui est contraire à la loi. Par ailleurs, systématiquement, les enveloppes étaient glissées sans être fermées, dans les urnes transparentes.

Quoi qu'il en soit et quel que soit le résultat du vote, ce qui aura marqué cette longue journée électorale à Beyrouth, c'est le peu d'enthousiasme des électeurs à se rendre aux urnes. Quel message pour les différentes forces politiques ?


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Dans les quartiers de Tarik Jdidé, Ras el-Nabeh, Bachoura, Basta, Moussaitbé ou encore Zoqaq el-Blat, l'affluence était loin d'être à la hauteur de ce qui était espéré de cette première étape d'élections municipales. Partout, de timides files d'attente, sinon des bureaux de vote presque vides. Autant qu'on puisse en juger, les Beyrouthins ne se sont pas précipités pour élire les 24...

commentaires (2)

LE PEUPLE EST FATIGUE DES MASCARADES...

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 32, le 09 mai 2016

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Commentaires (2)

  • LE PEUPLE EST FATIGUE DES MASCARADES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 32, le 09 mai 2016

  • "Quel message pour les différentes forces politiques ?" ! Quel message ? Tout simple : ALLEZ AU.... D I A B L E !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 29, le 09 mai 2016

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