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Économie - Interview

Wissam Fattouh : Pour le Trésor américain, le Hezbollah est le groupe terroriste numéro un

De retour de New York, où il a assisté au forum bancaire arabo-américain qui s'est tenu lundi dernier, le secrétaire général de l'Union des banques arabes (UBA) revient sur ses discussions avec des officiels américains au sujet des sanctions contre le Hezbollah et leurs implications.

Le secrétaire général de l’Union des banques arabes, Wissam Fattouh. Photo D.R.

Parallèlement à votre visite, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (Ofac) du département du Trésor américain a publié, le 15 avril, les premières modalités d'application de la loi visant à sanctionner les banques coopérant avec le Hezbollah et élargi la liste des personnes visées par ces sanctions. Quelles sont les répercussions concrètes pour le secteur bancaire de ces mesures par rapport à la loi de décembre dernier ?
Le Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015, entériné à l'unanimité le 18 décembre 2015 par le Congrès, stipule que 4 mois après son adoption, le président des États-Unis doit promulguer les règlementations nécessaires à sa mise en œuvre. C'est pourquoi l'Ofac, qui veille, lui, à l'application de la loi, a émis le 15 avril ses premières modalités d'application, incluant une liste de 99 noms de personnes physiques ou morales faisant l'objet de sanctions. Les banques doivent donc fermer les comptes liés à ces noms et refuser l'ouverture de comptes par les personnes physiques ou morales dont les noms ont été cités sur la nouvelle liste. Le but est d'isoler totalement le Hezbollah, qu'ils considèrent comme une organisation terroriste (depuis 1995, NDLR), ainsi que tous ses membres et institutions affiliés. À leurs yeux, le Hezbollah est le groupe terroriste numéro un car ils considèrent qu'il a des connexions financières partout dans le monde...

Au Liban, où le Hezbollah est un acteur majeur de la vie politique, l'impact de cette liste va être colossal, surtout sur le plan social. Même si le Hezbollah en tant que tel n'a pas de compte bancaire, la loi de décembre vise aussi ses membres. Or, certains membres du Hezbollah sont présents au gouvernement, au Parlement ou dans la fonction publique, et sont rémunérés à ce titre. C'est donc un problème compliqué, difficile à démêler...
Pour autant, il est certain que les banques libanaises n'ont pas d'autre choix que de se mettre en conformité avec cette loi. Dans le cas contraire, elles seront totalement exclues du circuit financier international dans la mesure où aucune banque américaine n'acceptera de traiter avec elles. L'exemple de la Lebanese Canadian Bank (LCB) en 2011 est frappant à cet égard : l'Ofac avait signalé que la banque abritait des opérations de blanchiment et avait demandé aux banques américaines de ne plus traiter avec elle. À partir de ce moment, la LCB a fait faillite dans les 24 heures...


(Lire aussi : La nouvelle liste de Washington, ou la guerre psychologique contre Nasrallah)

 

Les salaires des fonctionnaires affiliés au Hezbollah sont payés en livres libanaises, et de nombreux observateurs libanais se sont demandé si seules les transactions en dollars étaient visées par la loi. Qu'en est-il ?
Le sous-secrétaire américain au Trésor, Daniel Glaser, que nous avons rencontré avec d'autres officiels américains lors du forum, a été très clair lors de son discours : il ne faut pas soutenir les membres du Hezbollah et stopper toutes les opérations financières liées à cette entité, et ce quelles que soient les devises utilisées. Ils sont très stricts avec les banques libanaises, disant qu'il faut appliquer la loi en détail et ne pas jouer sur la question des devises en prétendant que les livres libanaises, les euros, le yen ou les livres turques ne sont pas réglementés... Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de cette nouvelle information, mais c'est un gros problème qu'il faut résoudre. En ce qui concerne en particulier la question des salaires des fonctionnaires affiliés au Hezbollah, c'est à la Banque centrale (BDL) de résoudre cette question. On ne peut donc qu'attendre et voir ce qu'il adviendra...

