Alors que le Liban est plongé dans la préparation des élections municipales, le premier scrutin depuis six ans, la situation régionale semble se compliquer. La trêve est plus que fragile en Syrie, alors qu'Alep et ses environs vivent une tourmente sans précédent, et que les discussions politiques au Koweït entre les parties yéménites en conflit progressent très lentement. À travers les élections municipales – qui ont lieu parce que la classe au pouvoir n'a pas réussi à trouver une bonne raison pour les reporter et parce que, quelque part, elle espère à travers ces élections absorber le mouvement de protestation populaire causé par les scandales à répétition –, le Liban est en train de donner au monde une image optimiste, en contradiction totale avec la situation régionale, où la confrontation continue de battre son plein entre l'Iran et ses alliés, d'une part, l'Arabie saoudite et les siens, de l'autre.
Des milieux politiques libanais tiennent toutefois à tempérer cet optimisme et rappellent qu'il ne faut pas donner aux élections municipales plus d'importance qu'elles n'en ont en réalité. Selon ces milieux, il faudrait donc éviter d'y voir l'émergence d'un nouvel équilibre dans les rapports de force politiques ou encore le début d'un processus de déblocage général qui commencerait par les municipalités et se poursuivrait dans l'adoption d'un projet de loi électoral, qui serait suivie d'une élection présidentielle. Les mêmes milieux sont convaincus que les élections municipales se dérouleront à la date prévue (c'est trop tard pour les reporter puisqu'il faudrait une séance parlementaire pour cela ou une décision du Conseil des ministres entérinée par le Parlement), parce que tous les autres scénarios enlèveraient à la classe politique actuelle le peu de crédibilité qui lui reste, mais elles ne devraient rien changer à l'impasse politique actuelle. Elles devraient simplement permettre à détourner l'attention de la population des scandales de corruption et lui donner l'impression qu'elle peut s'exprimer, en sachant qu'au final, les résultats ne changeront pas grand-chose au paysage politique. Même si certaines parties risquent de perdre un peu de leur influence, dans le cadre de ce scrutin, elles auront toujours la possibilité d'affirmer que les élections municipales ont un caractère familial et social et ne sont donc pas un indicateur politique.
Pour toutes ces raisons, ces élections auront donc probablement lieu à la date prévue et occuperont les Libanais pendant tout le mois de mai, dans l'espoir pour la classe politique que d'ici là, la situation régionale sera un peu moins confuse. De toute façon, même si rien ne se passe sur le plan régional, la classe politique pourra aborder l'été en toute tranquillité, le Parlement aura clôturé sa session ordinaire et sera en vacances jusqu'au mois d'octobre, le gouvernement poursuivra ses réunions intermittentes et ce seront les municipalités qui seront en première ligne...
Les élections municipales sont donc essentiellement destinées à détourner l'attention populaire de l'incapacité de la classe politique à trouver des solutions à l'impasse actuelle et à lui donner ainsi un sursis en attendant d'éventuels développements régionaux. Mais sur le plan sécuritaire, les informations sont bien plus alarmantes. Une source de sécurité bien informée révèle ainsi qu'en raison des développements dramatiques en Syrie, l'armée libanaise a augmenté ses opérations préventives contre les combattants de Daech et du Front al-Nosra dans le jurd de Ersal, proche du Qalamoun syrien. L'armée a ainsi accru sa vigilance dans les régions limitrophes et, toujours selon la source précitée, un afflux de déplacés syriens clandestins aurait été constaté au cours des dernières semaines. Parmi ce nouveau flot de déplacés, entrés illégalement au Liban, des combattants d'al-Nosra et de Daech ont pu s'infiltrer, sachant qu'un groupe de ces nouveaux déplacés s'est dirigé directement vers le camp de Aïn el-Héloué. La source précise que ces nouveaux venus pourraient préparer de nouvelles attaques contre l'armée libanaise et que celle-ci a renforcé sa coopération avec les différents services de sécurité et avec les services de renseignements internationaux pour pouvoir surveiller les activités des nouveaux venus.
Les services de sécurité libanais ont d'ailleurs intensifié ces derniers jours leurs contacts avec les responsables des factions palestiniennes à Aïn el-Héloué pour prévenir tout projet d'attaque ou de déstabilisation. De son côté, le Hezbollah a multiplié les réunions de coordination avec certaines parties palestiniennes pour éviter d'éventuelles frictions, notamment à Aïn el-Héloué et ses environs, à un moment particulièrement sensible. Les tensions confessionnelles entre d'un côté l'Iran et ses alliés et de l'autre l'Arabie saoudite et ses alliés ont en effet atteint un nouveau degré avec la dégradation de la situation à Alep et se répercutent dans les déclarations des ténors du courant du Futur au Liban.
De même, pour la première fois depuis longtemps, une manifestation chiite anti-Hezbollah a eu lieu à la place des Martyrs à Beyrouth, lundi. Même s'il n'y avait pas foule, le symbole est en lui-même fort et les manifestants ont demandé au Hezbollah de retirer ses troupes de Syrie. Pris dans la frénésie électorale, les Libanais n'ont pas vraiment accordé de l'importance à cette manifestation, mais elle s'est déroulée à un moment où l'étau international se resserre autour du parti chiite.
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commentaires (4)
Ou bien, l’'hameçon du mensonge ferrant la carpe de la vérité….
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
20 h 52, le 07 mai 2016