L'adhésion du CPL à la liste des « Beyrouthins », présidée par le directeur général de Solidere Jamal Itani et annoncée à partir du domicile de Saad Hariri, a suscité un certain malaise dans les rangs aounistes ou en tout cas au niveau de la base élargie de sympathisants qui ne sont pas forcément membres du CPL. La décision de participer à la liste de coalition qui ressemble fort à une « liste du pouvoir » face aux « composantes de la société civile » peut en effet paraître étrange et presque en contradiction avec les précédentes positions du CPL, d'abord par rapport à ses multiples conflits avec Solidere, ensuite par rapport à son combat annoncé contre la corruption du système politique et enfin à travers son acceptation de donner une couverture politique et confessionnelle à une liste formée et annoncée par le chef du courant du Futur.
En plus de ces considérations, certaines critiques adressées au CPL portent sur le fait qu'il a accepté d'avoir, dans la liste des « Beyrouthins », une part à peine supérieure à celle des Forces libanaises et des Kataëb, alors qu'il a longtemps affirmé qu'il représentait à lui seul la moitié, sinon plus, des chrétiens. Pour certains sympathisants aounistes, il aurait donc mieux valu pour le CPL soit appuyer une liste de la société civile, soit rester à l'écart comme il l'avait fait en 2010, sachant que c'est la première fois que le CPL participe directement à la bataille municipale à Beyrouth.
Ces thèmes ont fait l'objet de nombreux débats internes au sein du courant aouniste et, finalement, les partisans de la participation à la liste des « Beyrouthins » avancent les arguments suivants : d'abord, il faut préciser que les élections municipales n'ont qu'une dimension politique réduite, et les enjeux de ces élections ne portent pas sur des choix nationaux, mais sur des options locales de développement et de services sociaux. Par conséquent, l'appui à une liste plutôt qu'une autre ne peut pas être interprété comme de nouvelles options politiques. Ensuite, la bataille politique actuelle du chef du bloc du Changement et de la Réforme et de son parti le CPL a pour titre une participation effective des chrétiens au pouvoir, voire un partenariat équitable. Bien que le général Michel Aoun ait été accusé à plusieurs reprises par des figures du 14 Mars, et en particulier du courant du Futur, d'être hostile à la communauté sunnite et de vouloir remettre en cause l'accord de Taëf dans le but de réduire son influence au sein du pouvoir, la réalité est tout autre, et il en donne une nouvelle preuve à travers son appui et sa participation à la liste des « Beyrouthins ».
(Lire aussi : Municipales : coup d'envoi dans deux jours)
La décision de participer à cette liste, formée pratiquement par le courant du Futur, a donc été soigneusement réfléchie et elle vise d'abord à permettre au CPL d'être pour la première fois au sein du conseil municipal de Beyrouth si la liste des « Beyrouthins » est élue. Si la liste est élue « telle quelle », selon le slogan lancé par Saad Hariri, le poids du CPL ne sera pas déterminant, loin de là (trois sur 12 chrétiens), mais au moins ce parti aura un pied dans l'engrenage et pourra, le cas échéant, tenter de stopper des décisions qu'il ne jugera pas conformes à ses convictions ou au contraire pousser vers l'adoption de décisions qui vont dans le sens des campagnes politiques et sociales qu'il mène.
Mais le plus important est le fait que, par sa participation à cette liste, même avec une représentation réduite, le CPL adresse un message fort au courant du Futur et à travers lui à la communauté sunnite. D'abord, il est en train de dire au courant du Futur et à tous ceux qui mettent en doute ses véritables intentions qu'il ne cherche pas à remettre en cause l'accord de Taëf et ses dispositions. Il respecte le système tel qu'il est, et tout ce qu'il réclame, c'est un véritable partenariat entre les chrétiens et les musulmans, conformément aux dispositions de l'accord de Taëf. À Beyrouth, il est clair que le nombre des électeurs sunnites est de loin le plus important, par conséquent, le CPL trouve normal que ce soit le courant du Futur qui détermine les parts. D'ailleurs, le conflit de dernière heure au sujet des moukhtars n'était pas tant avec le courant du Futur qu'avec les autres parties chrétiennes. Dans ce contexte, si le CPL réclame que les députés chrétiens soient choisis par les électeurs chrétiens, il ne veut pas non plus que les représentants des sunnites soient choisis par les chrétiens. Enfin, l'ultime message de la participation du CPL à la liste des « Beyrouthins » est de montrer à ceux qui ne cessent d'affirmer qu'il est difficile, voire impossible, de s'entendre avec le général Michel Aoun que ce dernier peut être, quand il le faut, un homme de compromis fiable...
Les élections municipales ont ainsi constitué l'occasion idéale d'adresser ces messages aux différents groupes politiques, tout comme elles ont permis de montrer que le rapprochement entre le CPL et les Forces libanaises peut apporter des solutions à ce qui aurait pu constituer des obstacles insurmontables dans d'autres circonstances et s'avérer même constructif pour l'ensemble des composantes politiques. Affaires à suivre...
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commentaires (7)
Hahaha c'est plus tot le contraire qui vas se passer !!
Bery tus
15 h 35, le 06 mai 2016