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Nos Lecteurs ont la Parole - Abdel Hamid EL-AHDAB

I - L’émigration des chrétiens d’Orient et la réforme de l’islam

Le maintien des chrétiens en Orient peut-il faire l'objet de question ?
Serait-il, en réalité, un choix musulman ? À cela, Antoine Saad répond dans un ouvrage magnifique qui expose le problème et le traite.

Le régime des capitulations dans l'Empire ottoman
Antoine Saad se demande, au début du livre, si les musulmans souhaitent vraiment ce maintien et ont, de leur point de vue, intérêt à l'assurer. Pourquoi, ajoute-t-il, leurs actes ne révèlent-ils pas assez ces bonnes intentions ?
Il aborde ensuite le régime des capitulations instauré par l'Empire ottoman au temps où il était devenu « l'homme malade » et indique à ce sujet que ledit régime a assuré la liberté religieuse et notamment la liberté d'association aux chrétiens, point sur lequel je ne suis pas d'accord parce que le régime des capitulations, qui a différencié les citoyens de l'empire, a octroyé des libertés aux chrétiens pour la simple raison qu'il était faible et qu'il était en position d'infériorité vis-à-vis des Européens et non parce qu'il avait foi en la liberté. Preuve en est qu'il a, dès l'engagement de la Première Guerre mondiale, attaqué les chrétiens du Mont-Liban et les a affamés, humiliés et privés de toute liberté.
Je lui suis gré, en revanche, d'avoir indiqué que la communauté maronite s'est orientée vers la création d'écoles qui ont écumé au Mont-Liban, l'école étant la porte de la liberté, la garantie des libertés et le chemin qui mène à la modernité et force la marche vers l'avant.

Les chrétiens ont bénéficié d'une marge raisonnable de liberté religieuse
Antoine Saad observe que les chrétiens ont bénéficié d'une marge raisonnable de liberté religieuse, mais qu'ils ont souffert d'une minoration de leur nombre à la Chambre des députés au temps du Baas. Je ne suis pas de son avis parce que le régime baassiste n'était pas laïc et ne faisait que tolérer ceux qui le toléraient et exterminer ceux qui le contrariaient. Liberté aux partisans. Mort aux opposants ! Il s'agissait d'un régime arbitraire, tyrannique, en rien laïque. La laïcité suppose normalement une neutralité de l'État à l'égard des religions, alors que le régime baassiste était en réalité religieux et islamique. Preuve en est que Michel Aflak s'était converti à l'islam avant sa mort. Il en était de même du régime nassérien. Mais le plus grand indice sur la réalité de ces régimes et leur recours à la religion pour asseoir leur pouvoir a été fourni par Saddam Hussein après l'invasion du Koweït et le risque qui a consécutivement pesé sur son régime. Il avait alors fait inscrire l'incantation « Allahou Akbar » sur le drapeau irakien en ayant ainsi recours à la religion pour perpétuer sa tyrannie.
Le tout alors qu'avant le Baas, en Syrie, Farès el-Khoury, qui était un chrétien laïque et démocrate, un vrai nationaliste arabe, qui avait combattu le colonialisme français, et qui, debout sur le perron de la mosquée des Omeyyades, avait bravé le commandant français qui clamait haut et fort : « Nous sommes revenus, Saladin ! » en lui répondant : « Nous sommes les gardiens de la tombe de Saladin et nous vous ferons voir les feux de l'enfer jusqu'à votre départ ! »
Tel est l'arabisme et telles sont la liberté, la laïcité et la démocratie. Ils ont joué les chrétiens comme les musulmans.

Saad Zaghloul a rejeté la déclaration d'indépendance en Égypte, car elle comportait l'incantation « Allahou Akbar »
On présenta, en Égypte, à Saad Zaghloul, la déclaration d'indépendance conçue par le parti « al-Wafd » et qui débutait par les termes « Allahou Akbar ». Il retourna aussitôt la déclaration à ses auteurs en leur disant : « Que vient faire le Bon Dieu dans le combat que nous menons pour l'indépendance ? La religion est pour Dieu et la patrie est pour tous. » Il insista ensuite pour que la déclaration soit vierge de toute expression religieuse. Au temps de Saad Zaghloul, les chrétiens et les musulmans ont tous joui de la liberté. Ils étaient tous simplement égyptiens et il n'y avait pas de citoyens de première catégorie et d'autres, de deuxième et de dixième catégorie !
Antoine Saad aborde ensuite, dans son ouvrage, le massacre qu'avaient subi les Assyriens en Irak lorsqu'ils s'étaient rebellés et avaient réclamé la liberté et l'indépendance en comptant sur la garantie offerte par les Anglais, garantie qui fut tout à fait oubliée au moment crucial.
Les Kurdes irakiens avaient généreusement accueilli ces chrétiens d'Irak lorsqu'ils avaient été exposés au danger, prouvant ainsi qu'ils sont plus civilisés que les Arabes sunnites et chiites d'Irak qui s'entre-tuent dans les mosquées, les cimetières et aux portes des écoles !

L'émigration est-elle chrétienne ou également musulmane ?
Antoine Saad fait un long exposé sur la gravité de l'émigration chrétienne dans le monde arabe. Je voudrais cependant lui demander si cette émigration est uniquement chrétienne ou si elle est en réalité une émigration des gens civilisés, aussi bien musulmans que chrétiens. Peut-être même que l'émigration des musulmans est plus importante. Les émigrés forment une catégorie qui ne peut vivre sous des régimes totalitaires et répressifs, fussent-ils islamiques ou revêtus d'accoutrements baassistes ou nassériens. De même, ils ne peuvent s'accommoder d'une vie sous des régimes wahhabites ou soumis aux Frères musulmans !

Le printemps arabe et ses désillusions
Le monde arabe était un conglomérat de dictatures déifiées et déclarées infaillibles, où les despotes se perpétuèrent pendant quarante ans. Après, bien après, a jailli le printemps arabe.
Mais les espérances ont vite été déçues. En Égypte, un régime religieux et fascisant, celui dominé par les Frères musulmans, a vu le jour. Les jeunes de la place Tahrir se sont tous retrouvés en prison et ils y demeurent jusqu'à présent en dépit de la faillite des Frères musulmans. En Irak s'est développée une guerre civile sanglante entre les sunnites et les chiites, et en Libye les autochtones sont sortis de la cage où les avait enfermés Kadhafi pendant quarante ans, mais, ignorant les choses de ce monde où on ne leur servait que le « Livre vert » du tyran, ils se sont cramponnés à la religion, au salafisme, et une guerre civile a éclaté entre eux, dont ni eux ni le monde comprend le motif. Il est probablement multiple et constitue un mélange de visées pécuniaires, d'ignorance et de refoulement baignant dans des notions religieuses anachroniques sans rapport avec la religion réelle. Leurs errements les ont conduits à assassiner l'ambassadeur américain qui les avait pourtant aidés dans leur révolution. La Syrie, elle, est devenue le terrain d'une guerre mondiale. Le monde a été le témoin de bon nombre de massacres au cours de son histoire, mais il a rarement vu des boucheries pareilles à celles commises tous les jours sur le sol syrien au nom du jeu des nations !

Abdel Hamid EL-AHDAB
Avocat

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