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Nos Lecteurs ont la Parole - Ghada JABAK

L’usine

Portrait numéro 8.
C'était une sorcière des temps modernes. Son profil la prédisposait non seulement à devenir sorcière, mais aussi à faire une bonne carrière de geôlier, dans un trou, loin des regards des curieux. Comme par hasard, elle était tombée sur une usine. Une usine pour enfants ferait l'affaire, elle en était la chef. Elle pourrait ainsi camoufler sa réalité hideuse. Elle était caméléon. Qui allait douter de ses décisions ? Qui allait lui tenir tête ? Les parents ne poseraient pas problème. Ne lui avaient-ils pas confié leurs enfants ? Et les petits, qui écouterait ces petits insectes ? C'était toujours de leur faute ! Ils devaient exécuter ses ordres en silence. Toute protestation était réprimée avec violence pour faire l'exemple.
Elle savait tout, n'avait jamais tort et se gonflait d'orgueil, de fierté quand elle écrasait un jeune travailleur. Un vrai portrait de marâtre, fidèle à ses principes. Maudite par tant de fraîcheur qui grouillait autour d'elle et aveuglée par ses préjugés, elle étranglait avec ses mains la vie qui s'éteignait petit à petit. Menacée par des adolescents qu'elle détestait, elle s'acharnait pour un oui ou pour un non pour rétablir son ordre. Se réjouir des malheurs des autres lui portait satisfaction. Et l'arbitraire de son autorité fouettait ces âmes pures qui saignaient en silence. Puissante, elle les maltraitait, ce qui lui procurait du plaisir. Elle empestait l'air qu'elles respiraient, ce qui la rendait heureuse. Elle se plaisait dans la douleur qu'elle leur infligeait, ce qui la faisait dormir la nuit.
Cruelle et sans pitié, elle les harcelait et les défigurait avec ses paroles, son arme préférée, d'apparence inoffensive, mais qui les lacérait et ne gardait de traces que sur leurs âmes, traces invisibles mais permanentes. Elle avait recours aussi aux mensonges, aux rumeurs, aux clichés, à son jugement, pareil au jugement dernier, pour discréditer ses victimes. S'ils la contredisaient, elle vociférait, sa fureur éclatait brisant les vitres, ses yeux lançaient des flammes, et de sa gueule jaillissait un vent glacial, qui pétrifiait la salle. Un vrai portrait de vipère. Elle excellait dans son travail de bourreau, Mme de Gourdin. Elle déformait ces âmes innocentes à qui elle ingurgitait la rancune. Dans son usine, elle les torturait à petit feu, les transformant en crapauds qui finissaient par se haïr.
Pauvres petits, inoffensifs et innocents, proies des griffes d'un monstre au cœur de pierre et au regard de méduse !
Pas d'échappatoire. Pas de refuge. Pas d'issue. Condamnés à souffrir en silence. Il fallait endurer jusqu'à la fin et puis quitter l'usine les larmes aux yeux, usés, brisés et meurtris, quitter en compagnie de souvenirs horribles, quitter la mort dans l'âme. Elle les regardait s'en aller, souriante, et se préparait pour accueillir d'autres moutons.
« Le loup l'emporte, et puis le mange, sans autre forme de procès. »
#Pensées_matinales

Ghada JABAK

Portrait numéro 8.C'était une sorcière des temps modernes. Son profil la prédisposait non seulement à devenir sorcière, mais aussi à faire une bonne carrière de geôlier, dans un trou, loin des regards des curieux. Comme par hasard, elle était tombée sur une usine. Une usine pour enfants ferait l'affaire, elle en était la chef. Elle pourrait ainsi camoufler sa réalité hideuse. Elle...

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