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À La Une - Turquie

Après le départ de Davutoglu, Erdogan vers un pouvoir incontestable

"Turquie = RTE (initiales du président) = AKP", tweet un influent conseiller du chef d'Etat.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan (droite), en compagnie de son Premier ministre, Ahmet Davutoglu, le 27 août 2014. Photo REUTERS/Umit Bektas/File

L'annonce du départ précipité du Premier ministre turc Ahmet Davutoglu devrait consolider encore le pouvoir du chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan, l'homme fort incontestable du pays, avec ou sans l'instauration d'un régime présidentiel qu'il appelle de ses voeux.

Le prochain départ de M. Davutoglu, 20 mois après avoir sa nomination à la tête du gouvernement et du Parti de la justice et du développement (AKP), mettra un terme à la période que M. Erdogan avait en août 2014 qualifiée ainsi : "Un président fort, un Premier ministre fort et un gouvernement fort".

Désormais, résume vendredi dans les colonnes du quotidien Hürriyet Abdulkadir Selvi, fin connaisseur de l'AKP, le tandem au pouvoir sera marqué par "un président fort, un Premier ministre obéissant".
Un tandem composé d'"un président fort et un Premier ministre fort ne produit pas de bons résultats", avait déclaré jeudi soir le député AKP Aydin Unal, proche de M. Erdogan. "Le prochain Premier ministre aura un profil moindre", a-t-il prédit.

L'arrivée attendue d'un allié plus docile que M. Davutoglu, avec qui les tensions ont brusquement affleuré cette semaine, donne l'occasion à M. Erdogan de mener à bien son projet de nouvelle Constitution instaurant un régime présidentiel, un projet publiquement soutenu par le Premier ministre, qui a toutefois semblé peu pressé de le mettre en oeuvre.

La perspective de voir M. Erdogan se renforcer encore inquiète ses détracteurs, qui accusent de dérive autoritaire celui qui multiplie les poursuites pour "insulte" contre les journalistes et réclame la levée de l'immunité des parlementaire prokurdes, qui pourraient être jugés pour leur soutien présumé aux rebelles kurdes.
Autre point d'incertitude, l'avenir de l'accord sur les migrants conclu le 18 mars entre Ankara et Bruxelles, pour lequel M. Erdogan a montré moins d'enthousiasme que M. Davutoglu. Berlin a souhaité vendredi la poursuite d'une "coopération bonne et constructive" avec le prochain Premier ministre.

 

(Portrait : Ahmet Davutoglu, vizir déchu d'Erdogan)

 

'Turquie = RTE = AKP'
M. Davutoglu a annoncé jeudi qu'un congrès extraordinaire de l'AKP se tiendrait le 22 mai, lors duquel il ne briguerait pas un nouveau mandat. Sa mise à l'écart de la direction du parti signifiera la fin de son mandat de Premier ministre, les deux fonctions étant inséparables.

Cette décision a été prise alors que les tensions entre MM. Erdogan et Davutoglu, longtemps restées discrètes, ont éclaté au grand jour après que l'AKP eût décidé de raboter les pouvoirs de nomination de ce dernier. Les deux hommes se sont notamment opposés sur la reprise des négociations avec le PKK et le placement en détention provisoire de journalistes en procès.

Comme pour mettre les points sur les "i", Mustafa Akis, influent conseiller de M. Erdogan, a tweeté cette semaine l'équation "Turquie = RTE (initiales du président) = AKP", assaisonnée du commentaire suivant : "Que tu la lises de droite à gauche ou de gauche à droite, telle est la situation actuelle".

Si le chef de l'Etat est censé être constitutionnellement au-dessus de tout parti, dans les faits M. Erdogan tient toujours les rênes de l'AKP, formation qu'il a fondée en 2001 et truffée de fidèles, et a donc les coudées franches pour choisir son Premier ministre.

 

(Lire aussi : « En Turquie, la liberté de presse est au niveau le plus bas de toute l'histoire de la République »)


Dans son discours d'adieu jeudi, M. Davutoglu a dit n'éprouver "ni colère, ni rancoeur", semblant écarter une guerre de succession à l'AKP. Les membres du parti devraient se contenter d'enjamber son corps, à l'image du maire d'Ankara Melih Gökçek, présentant "dès à présent" ses félicitations au "Premier ministre à venir" sur Twitter, à peine le discours de M. Davutoglu achevé.

En ce qui concerne les favoris, les "3B" semblent tenir la corde : Binali Yildirim, ministre des Transports, Bekir Bozdag, ministre de la Justice et Berat Albayrak, ministre de l'Energie et gendre du chef de l'Etat. En plus de partager la même initiale pour leur prénom, ces trois hommes ont pour particularité d'être des fidèles du président turc.

Quel qu'il soit, son successeur aura pour "mission suprême sera de faire en sorte qu'une nouvelle Constitution légalise le +règne d'un seul homme+, Erdogan", résume Kemal Kirisci, du groupe de réflexion Brookings.
Si M. Erdogan semble à ce stade exclure toute nouvelle élection anticipée, certains observateurs estiment toutefois que la tentation est grande : deux des trois partis de l'opposition parlementaire sont en crise et un scrutin législatif anticipé pourrait permettre à l'AKP d'atteindre la majorité des deux tiers nécessaire pour organiser seul un référendum (330), qu'il est assuré de remporter, selon les sondages, pour une nouvelle Constitution.

 

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