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Liban - Visite

Pour Hollande, entre le Parlement et le Sérail, l’ombre de la présidence

La conférence de presse conjointe entre les deux responsables. Photo Dalati et Nohra

Pour la première visite d'un chef d'État occidental au Liban en période de vacance présidentielle, la première étape libanaise du président français François Hollande a été le siège du Parlement, place de l'Étoile. Il s'est ensuite rendu au Sérail, siège de la présidence du Conseil, avant de rejoindre la Résidence des Pins. Mais tout au long de cette première journée, et avec tous les interlocuteurs libanais de l'hôte français, il n'a cessé d'être question de l'élection présidentielle, du côté français avec une certaine incompréhension, du côté libanais avec un fatalisme résigné.

D'ailleurs, dans son discours dans le hall du Parlement, François Hollande a précisé qu'il y a eu des questions, dans le cadre de ses entretiens avec les députés, sur le dossier présidentiel, « mais je n'ai pas la réponse. C'est vous, les parlementaires, qui l'avez », a-t-il déclaré, avant d'ajouter qu'il fait confiance aux Libanais, et au Parlement, pour trouver une solution à ce problème. Le ton de la visite est ainsi donné et la vacance présidentielle sera évoquée dans tous les discours et dans tous les entretiens, même lorsqu'il a été convenu au préalable de ne pas aborder ce sujet.

Au siège du Parlement, par exemple, il y a eu deux réunions, la première en petit comité, avec le président de la Chambre Nabih Berry et son vice-président Farid Makari, en présence du ministre de la Défense Samir Mokbel et de Mahmoud Berry, conseiller du président de la Chambre, du côté libanais. Au cours de cette réunion, il a surtout été question du tracé des frontières maritimes du Liban, devenu très important avec la découverte en mer de gisements pétrolifères et gaziers. Il a été aussi question du don saoudien à l'armée libanaise en équipements militaires français, M. Berry ayant sollicité une intervention des autorités françaises pour que les dirigeants saoudiens reviennent sur leur décision de le suspendre. Quant à la seconde réunion, elle a rassemblé, autour du président français et de la délégation qui l'accompagne, les députés membres du bureau de la Chambre, Michel Moussa, Ahmad Fatfat, Antoine Zahra et Serge Torsarkissian. Selon les députés libanais, l'atmosphère était cordiale et simple, le président français ayant voulu que ce soit une conversation informelle. Malgré cela, les députés s'étaient entendus pour ne pas évoquer l'élection présidentielle si le président français ne le faisait pas.

(Voir aussi : La visite de François Hollande au Liban en images)

Toutefois, fidèle à sa réputation de frondeur, Serge Torsarkissian n'a pas pu s'empêcher de faire allusion à la « conversation téléphonique de M. Hollande avec un des candidats à la présidence », dans une allusion au chef des Marada Sleiman Frangié. Ce qui lui a immédiatement valu des remarques acerbes de la part de Nabih Berry, exactement comme dans une séance ordinaire du Parlement. Dans une boutade, ce dernier a donc précisé à son interlocuteur français que Serge Torsarkissian est arménien, dans un pays où il y a dix-huit communautés différentes. Ce qui a poussé Antoine Zahra à rappeler qu'il est le seul maronite présent et que, par conséquent, c'est lui seul qui pourrait être président.

Cet échange a permis de détendre l'atmosphère et a eu le mérite de pousser le président français à demander aux députés ce qui pourrait se passer au cours de la prochaine séance parlementaire d'élection présidentielle prévue le lundi 18 avril. Tous ont répondu qu'elle sera probablement comme les précédentes et qu'il ne fallait donc pas s'attendre à un déblocage... Sans insister, François Hollande a fait remarquer que ce sont les députés qui élisent le chef de l'État au Liban...

Porcelaine et jeu d'échecs

Les députés ont également évoqué avec le président français l'aide à l'armée et le don saoudien, et le chef de l'Élysée a répondu qu'il compte relancer le protocole de coopération militaire signé entre le Liban et la France en 2008. La guerre contre le terrorisme a été aussi évoquée, et les députés ont voulu savoir si la France comptait s'impliquer davantage en Syrie. La réponse s'est limitée à dire qu'il faut une coalition la plus large possible contre le terrorisme, avec une participation de toutes les communautés à cette guerre.
Avec un peu de retard sur l'emploi du temps, la réunion qui a duré une demie-heure a été levée. MM. Berry et Hollande se sont ensuite adressés à la presse, avec des instructions claires aux journalistes de ne pas poser la moindre question.

