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Moyen Orient et Monde - Entretien express

Seule une contre-révolution sunnite pourra vaincre l’EI

Après des mois d'enquête sur le terrain, Scott Atran, anthropologue franco-américain et spécialiste du terrorisme, publie en France « L'État islamique est une révolution », aux éditions Les liens qui libèrent.

Des membres de l’EI paradant dans les rues de Raqqa, en Syrie, le 30 juin 2014. Photo Reuters

Michel MOUTOT/AFP

Pourquoi l'EI s'est-il emparé si facilement des territoires qu'il contrôle, en Irak et en Syrie ?
En Irak, tous les membres des tribus arabes sunnites avec lesquels j'ai parlé m'ont dit qu'au début, tous suivaient l'État islamique (EI) parce qu'ils l'ont au départ considéré comme un rempart contre les chiites qui ont pris Bagdad. Ce n'est plus le cas, mais maintenant nous devons travailler avec ceux qui sont contre. Il y en a, et de plus en plus. Au début, tout s'est bien passé, mais au bout de deux semaines des gens ont commencé à disparaître, tous ceux qui avaient une relation avec la police, l'armée. Les gars de l'EI les enlevaient et les tuaient. Du coup, de nombreux chefs de tribu se retournent contre eux, afin de retrouver leur pouvoir. Mais cela veut dire que nous devrons nous allier avec certains groupes islamistes, opposés à l'EI, parce qu'ils disposent d'un vrai soutien populaire.

L'armée irakienne et les milices qui lui sont alliées peuvent-elles reprendre Mossoul ?
Ça va être très compliqué. On dit qu'ils ont repris Ramadi, mais ce n'est pas vraiment exact. L'armée américaine a rasé Ramadi, il ne reste plus un seul bâtiment debout. On ne peut pas faire ça à Mossoul. C'est la deuxième ville d'Irak. Ça provoquerait des réactions pendant des générations. Le problème est que si vous envoyez des milices chiites, cela va être pire. Et il y a également des conflits au sein des sunnites entre les milices tribales, qui sont de la région, et les officiers sunnites de l'armée irakienne. Ils ne s'entendent pas. Et pour compliquer encore les choses, certaines tribus sont partagées entre partisans de l'EI et de Bagdad. Le problème, c'est qui va gérer cette vaste région après, même si Mossoul est reprise ? Il y a environ 8 000 soldats de l'EI pour défendre la ville. Les États-Unis planifient douze brigades, c'est à peu près 50 000 soldats. Eh bien je ne pense pas que ce sera assez ! Il faut une vraie contre-révolution sunnite, contre l'EI. C'est la seule chose qui pourrait marcher. Il faut faire une alliance avec les groupes islamistes anti-EI, mais les Américains ne sont pas pour l'instant prêts à le faire.

Et les forces kurdes ?
Les Kurdes sont de redoutables combattants. Leur détermination à se battre égale ou surpasse celle des combattants de l'EI ou d'al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda). Mais ils ne voudront jamais s'aventurer au-delà des limites de ce qu'ils considèrent être leur patrie. Conquérir des territoires contrôlés par l'EI ne les intéresse pas. Ils luttent pour le Kurdistan, montrent tel village ou tel village sur la carte et disent : « Pas un mètre de plus. Là, c'est chez les Arabes... »

Michel MOUTOT/AFP
Pourquoi l'EI s'est-il emparé si facilement des territoires qu'il contrôle, en Irak et en Syrie ?En Irak, tous les membres des tribus arabes sunnites avec lesquels j'ai parlé m'ont dit qu'au début, tous suivaient l'État islamique (EI) parce qu'ils l'ont au départ considéré comme un rempart contre les chiites qui ont pris Bagdad. Ce n'est plus le cas, mais maintenant...

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