À Zahlé, la bataille tripartite a été féroce

Démarrée frileusement avec un taux de participation qui à 14h n'avait pas encore atteint 20 % du total des 65 000 électeurs inscrits, la journée électorale de « la fiancée de la Békaa » s'est clôturée en beauté avec un score de 43 %, soit près de 30 000 suffrages exprimés. Frustrés comme tous les Libanais par le non-respect des échéances législative et présidentielle, les natifs de Zahlé ont donc saisi l'opportunité de participer au scrutin municipal, malgré la découverte, samedi, d'une charge explosive sur la route de Chtaura-Saadnayel.

Dès 7h, alors que le mercure n'affichait encore que 7°, des dizaines d'électeurs se sont présentés devant les urnes, voulant s'épargner les inconvénients de l'affluence attendue plus tard. Si le climat électoral s'est réchauffé dans l'après-midi avec l'afflux des votants, il a été précédé dans la matinée par une atmosphère fiévreuse suscitée par un incident sécuritaire. Dans les faits, des cris se sont fait entendre, peu avant 12h, devant l'école de Hoch el-Oumara, provenant d'un groupe de jeunes militants des Forces libanaises qui, entourant un homme baraqué, se sont précipités vers la permanence du Bloc populaire présidé par Myriam Skaff, proche de 50 mètres. À la question de savoir ce qu'ils allaient faire, le chef du groupe, l'homme d'affaires Ibrahim Sakr, a lancé à L'OLJ : « Nous allons fermer tous les bureaux où s'achètent les voix. »

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Les bâtons, des armes

En moins d'une minute, les militants avaient atteint leur destination, pénétrant dans la permanence en proférant des insultes et s'attaquant aux personnes qui s'y trouvaient. Plus de dix soldats de l'armée sont alors accourus, et, grâce à une intervention musclée, ont circonscrit l'incident. Une demi-heure plus tard, des bâtons cassés en deux, qui avaient servi lors de la bagarre, étaient encore à terre sur les lieux. Jointe par L'Orient-Le Jour, Myriam Skaff a affirmé que « quatre jeunes militantes ont été blessées et transportées à l'hôpital », indiquant qu'elle tentait « à l'instant » d'entrer en contact avec les autorités compétentes pour qu'elles interpellent « les fauteurs de troubles ». Concernant les allégations de soudoiement, Mme Skaff les a réfutées, affirmant que « des achats de voix seraient des achats de conscience ».
L'incident de Hoch el-Oumara n'est d'ailleurs pas resté orphelin. D'autres altercations, de moindre ampleur, ont eu lieu, notamment dans le quartier de Barbara, où des soldats de l'armée ont fait face à des partisans de la liste parrainée par Nicolas Fattouche.

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Des voix de valeur

C'est que les accusations propagées la veille, concernant les achats de voix à 300 dollars, se sont multipliées et ont retenti comme des certitudes à mesure que la journée s'écoulait. Un jeune partisan des FL a même affirmé que sa voix a été estimée à plus cher, puisqu'on lui a suggéré, a-t-il dit, « un montant de 500 dollars » grâce à la casquette qu'il portait et sur laquelle figurait l'emblème de son parti. L'ancien ministre Sélim Jreissati a déclaré, dans ce cadre, à L'OLJ que « l'argent corrupteur est bel et bien là », affirmant qu' « il a été décelé grâce à des caméras ». M. Jreissati a en outre rappelé que le soudoiement s'est toujours pratiqué à Zahlé mais que le phénomène est aujourd'hui « endémique ». Il a appelé les Zahliotes à « venir voter nombreux pour contrecarrer cette fraude qui se produit à deux niveaux, celui du paiement par le corrupteur de sommes d'argent aux personnes qui ont voté en sa faveur, et également à travers la confiscation des documents d'identité des électeurs que le soudoyeur soupçonne ne pas vouloir voter pour lui ».

Dans sa résidence située quartier Barbara, le président de la liste de la coalition des partis, Assaad Zgheib, s'est lui aussi montré quelque peu inquiet. « Selon toutes les études statistiques effectuées, notre liste se trouve en tête des sondages, mais une utilisation aussi ostentatoire de l'argent corrupteur rend difficile tout pronostic », a-t-il dit.

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Un peu plus tôt, à Mar Mikhaël (Haret Tahta), Moussa Fattouche, chef de la liste « Zahlé mérite », est quant à lui entré au bureau de vote sous les acclamations de ses supporters. Affichant un esprit sportif, il déclare, en réponse à la question de savoir si sa liste a des chances de remporter la victoire : « En cas de succès, notre main sera tendue à tous, et, en cas de défaite, nous serons les premiers à féliciter les vainqueurs. » Dans le même bureau, Fadi Skaff, candidat sur la liste de M. Zgheib, souligne, en réponse à une question de L'OLJ, qu'il n'a pas rallié la liste de Myriam Skaff « parce que c'est Assaad Zgheib qui a toujours œuvré pour le développement de Zahlé dont il a fait un paradis ».

Un rendez-vous démocratique

Dehors, les chants et les discours diffusés à tue-tête par des bureaux électoraux très proches les uns des autres se mêlaient dans une cacophonie assourdissante. Ce qui n'a pas empêché Mona Sassine, une infirmière d'une quarantaine d'années, d'exprimer son enthousiasme à « participer à ce rendez-vous démocratique et (à) voter en toute conscience pour ceux qui agissent dans l'intérêt de Zahlé, loin de la politique ». Bassel Hawa, 39 ans, est venu, lui, « voter pour des personnes qui se présentent individuellement et ne font pas partie de ces trois listes dont les membres pratiquent la langue de bois et n'aiment pas Zahlé ».

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Jusqu'au dernier moment, les partis et les familles auront fait fonctionner à fond leurs machines électorales pour arracher la victoire. Les militants, interdits d'entrée à l'intérieur des centres électoraux, en application des mesures militaires et sécuritaires strictes, s'étaient postés à l'extérieur, distribuant, dans une dernière tentative d'attirer des suffrages, des listes de petit format pour décourager les votants à remplacer les noms qui y sont inscrits. Nadim, 42 ans, s'en est méfié. « Je préfère user de mon droit au panachage et rédiger ma propre liste municipale », a-t-il dit en souriant.

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