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Liban - Municipales

À Tripoli, une liste regroupe Jamaa islamiya, salafistes et chrétiens

Manœuvres, alliances contre nature et revirements de dernière minute gouvernent le jeu électoral dans la capitale du Nord.

L'ancien chef de gouvernement, Nagib Mikati. Photo d'archives/AFP

Le paysage municipal à Tripoli et les principaux enjeux qui s'y posent ne diffèrent pas tant de ce qui se passe dans les autres grandes villes. Le bras de fer attendu entre les forces dites du renouveau incarnées par la société civile et les forces politiques traditionnelles aux alliances contre nature semble de plus en plus dessiner les contours de la bataille à venir. À la différence près que dans la capitale du Nord, où le scrutin doit se dérouler le 29 mai, la composante islamiste, particulièrement prépondérante, vient s'incruster dans ce tableau bigarré qui reste encore à ce jour en cours d'esquisse.

Comme prévu, les partis conventionnels et chefs de file ont décidé, comme un peu partout, de s'allier dans une liste dite de coalition, regroupant des protagonistes de divers horizons, mais aussi les ennemis jurés d'hier. Cependant, jusqu'ici, la tentative de parrainage conjoint d'une liste par les anciens chefs de gouvernement Nagib Mikati et Saad Hariri, et l'ex-ministre Mohammad Safadi n'aurait abouti à aucun résultat. Les trois responsables ne sont même pas encore parvenus à s'entendre sur la tête de liste. Et pour cause : M. Mikati a signifié à ses alliés de circonstance son attachement aux deux noms qu'il a lui-même désignés, explique à L'Orient-Le Jour une source qui suit les tractations en cours. Il s'agit de Abdel Rahman Samine et de Azzam Aouda. Un troisième nom, celui de Omar Hallab, aurait en principe reçu l'aval de Saad Hariri et de Mohammad Safadi. Mais c'est essentiellement sur M. Samine que M. Mikati semble insister.

Selon une source tripolitaine, ces élections sont l'occasion pour l'ancien chef de gouvernement de faire un étalage de force en vue d'opérer un come-back assuré dans l'arène politique, par le biais de la légitimation des urnes.

 

(Lire aussi : Bahige Tabbarah : L'essentiel n'est pas d'établir un programme mais de l'exécuter)

 

Une initiative originale
Quoi qu'il en soit, les négociations semblent avoir échoué à ce jour et la liste dite de coalition pourra ne jamais voir le jour, « si M. Mikati continue d'imposer ses desiderata aux autres », fait remarquer une source informée. Cet état de fait laisse le champ libre pour la constitution d'une liste que pourrait cautionner M. Hariri exclusivement, en concertation avec ses alliés locaux, ce qui n'est pas encore le cas.

Face à cette situation, la Jamaa islamiya, alliée partout ailleurs avec le courant du Futur, a choisi, en principe, de faire cavalier seul ou presque à Tripoli. Dans une initiative d'une originalité certaine, la Jamaa a ouvert les portes aux candidatures d'une pléthore de mouvements islamistes, dont les salafistes quiétistes (non jihadistes) de Tripoli.

Ces derniers, qui n'ont jamais réussi à ce jour à faire front commun pour s'engager dans une bataille électorale dont ils n'ont pas non plus les moyens logistiques, ont finalement décidé de s'en remettre à la Jamaa, bien rodée au jeu des urnes et à leur organisation.

C'est ce que confirme à L'Orient-Le Jour l'ancien député et membre du bureau politique de la Jamaa islamiya, Assaad Harmouche, qui explique les motifs derrière la création d'une liste de ce type. M. Harmouche justifie cette option en évoquant « la faillite du système des quotes-parts réparties entre les courants politiques au pouvoir et le besoin conséquent d'une force de substitution capable de se concentrer sur le développement local notamment ».

La liste « islamiste » regrouperait inéluctablement des chrétiens, assure encore M. Harmouche qui reconnaît toutefois la difficulté, « pour le moment », d'inclure des candidats alaouites (2 traditionnellement sur un total de 24).
« Si le rapprochement entre sunnites et alaouites s'est fait lentement et sûrement au niveau de la vie quotidienne, sa traduction dans le jeu politique bute encore contre des obstacles psychologiques, qui, a-t-il dit, pourraient toutefois être levés avec le temps. »

L'inclusion de candidats chrétiens (trois traditionnellement) – dont certains espèrent qu'ils ne serviront pas uniquement de paravent – a également été confirmée par un prédicateur salafiste de la ville. Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, ce dernier a confirmé la volonté de « réintégration » de la composante salafiste dans la vie de la ville, l'exclusion et le rejet étant, selon lui, synonyme de radicalité.

Pour les plus sceptiques, le jeu auquel se livre la Jamaa est à mettre sur le compte de la « surenchère », cette dernière pouvant à n'importe quel moment lâcher sa liste islamiste pour aller rejoindre celle de la coalition, en négociant au prix fort le nombre de ses candidats.

 

(Lire aussi : Contre le « lièvre haririen », la « tortue Beyrouth Madinati »)

 

« Redonner vie à une municipalité qui a fait faillite »
Face à ces deux dynamiques, celle dite de la société civile reste aux contours encore imprécis. Selon des informations qui circulent à Tripoli, l'ancien député Misbah Ahdab serait en voie de concocter une liste avec des forces actives de la vie tripolitaine, des experts principalement. Le programme qu'il aurait fixé : la création d'emplois dans une ville qui compte, dans certains quartiers, une pauvreté qui tranche à outrance avec la richesse de ses notables.

Les candidats compteraient réaliser cet objectif par le biais notamment d'une redynamisation de certains secteurs-clés de la ville (la Foire Rachid Karamé, le port, etc.). Bref, il s'agit de « redonner vie à une municipalité qui a fait faillite ».

La société civile est également sollicitée par l'ancien ministre Achraf Rifi, une autre figure emblématique de la ville, qui a annoncé hier sa volonté de parrainer lui aussi une liste. « Nous sommes déterminés à nous engager dans la bataille des municipales et celles à venir aux côtés de la société civile », a déclaré hier M. Rifi dans un entretien à la presse, arguant de « la nécessité du changement ».

L'ancien ministre, qui jouit d'une grande notoriété dans certains secteurs de la ville, a annoncé « un mariage entre les experts issus de la société civile et les figures emblématiques de certains quartiers populaires qui ont soif de développement ». Il reste à voir « comment l'ancien ministre, qui a fini par se désolidariser – pour le moment du moins – de son parrain politique, le courant du Futur, pourra mener une bataille sans moyens logistiques, n'ayant aucune machine électorale, ni expérience préalable à sa disposition », soutient une source tripolitaine informée. Mais les jeux ne sont pas encore faits, et beaucoup de surprises pourraient survenir d'ici à la date du scrutin, le 29 mai prochain.

 

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