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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Jihad en Syrie : les soldats perdus du Kosovo et d’Albanie...

Poussés par la pauvreté, ils seraient plusieurs centaines à avoir rejoint les rangs de l'EI.

À Pristina, une femme observant un raid policier au cours duquel plusieurs imams ont été arrêtés, le 17 septembre 2014. Hazir Reka/Reuters

Ils sont partis en Syrie en octobre 2013 pour revenir après quelques mois à Pristina et Tirana : Albert Berisha et Yassin font partie des centaines de Kosovars et d'Albanais qui ont grossi les rangs jihadistes. Diplômé de sciences politiques, Albert Berisha, 29 ans, a été condamné le 30 avril à trois ans et demi de prison. Avant le verdict, il évoquait son départ comme « une décision émotionnelle », après avoir vu « à la télé et sur les réseaux sociaux ce qui se passait en Syrie ».
Blessé à Alep en mars 2014, Yassin ne donne pas son nom : il travaille dans une boucherie halal d'une banlieue misérable de Tirana avec la crainte que la police ne surgisse dans sa vie précaire. Ce père de trois enfants affirme avoir voulu « aider le peuple syrien » et espère voir son sacrifice reconnu par Allah, même s'il n'est pas mort en martyr.
Selon les autorités, 300 Kosovars et 100 à 120 Albanais sont partis : en proportion de leur population, ces pays majoritairement musulmans sont les plus concernés par le phénomène des combattants européens du groupe État islamique (EI) et d'el-Qaëda. La pratique de l'islam y a toujours été libérale. Mais dans les rues de Pristina, femmes en hijab ou barbus vêtus de pantalons coupés aux chevilles témoignent de la radicalisation d'une partie de la population.

« Démagogues, charlatans, manipulateurs »
Allié des Américains, le Kosovo a interdit en novembre quinze ONG, soupçonnées de recruter. Comme en Albanie, les peines ont été alourdies pour les jihadistes, procès et arrestations se succèdent. « La situation économique, le niveau d'éducation, la manipulation », « un lavage de cerveau sur Internet (...) ont facilité leur recrutement », estime Ilir Kulla, ex-responsable du Comité des cultes albanais.
Selon la Banque mondiale, le salaire moyen est de 330 dollars mensuels (290 euros) au Kosovo, de 370 en Albanie. S'il explique que l'argent n'est pas ce qui motive les départs, un policier albanais relève qu'un combattant kosovar ou albanais de l'EI perçoit 700 dollars mensuels, 2 000 s'il commande un petit groupe.
Annonçant l'introduction de l'enseignement religieux à l'école comme arme contre l'ignorance, le Premier ministre albanais Edi Rama s'en est pris aux « démagogues, charlatans, manipulateurs ». L'un d'eux, Almir Daci, 34 ans, a contribué à transformer Leshnicë, Rëmenj et Zagorçan, trois villages proches de la Macédoine, où mosquées et églises se côtoient, en pourvoyeurs de jihadistes. Imam de la ville voisine de Pogradec, Daci, alias Abou Bakr al-Albani, a été un des recruteurs de l'EI en Albanie, membre d'un réseau responsable de l'envoi de 70 personnes, femmes et enfants compris. Sa mort a été annoncée début avril à ses proches qui reçoivent les condoléances dans la courette d'une maison misérable de Leshnicë. Leur voisine, Hurma Alinji, 59 ans, dont le fils de 28 ans est mort en 2014, ne croit « pas du tout » à ce deuil qui serait observé « seulement parce qu'ils ont peur de la justice ». « J'accuse Daci, il est le seul responsable. C'est lui qui a poussé mon fils Ervis à partir. » Celui-ci travaillait en Grèce. Lors de ses retours au village, il fréquente la mosquée. Et change : lui qui ne s'offusquait pas du raki (eau-de-vie) que prisait son père « refuse de manger la viande » achetée au village, « coupe le bas de ses nouveaux pantalons ». Un soir de février 2013, il évoque ses « frères qui avaient besoin d'aide ». Et part mourir en Syrie, comme environ 70 Albanais et Kosovars.

« Les jours sombres arrivent »
Le flot se serait tari. « Aucun Kosovar n'a rejoint de groupe terroriste ces six derniers mois », affirme le président kosovar Hashim Thaçi, qui en février disait avoir été menacé de mort par l'EI. Depuis 2014, « aucun Albanais n'a quitté le territoire » pour la Syrie, renchérit de son côté la ministre adjointe de l'Intérieur albanaise, Elona Gjebrea. En janvier 2015, après les premiers attentats de Paris, le patron de l'Otan Jens Stoltenberg avait prévenu que ces combattants représentaient « une menace » « pour les pays de la région mais aussi pour tous les pays d'Europe ».
Une vidéo de 2015, L'honneur est dans le jihad, présente les Balkans comme « la nouvelle frontière pour les musulmans, le nouveau bouclier contre l'Europe croisée ». Daci y apparaît. Et un Kosovar adresse un message dénué d'ambiguïté aux dirigeants régionaux : « Par Allah, les jours sombres arrivent vers vous. » Selon les autorités, trente combattants sont rentrés en Albanie, 120 au Kosovo.

Briseida MEMA et Ismet HADJARI/AFP

Ils sont partis en Syrie en octobre 2013 pour revenir après quelques mois à Pristina et Tirana : Albert Berisha et Yassin font partie des centaines de Kosovars et d'Albanais qui ont grossi les rangs jihadistes. Diplômé de sciences politiques, Albert Berisha, 29 ans, a été condamné le 30 avril à trois ans et demi de prison. Avant le verdict, il évoquait son départ comme « une...

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