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Moyen Orient et Monde

Le prochain président de la France

« Alain Juppé est plus habile dans l’art d’exercer le pouvoir que de l’obtenir », selon Dominique Moisi. Georges Gobet/AFP

Dans un peu plus d'un an, les Français vont élire leur nouveau président. Il est bien évidemment beaucoup trop tôt pour faire des pronostics. Si « beaucoup de choses peuvent arriver en une semaine en politique », comme l'ancien Premier ministre britannique Harold Wilson est censé l'avoir dit, un an semble une éternité. Et pourtant, compte tenu de l'enjeu du résultat pour la France et pour l'Europe, il faut tenter de faire une première évaluation.
Si l'on en croit les sondages d'opinion, le prochain président de la France ne sera pas François Hollande ni Nicolas Sarkozy, les deux derniers titulaires de cette charge. Hollande est le titulaire sortant, mais ses résultats ont été décevants sur presque tous les fronts, surtout celui de la lutte contre le chômage. Les chances de Sarkozy sont mises à mal par son caractère peu recommandable.
Le président français sous la Ve République est, en termes britanniques, à la fois monarque et Premier ministre. Il détient le pouvoir symbolique ainsi que le pouvoir réel. Sarkozy a échoué, par-dessus tout, à incarner la République dans la dignité ; Hollande a échoué aussi bien dans les domaines de l'incarnation que de l'action. Pour le dire crûment, un homme qui était tout simplement « trop » a été remplacé par un homme tout simplement « pas assez ». À la suite de ce tandem, un cruel besoin de réformes structurelles n'a pas été mis en œuvre ou n'a été mis en place qu'avec trop de retard.
L'impact sur l'Europe n'a pas été moins décevant. Depuis la fin du mandat de Mitterrand en 1995, aucun président français n'a été à la hauteur d'un chancelier allemand. Le déséquilibre qui en résulte (pas assez de France et donc trop d'Allemagne) a été l'un des principaux problèmes politiques de l'Union européenne. Il est difficile de ne pas attribuer la divergence dans les succès des deux pays au leadership dont ils ont bénéficié. En Allemagne, le réformateur Gerhard Schröder a été remplacé par la courageuse Angela Merkel. En France en revanche, le leadership globalement passif de Chirac a été suivi par un mandat unique et énergique, mais finalement décevant de Sarkozy, puis par le leadership hésitant et terne de Hollande.
La majorité des électeurs français croient que l'élection de l'an prochain sera leur dernière chance de reprendre le contrôle de la destinée de leur pays, de ranimer son influence en Europe et de fixer son nouveau cap. Le désaccord, comme aux États-Unis, porte sur la forme que doit prendre ce changement. Une division incroyable est apparue entre réformistes et radicaux, entre ceux qui veulent effectuer des changements profonds au sein du système et ceux, à la fois à l'extrême droite et à l'extrême gauche, qui veulent changer le système de l'extérieur.
Le climat politique est dominé par deux évolutions majeures. D'une part, le Parti socialiste de Hollande semble au bord de l'anéantissement politique, tout comme le Parti républicain aux États-Unis. D'autre part, l'extrême droite du Front national et son leader, Marine Le Pen, connaissent une hausse constante : les sondages lui accordent un tiers du soutien populaire, le plus élevé dans le pays, ce qui rend très probable la présence de Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.
Heureusement, il semble y avoir une limite au niveau de soutien au Front national. Quel que soit le poids électoral de Le Pen en France ou de Donald Trump aux États-Unis, ils vont presque sûrement échouer dans la poursuite de leurs objectifs pour parvenir aux plus hautes fonctions de leurs pays. Le populisme est certainement en hausse et les élites sont sûrement très impopulaires. Mais à moins que quelque chose de terrible n'arrive (comme une série d'attaques terroristes spectaculaires), la santé mentale aura la préséance sur les deux rives de l'Atlantique.
Alors à quoi ressemble la santé mentale dans la France d'aujourd'hui ? Mis à part Le Pen, les deux figures les plus populaires à droite et à gauche sont, respectivement, le plus ancien et le plus jeune des candidats potentiels : Alain Juppé, ancien Premier ministre sous Chirac, et Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique sous Hollande.
La cote de Juppé dans les sondages d'opinion est restée remarquablement stable et celle de Macron est étonnamment haute. Il est facile de conclure qu'une grande majorité des électeurs Français serait favorable à une tête d'affiche qui les mentionnerait tous les deux : l'homme sage et expérimenté ayant le sérieux nécessaire dans la fonction de président, son collègue plus jeune dans celle de Premier ministre. En effet, ce duo constituerait une formidable équipe intergénérationnelle et interpartis, qui pourrait enfin être en mesure de mettre en œuvre les réformes indispensables.
Certes une grande coalition dans le style allemand ne correspond pas à la manière dont la politique est généralement pratiquée en France, habituée à un clivage rigide entre la gauche et la droite. En outre, les deux hommes ont rejeté l'idée d'unir leurs forces. Mais en politique, tout est possible.
La jeunesse de Macron est son point faible, et il lui manque le soutien de l'appareil d'un parti. La popularité n'est pas la même chose qu'un réel soutien politique, surtout si votre ambition est de donner un coup de pied dans la fourmilière. Juppé a un passif très différent. Il est plus habile dans l'art d'exercer le pouvoir que de l'obtenir. Sa timidité naturelle lui donne un air distant, un peu à la manière de l'impression laissée par Hillary Clinton aux États-Unis. Mais il dispose également d'un avantage unique. Compte tenu de son âge (il aura 72 ans l'an prochain), il n'entend se présenter que pour un seul mandat et n'a pas à se soucier de sa réélection. La France a peut-être déjà trouvé son prochain président.

© Project Syndicate, 2016.

Dominique Moisi est professeur à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), conseiller principal à l'Institut français pour les affaires internationales (IFRI) et professeur invité au King's College à Londres.

Dans un peu plus d'un an, les Français vont élire leur nouveau président. Il est bien évidemment beaucoup trop tôt pour faire des pronostics. Si « beaucoup de choses peuvent arriver en une semaine en politique », comme l'ancien Premier ministre britannique Harold Wilson est censé l'avoir dit, un an semble une éternité. Et pourtant, compte tenu de l'enjeu du résultat pour la France et...

commentaires (3)

Tout comme la carpette hylarie le vieux cheval de retour qu'est juppé et qui doit son come back d'une intervention lobiyiste à son avantage, aura en un an bcp à rembourser. La France comme les us ne peuvent connaître de politique étrangère indépendante.

FRIK-A-FRAK

11 h 39, le 29 avril 2016

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Commentaires (3)

  • Tout comme la carpette hylarie le vieux cheval de retour qu'est juppé et qui doit son come back d'une intervention lobiyiste à son avantage, aura en un an bcp à rembourser. La France comme les us ne peuvent connaître de politique étrangère indépendante.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 39, le 29 avril 2016

  • A COUP SUR... CE NE SERA PAS MOI !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 55, le 29 avril 2016

  • oui il a de forte chance !!

    Bery tus

    03 h 19, le 29 avril 2016

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