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À La Une - Commémoration du 13 avril 1975

Ex-nid de snipers, futur lieu de mémoire : visite guidée de Beit Beirut (vidéo)

A l'occasion de la commémoration du 41e anniversaire du déclenchement de la guerre civile libanaise, le 13  avril 1975, L'Orient-Le Jour vous propose une visite guidée de Beit Beirut.

Les prothèses posées sur Beit Beirut par l'architecte Youssef Haïdar sont bien visibles. Photo Anne Ilcinkas

Au Liban, on dit souvent que l’amnistie a conduit à l'amnésie, et que de fait, le passé ne passe pas. Quarante et un ans après le 13 avril 1975, début officiel de la guerre civile libanaise, aucun travail de mémoire digne de ce nom n'a été effectué. Cela pourrait changer avec l'ouverture prochaine de Beit Beirut, lieu unique de mémoire, musée et centre culturel urbain en devenir.

Beit Beirut sera le nouveau nom de la Maison Jaune, ou immeuble Barakat, cette bâtisse située au cœur de Beyrouth, à l'endroit même où passait la ligne de démarcation. Un bâtiment qui, après avoir accueilli des familles, devint un nid de francs-tireurs.

Aujourd'hui, les travaux pour en faire un lieu de mémoire sont quasiment terminés, quelques finitions restent à faire. L'immeuble Barakat, témoin de la ville et de la guerre, est comme un "monstre à qui l'on a posé un œil de verre, une prothèse à la jambe", explique Youssef Haïdar, l'architecte derrière la métamorphose du lieu. Posé au carrefour de Sodeco sur ce qui sera l'une des plus violentes lignes de front de la guerre civile, ce bâtiment iconique de Beyrouth doit devenir un véritable outil au service du public mais aussi des chercheurs et artistes. Avant l'inauguration officielle, dont la date n'a pas encore été fixée, L'Orient-Le Jour vous propose d'en faire la visite guidée avec Youssef Haïdar.

 

 

 

Pour rappel

En novembre 2011, avant le lancement des travaux, L'Orient-Le Jour avait fait une visite guidée, en quatre épisodes, de l'immeuble Barakat, fermé au public depuis 2004, avec l'architecte Mona al-Hallak.

 

Premier épisode : l'architecture unique de la Maison jaune

C'est en 1924 que Youssef Aftimos commence la construction de l'immeuble Barakat. Architecte de renom, il a déjà à son actif la Tour de l'horloge du Sérail, le Grand Théâtre au centre-ville de Beyrouth et l'immeuble de la Municipalité rue Weygand. Dans la Maison jaune, un nom que l'immeuble doit à l'utilisation du grès ocre, Youssef Aftimos se laisse aller à l'innovation et joue sur les ouvertures et perspectives.
Quelques années plus tard, Fouad Kozah, jeune architecte, prend le relais et invite le béton et le style art déco dans la bâtisse. C'est la combinaison des idées et élans de ces deux architectes, aux styles différents et à quelques années d'intervalle, qui donnera tout son cachet au bâtiment.

 

 

Épisode 2 : La vie heureuse

Dans son cabinet, des milliers de personnes sont probablement passées pour des dents cariées, cassées, douloureuses. Ces patients sont une des tranches de vie du Dr Nagib Chémali. Une vie dont les témoignages et souvenirs se sont retrouvés abandonnés sur le sol de son appartement dans la Maison jaune. Toutes sortes de journaux, photos, lettres, brochures de cinéma, gisant dans un immeuble vidé et qui documentent la vie heureuse dans l'immeuble Barakat et dans Beyrouth, des années 1930 aux années 1970.

Avant la guerre, cinq familles occupaient les huit appartements de la Maison jaune : les Barakat, propriétaires, les Ghattas, les Massoud, les Fallaha et les Chémali, sans compter les boutiques du rez-de-chaussée, dont une où sévissait le coiffeur Ephrem, inventeur autoproclamé du chignon "Achrafieh", et le seul à être revenu vivre dans l'immeuble à la fin de la guerre.

Mona el-Hallak a minutieusement récupéré les documents. Elle nous raconte la vie heureuse, celle d'avant la guerre, dans la Maison jaune.

 

 

Épisode 3 : Au temps des snipers

La façade criblée de balles le hurle : la guerre est passée, et bien passée, par là ! Plus que passée en fait, la guerre a pris ses quartiers entre les murs de la Maison jaune. Les sacs de sable, les murs en parpaing, les meurtrières, les graffitis un peu partout, sont autant de traces laissées par les franc-tireurs qui, pendant les 15 ans de la guerre civile libanaise, ont "officié" dans l'immeuble Barakat. Un immeuble idéal pour ces semeurs de mort. Embusqués dans les pièces du fond de cet immeuble planté sur sur la ligne verte, ils pouvaient tirer en toute sécurité sur les passants qui se hasardaient sur le carrefour de Sodeco. Un "bonus" rendu possible par l'ingéniosité de l'architecture en enfilade pensée, 50 ans plus tôt, par Youssef Aftimos et Fouad Kozah. Une "transparence visuelle" qui fera le bonheur de Begin, Katol, Gilbert et Tarzan.

 

 

Épisode 4 : L'avenir de la Maison jaune

En 1997, la Maison jaune a bien failli disparaître. Les héritiers, nombreux, souhaitant s'en défaire pour régler une succession compliquée, avaient en effet vendu le terrain à un promoteur immobilier. La Maison jaune devait ainsi être rasée pour laisser la place à une nouvelle construction, « un nouvel immeuble Sodeco Square ».
C'était sans compter la société civile qui, ayant eu vent de ce projet, se mobilise, multiplie les pétitions, alerte la presse, manifeste jusqu'à sauver l'immeuble Barakat de la démolition. Désormais propriété de la Municipalité de Beyrouth, l'immeuble doit se transformer en Beit Beirut, un musée de la ville de Beyrouth et un centre de documentation.

 

 

(Mise au point : voir ici les précisions de Charles G. Fares, héritier de Nicolas Barakat)

 

Pour mémoire :

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