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Liban - 13 avril 1975

Des élèves venus des « deux côtés du pont » tissent des liens

Rencontre amicale pour apprendre à connaître « l’autre ».

À la veille du 41e anniversaire du début de la guerre civile libanaise, un professeur a organisé une rencontre rassemblant 266 élèves des classes de quatrième et sixième de deux lycées situés l'un à l'ouest de Beyrouth et l'autre dans le Kesrouan. Ces élèves représentent deux communautés qui avaient été, entre 1975 et 1990, déchirées et séparées par la guerre. Cette initiative vise à transmettre à la jeune génération l'importance du vivre-ensemble de manière à lutter contre les préjugés.

 

À l'origine du projet, initié par Josette Haddad, professeur d'histoire-géographie au Lycée Abdel Kader, une question posée par l'un de ses élèves de quatrième : « Madame, vous venez d'où ? ». À sa réponse : « Zouk Mosbeh », les réactions dans la classe furent surprenantes et, selon cette dernière, révélatrices : « De l'autre côté du pont ? »


Par ce pont, ces élèves évoquaient sans doute le « ring » Fouad Chehab. Celui-ci servait lors de la guerre civile de barrage naturel entre les deux parties est et ouest de la capitale. Situé au niveau de la « ligne verte », car jonchée à l'époque d'herbes sauvages, il séparait les communautés chrétienne et musulmane.
« J'ai été surprise de voir que cette frontière existait encore dans l'esprit de mes élèves, souligne Josette Haddad. C'est de là que m'est venue l'idée d'organiser un échange entre ces derniers et d'autres jeunes éduqués dans une école » de l'autre côté du pont, explique-t-elle.


L'école choisie, le Paradis d'enfants-Jounieh, se distingue du Lycée Abdel Kader par plusieurs points. D'abord, par sa location, à Jounieh, à douze kilomètres au nord de Beyrouth, dans une région en majorité chrétienne, alors que le lycée laïc d'Abdel Kader est, lui, fréquenté principalement par des élèves de confession musulmane. D'autre part, l'école de Jounieh est semi-gratuite. Financée par des ONG et des donateurs, elle propose un enseignement de qualité à des enfants issus de milieux moins favorisés, alors que la plupart des écoles renommées au Liban – comme le Lycée Abdel Kader – sont privées.
Durant sept mois, les élèves des deux établissements se sont envoyé des lettres et des photos. Ils se sont raconté leur vie, leurs espoirs, leurs loisirs et leurs rêves. « Rien que cet échange soulevait des questions pour mes élèves. Par exemple, les images des premières communions à Jounieh ou encore les croix que portaient les correspondants. J'ai été impressionnée par la curiosité et l'ouverture de tous les élèves impliqués dans le projet », raconte Josette Haddad.


Hier, ils se sont rencontrés physiquement pour la première fois dans le théâtre du Lycée Abdel Kader, autour de la thématique du vivre-ensemble.
Cette rencontre a commencé par un discours de Josette Haddad sur la guerre libanaise, rappelant à la jeune génération l'importance de se comprendre et de se respecter afin que de tels évènements ne se reproduisent jamais plus au Liban.
Les élèves enthousiastes et heureux de se rencontrer ont pris la parole. Les quatrièmes du Lycée Abdel Kader ont interprété le discours I have a dream de Martin Luther King et témoigné chacun à leur tour, sur scène, de ce qu'ils ont retenu de cet échange : « Même si on a des croyances différentes, on se ressemble », « Nous devons mettre ensemble notre diversité afin de contribuer à la construction d'un Liban meilleur » avant de conclure, en chœur, par la célèbre citation de Martin Luther King « Vivre ensemble comme des frères plutôt que de mourir comme des idiots. »


Les élèves de sixième du Paradis d'enfants-Jounieh ont, quant à eux, analysé l'image « Espoir » représentant un enfant, les yeux perdus dans la mer, à laquelle ils s'identifient. « Le spectre de la guerre le hante. Il veut devenir un homme libre. Dans son avenir, les conflits, les guerres et les différences n'existent pas », expliquent-ils. Ils interprèteront également la chanson Soleil de Grégoire, dont les paroles, « On ne vient pas de la même communauté, mais on a tous le même soleil », collent à l'esprit de l'événement.
« J'ai rencontré un grand frère. On a plein de points communs malgré les différences : on n'aime pas les maths, on aime bien faire du sport et on est forts », s'enthousiasme Charbel, élève de sixième au Paradis d'enfants. « Il faut qu'on reste amis pour toujours », renchérit son correspondant Kassem, du Lycée Abdel Kader.
« Nous avions besoin de ce projet. Il y a encore trop de clivages aujourd'hui. On a peur de l'autre, parce qu'on ne le connaît pas », explique Ghada Jabbour, directrice de Paradis d'enfants. « En leur permettant de rencontrer les élèves d'Abdel Kader, on change leur vision sur une communauté inconnue », estime Estelle Eid, professeur de français du même établissement.


En outre, les élèves du Lycée Abdel Kader ont voulu faire un geste pour l'école moins aisée de Jounieh. Ils ont organisé une vente d'aliments sucrés ou salés, préparés avec leurs parents. « Cela permettait de plus d'inclure les parents dans le projet. Ils ont réagi d'une façon très positive et cela nous a permis de faire un don d'1 million 835 mille livres libanaises qui serviront à des projets et à l'école », raconte avec fierté Josette Haddad. Le projet, symbole d'espoir, continue donc de vivre. Une autre rencontre sera organisée en mai, cette fois au sein de l'établissement Paradis d'enfants-Jounieh.

 

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