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Culture - Littérature

Tempo mordant pour situation de crise

Curieux, le plaisir de lire du théâtre comme un roman... Avec certains auteurs, ce n'est pas à exclure, tant le chassé-croisé des répliques est prenant. Et on s'y laisse prendre. Avec Yasmina Reza, l'illustration est plus qu'éloquente. Notamment avec son dernier opus, « Bella Figura » (Flammarion), donné en mai dernier à Berlin.

Yasmina Reza, une « Bella Figura » des lettres et du théâtre français contemporain.

Plus de vingt-deux ouvrages précèdent son nom. Du roman à l'essai, en passant surtout par le théâtre, sa pierre angulaire, Yasmina Reza, couronnée déjà de plusieurs prix (Laurence Olivier Award en Angleterre et Tony Award aux États-Unis, pour ne citer que ceux-là), fait recette et beaucoup de remous à chacune de ses publications.
Née à Paris, elle peut se targuer, à 57 ans, d'être l'une des dramaturges les plus courues des scènes internationales. Après le fulgurant succès en 1994 d'Art (grinçante explication et engouement pour un tableau abstrait, objet et source de dissensions), l'une de ses premières créations scéniques, gratifiée de deux Molières. Presse et public y ont trouvé une voix, une manière subtile, à la fois grave et légère de dire les choses avec causticité, humour et cinglante modernité.

Dès lors, il semble parfaitement justifié que ses écrits aient suivi la courbe d'une traduction en plus de 35 langues. Même le cinéma courtise Yasmina Reza après que Roman Polanski eut porté sur grand écran sa pièce Le Dieu du carnage avec Jodie Foster et Kate Winslet ! Même si le film n'a pas convaincu ou emballé totalement le grand public. Un opus qui a même été porté sur scène en arabe à Beyrouth dans une version « copié-collé » du film, avec d'inexplicables (et déplorables !) fous rires des acteurs au plus haut du climax et des tensions !
Dans le même registre de personnages au bord de la crise de nerfs et en situation explosive, l'auteure de Conversations après un enterrement reprend le fil de ses narrations drôles et cruelles. À travers un réseau acidulé d'un dialogue toujours vif, éruptif, percutant et d'une méchanceté affûtée, taillée en biseau, avec des fléchettes aux mots vitriolés.

Andrea, Boris, Françoise, Éric et Yvonne...
Pour Bella Figura, cinq personnages en quête non d'auteur, mais de vérité et de transparence. Au quotidien. Vérité de couple et de rapports sociaux et familiaux. Dans le parking d'un restaurant, Andrea, Boris, Françoise, Éric et Yvonne, deux couples et une belle-mère ! Non pour une simple collation ou une pause café, mais un combat pour jeter les masques à bas et vomir ce qui reste sur l'estomac et en travers de la gorge...
Comme d'habitude, petites phrases soi-disant anodines ou banales pour une musique qu'on voudrait douce, pour un visage lénifiant, civilisé. Mais en fait non, le sous-bois du langage jette des ombres glauques, menaçantes, destructrices. Très vite le ton monte, les griffes se plantent dans la peau, les aigreurs et griefs résonnent aux oreilles, le verbe est incendiaire.

Mise à nu des bonheurs fragiles
Et les rencontres qu'on croit heureuses deviennent catastrophes. Les hasards ici sont source d'éclatement, de colère, de transgression, de dévoilement, de révélation, d'aveu par inadvertance ou lapsus...
Un restaurant indiqué par la maîtresse du partenaire d'une femme qui se croyait exclusive dans sa relation. Et voilà que les mots, adroitement tirés du nez des personnages par l'auteure, deviennent roulement de tambour, cris, coup de couteau au cœur, perfidie pour un quotidien qu'on croyait tendre, lisse et sans histoire.
Contre toute attente, ou comme un jeu dangereux en latence, les histoires affleurent pour mettre à nu les bonheurs fragiles. Des bonheurs de châteaux de cartes qui crament et se dégonflent comme un gâteau à la sortie du four...

En cette auteure qui fait feu de tout bois, il y a certainement du La Bruyère... Car Yasmina Reza, non contente de ramener l'être humain à sa triste condition animale, sans jamais être trash ou vulgaire, dénonce, sans jugement de valeur ou de morale, les défauts et les ridicules. Sans préciosité aucune, en un paquet de mots vachards, hystériques, libératoires, noyés de Xanax et de Librium...
Ces petits mondes qui s'écroulent sont un bijou de fantaisie et de variations littéraires sur les travers et les mesquineries d'une humanité embourbée dans ses dogmes et principes de civilisation. De l'amour à l'amitié, en passant par la vieillesse, tout le monde reçoit une bonne taloche mais aussi un bol de lucidité.
Le théâtre est un miroir formidable pour mieux se voir. Même en traits grossis ou défigurés. Pas moyen de faire bonne figure sous cette plume et ce regard impitoyables et sans concession.

Plus de vingt-deux ouvrages précèdent son nom. Du roman à l'essai, en passant surtout par le théâtre, sa pierre angulaire, Yasmina Reza, couronnée déjà de plusieurs prix (Laurence Olivier Award en Angleterre et Tony Award aux États-Unis, pour ne citer que ceux-là), fait recette et beaucoup de remous à chacune de ses publications.Née à Paris, elle peut se targuer, à 57 ans, d'être...

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