Après les mots de bienvenue, le président de la Chambre a précisé avoir évoqué avec son interlocuteur français la question des frontières maritimes, le don à l'armée, la question des déplacés et les tentatives de trouver une solution politique à la crise syrienne. Il a affirmé qu'il a été aussi question de la situation au Yémen, en Irak et en Libye. De son côté, le président français a déclaré que le message principal de sa visite à Beyrouth est de dire aux Libanais que la France est à leurs côtés. Il a aussi insisté sur l'importance de maintenir la sécurité et la stabilité au Liban, en dépit des guerres qui se déroulent tout autour. Tout en précisant que le Liban est un atout pour la région, François Hollande a exprimé le souhait de revenir au plus tôt pour rencontrer le nouveau président de la République.

MM. Hollande et Berry se sont ensuite rendus à pied, encadrés par un cortège sécuritaire, à l'église Saint-Georges des grecs-orthodoxes et à la mosquée al-Omari près de la place de l'Étoile, à la demande du président français. Ce dernier s'est après cela rendu au Sérail pour une rencontre avec le Premier ministre Tammam Salam et les ministres de la Défense et de la Culture, respectivement Samir Mokbel et Rony Araiji, leurs homologues français Jean-Yves Le Drian et Audrey Azoulay accompagnant leur président dans sa visite au Liban.

(Lire aussi : La tournée de Hollande dans la Békaa, ou « l’action concrète de la France » dans un pays oublié)

Si l'on sait quel a été l'échange de cadeaux entre Rony Araiji et son homologue française, on ignore si Samir Mokbel et Jean-Yves Le Drian ont échangé des présents. La ministre française de la Culture a ainsi offert à Araiji une porcelaine de Sèvres, tandis que ce dernier lui a donné une copie du Dictionnaire amoureux du Liban d'Alexandre Najjar et un jeu d'échecs avec des personnages phéniciens. Pendant la durée des entretiens officiels qui se sont prolongés, l'ancien ministre de la Culture et actuel directeur de l'Institut du monde arabe Jack Lang, qui fait partie de la délégation, a parlé avec les journalistes, évoquant avec eux les souvenirs de son premier séjour au Liban en tant qu'acteur avec d'autres étudiants dans une pièce de théâtre qui s'est produite à Beyrouth...

« Ne pas miser sur le temps... »

L'entretien officiel terminé, Tammam Salam et François Hollande se sont adressés à la presse. Là aussi, il n'y avait pas de questions, mais le président français a fait d'importantes annonces. D'abord, il a affirmé que le ministre français des AE convoquera le groupe de soutien au Liban pour une réunion à Paris le 27 mai. Ensuite, il a annoncé une aide immédiate à l'armée libanaise pour l'aider dans la guerre qu'elle mène contre le terrorisme. Enfin, il a précisé que la France compte augmenter sa contribution pour aider le Liban à accueillir les déplacés syriens. Cette aide passera cette année à 50 millions d'euros et à cent millions sur les trois prochaines années. M. Hollande a aussi évoqué des projets de coopération culturelle, tout en promettant de mobiliser la communauté internationale en faveur du Liban dans le dossier de l'aide aux déplacés syriens.

Après un hommage appuyé au Premier ministre Tammam Salam, le président français a conseillé aux Libanais de ne pas trop miser sur « le temps qui ne peut pas régler les problèmes à la place des hommes et des femmes », a-t-il dit, avant d'ajouter qu'il ne faut pas non plus confier son destin à des puissances étrangères. Et comme pour faire écho à ces propos, les cloches des églises du centre-ville ont choisi ce moment pour sonner à toute volée, annonçant les vêpres. Comme si elles signifiaient que seule une « intervention divine » pouvait permettre l'élection d'un nouveau président...


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Pour la première visite d'un chef d'État occidental au Liban en période de vacance présidentielle, la première étape libanaise du président français François Hollande a été le siège du Parlement, place de l'Étoile. Il s'est ensuite rendu au Sérail, siège de la présidence du Conseil, avant de rejoindre la Résidence des Pins. Mais tout au long de cette première journée, et avec...

commentaires (2)

L avantage du liban compare a la france...l economie du salaire d un president paye a ne rien faire...

HABIBI FRANCAIS

12 h 57, le 18 avril 2016

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Commentaires (2)

  • L avantage du liban compare a la france...l economie du salaire d un president paye a ne rien faire...

    HABIBI FRANCAIS

    12 h 57, le 18 avril 2016

  • Et en France ...entre l'opposition et le parlement l'ombre d'un président flotte...à ce jour chute dans les sondages ...10/12 % ! (JDD/Iflop)

    M.V.

    10 h 13, le 18 avril 2016

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