Les représentants du secteur bancaire libanais ont-ils soulevé d'autres points ou demandes de clarification sur l'application de la loi ?
Nous avons premièrement discuté de la question de l'exclusion financière. Car, du fait de ces nouvelles sanctions, nous devons retirer des personnes du système bancaire, ce qui encouragerait de facto les mouvements financiers transfrontaliers en espèces, qui sont bien plus difficiles à tracer. Le Trésor nous a répondu : « Peu importe, il faut juste appliquer la loi et fermer les comptes... »
Les banques ont également demandé des précisions sur le sens précis du mot sciemment (knowingly) et ses implications. La loi vise en effet les institutions qui facilitent « sciemment » des transactions avec le parti ou des membres visés par les listes. Car les banques ne veulent pas faire un travail de police et veulent donc savoir qui est effectivement visé. C'est le but de cette nouvelle liste, qui devrait être mise à jour régulièrement.
Les banques sont néanmoins tenues de faire également du due diligence et de fermer les comptes qu'elles suspectent d'abriter des transactions avec le Hezbollah, même si la personne n'est pas mentionnée sur la liste noire.
L'UBA prépare une nouvelle réunion avec M. Glaser qui va se rendre au Liban très bientôt afin de continuer les discussions à ce sujet. Ce dernier avait toutefois tenu à féliciter la mise en conformité du système bancaire libanais avec les règles internationales de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et notamment les nombreuses circulaires émises par la BDL à ce sujet.

Vous semble-t-il encore possible de négocier certains points pour tenter d'assouplir la position américaine?
Cette fois, il ne s'agit pas seulement de sanctions émises directement par le Trésor, mais aussi d'une loi votée par le Congrès américain. La dimension politique est bien plus importante. Le gouvernement libanais, et notamment le ministère des Affaires étrangères, aurait donc dû, bien avant cette loi, tenter de discuter ou négocier sur le plan politique avec les États-Unis.
Maintenant, il est trop tard...

 

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commentaires (4)

Sakkourrr, hahaha

FRIK-A-FRAK

11 h 58, le 23 avril 2016

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Commentaires (4)

  • Sakkourrr, hahaha

    FRIK-A-FRAK

    11 h 58, le 23 avril 2016

  • toujours droles les americains ! les mesures prises contre le Hezbollah , (parti au pouvoir ) etc...SOIT, le Liban s'en sortira qs meme des complications inherentes . Mais quid des amis memes du hezbollah la syrie Assadiste? pas des terroristes ceux la ? n'en deplaise au Hezbollah ! les qqs mesures TRES timides prises a l'encontre de qqs syriens ?C'est de la blague n'est ce pas !

    Gaby SIOUFI

    09 h 35, le 23 avril 2016

  • Pauvre Liban , nous passerons tous à la casserole....parce que le Hezbollah est au gouvernement, puis parce que Al Manar n'est pas fermé, ... Que toutes les résolutions anciennes de l'ONU soient appliquées en séquence et les problèmes deviendront plus faciles à résoudre.

    Sam

    09 h 09, le 23 avril 2016

  • Mise en place d'une traque intense des banques et des institutions financières ayant des liens avec le Hezbollah ; assortie d’amendes dissuasives aux contrevenants . Interdiction faite aux opérateurs satellitaires de diffuser sa chaîne al-Manar, classement du Hezbollah en tant qu’organisation de Narcotrafic et organisation Criminelle Transnationale en vertu du "Foreign Narcotics Kingpin Designation Act". Ces mesures coercitives entérinés et votés seront lourdes de conséquence pour le Hezb. Aussi dans tout pays un partit désigné comme Hautement Criminel, subissant un boycott financier et une limitation de ses moyens de diffusion, verrait ses membres le déserter et ses alliés l’abandonner. Au Liban rien de tel. La tyrannie l’oppression et la terreur du Hezb ont-ils atteint un paroxysme privant les libanais de discernement et de libre arbitre. Le fatalisme a succédé à l’aveuglement pour certains chrétiens, pour d’autres il sera temps d’exprimer leurs regrets dans les urnes au moment opportun.

    ANDRE HALLAK

    03 h 05, le 23 avril 2016

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