Un lourd silence pèse sur Maameltein, qui donne l'impression d'être une ville fantôme, depuis que l'affaire du réseau de prostitution qui y a été démantelé il y a près d'un mois a éclaté au grand jour. La matinée tire à sa fin et l'activité est quasi inexistante. Les rues sont désertes et les passants se font rares. Ici, un jeune homme à l'allure frêle lave à grande eau la route devant le négoce où il travaille. Un peu plus loin, deux hommes assis à l'ombre d'un arbre tirent sur leurs cigarettes, égrenant les minutes.
Rendue célèbre depuis cette sinistre affaire de trafic humain dont ont été victimes quelque soixante-quinze femmes de nationalité syrienne, la maison close Chez Maurice est pourtant difficile à repérer. Aucune enseigne ne désigne l'endroit. Située dans une montée à quelques mètres de la route principale de Maameltein, elle passe inaperçue, dissimulée à moitié derrière deux pins. Plusieurs tours en voiture ont été nécessaires avant de la localiser, grâce à un jeune homme qui passait dans la rue.
À première vue, rien à l'allure de cette vieille bâtisse délabrée ne laisse penser à une maison close. Une vigne couvre la terrasse du bâtiment vide depuis que plusieurs membres du réseau ont été arrêtés et que la maison a été mise sous scellés, ainsi que de nombreux autres cabarets dans la région. Il faut fixer l'édifice un peu plus longtemps pour remarquer les barreaux qui en recouvrent tous les espaces ouverts, à savoir les balcons et les fenêtres, transformant l'immeuble en une prison.
« Ce qui a été raconté dans les médias est exagéré », lance le jeune passant, qui s'est fait appeler Samer. D'abord méfiant, il n'a pas tardé à se confier. « J'étais un habitué de Chez Maurice », dit-il, au bout de quelques secondes, expliquant qu'il effectuait une visite de reconnaissance, « question de voir à quoi ressemblent désormais les lieux ». « Il est vrai que cet endroit ne ressemblait pas aux autres, ajoute-t-il. En effet, les gardiens sonnaient à la porte à chaque fois qu'un client arrivait pour alerter les responsables, alors que dans les autres cabarets, on entrait librement. Ici, les filles n'avaient pas de téléphones portables, contrairement aux autres dans des endroits différents. Les filles de Chez Maurice ne sortaient pas non plus, ce qui n'était pas le cas des autres, ailleurs. Également ici, des gardiennes étaient postées devant les portes des chambres. »
Samer assure que les filles qui « travaillaient à Chez Maurice n'avaient pas l'air d'être dérangées par ce qu'elles faisaient ». « Elles n'avaient pas non plus l'air d'être battues, à moins qu'elles ne se soient habituées à la maltraitance, poursuit-il. Parfois même, elles se disputaient entre elles pour avoir le client. »
Selon les informations rapportées par les forces de l'ordre après le démantèlement du réseau, les victimes avaient subi, Chez Maurice, des violences et maltraitances. A l'AFP, une ancienne prostituée qui avait réussi à fuir quatre mois avant l'opération contre le réseau, avait déclaré que le gérant de l'établissement frappait et fouettait les femmes qui avaient refusé certaines pratiques sexuelles. Par ailleurs, 200 avortements forcés ont été pratiqués sur ces femmes.
(Lire aussi : Trafic sexuel au Liban : une Syrienne raconte l'enfer)
Primes selon le nombre des clients
Samer fréquentait l'endroit à raison d'une fois par mois. « Je suis célibataire, pourquoi ne le ferai-je pas ? », dit-il, sans aucun signe de remords ou même de honte. « Pas une femme n'exerce ce métier malgré elle, affirme-t-il. Peut-être qu'elle a été obligée à le faire au départ, mais elle y prend goût après. À l'étranger, la prostitution est une chose naturelle. Ce n'est pas du trafic humain ! »
Samer, qui se dit être « un client gentil », raconte que les femmes « se confiaient à lui ». Ainsi, il rapporte qu'elles « touchaient en moyenne 750 dollars par mois », mais qu'elles avaient « des primes selon le nombre des clients rapportés ». « La passe de trente minutes coûtait 50 000 LL », précise-t-il. Quant au profil des femmes, Samer souligne qu'elles « étaient dans leur majorité divorcées avec des enfants », que « certaines ont été poussées vers ce métier par leur ex », que l'une d'entre elles lui avait raconté « que son mari l'avait obligée à coucher avec son beau-frère... » Et de reprendre, comme pour justifier sa fréquentation des cabarets : « Les femmes qui se prostituent sont conscientes de ce qu'elles font. Après tout, les deux parties sont consentantes. »
Le silence...
À quelques mètres de Chez Maurice, un vieil homme, cigarette coincée au coin de la bouche, se prépare à faire un petit somme dans son tacot, garé dans une rue en face du bâtiment. « Nous entendions des cris de temps à autre, dit-il d'un ton léger. Mais c'est une chose habituelle ici. Après tout, Maameltein n'est pas le Vatican. »
Que sait-il de l'affaire Chez Maurice ? « Je passais souvent par la région, j'ai grandi à Maameltein, répond-il. La maison était gardée par cinq ou six samouraïs (en référence à la carrure des hommes). Ils étaient tous Syriens. Ils étaient impolis et se bagarraient souvent avec les passants. Les Libanais ne pouvaient pas circuler librement et en sécurité à partir de 20h, heure à laquelle la scène est occupée par des Kurdes et des Syriens qui ne laissaient passer aucune occasion pour agresser les gens. »
Qu'est-ce qui a changé depuis la fermeture des cabarets ? « La région est devenue morte, mais mieux vaut qu'elle meure qu'elle ne vive de la prostitution. Nous souhaitons que ce qui reste des cabarets soit également mis sous scellés pour que Maameltein redevienne le joli village que j'avais connu enfant. »
À part ces deux témoignages, il était difficile hier de recueillir des informations sur la situation à Maameltein avant et après l'épisode Chez Maurice. Une certaine crainte et une méfiance à l'égard des étrangers se lisait dans les yeux des personnes abordées. Comme si le mot d'ordre était le silence...
Pour mémoire
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commentaires (7)
CHACUNE ET CHACUN EST LIBRE DE VENDRE ELLE-MEME OU LUI-MEME LES SERVICES DE SON CORPS... TAXES A PAYER BIEN SUR... COMMENT ? C,EST L,AFFAIRE DE L,ETAT... CA S,APPELLE DU COMMERCE SEXUEL !!! MAIS QUAND CA DEVIENT DE L,EXPLOITATION FORCEE ET ILLEGALE DE PAR LA LOI PAR LES MAFIEUX LOCAUX ET INTERNATIONAUX DES CRIMES ORGANISES DU CORPS DES AUTRES CA S,APPELLE EXPLOITATION SEXUELLE OU BORDEL TOUT COURT !!!
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 24, le 27 avril 2016