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Économie - Liban - Éclairage

Le Liban peut-il être assimilé à un paradis fiscal ?

Épargné pour l'instant par les révélations des « Panama papers », le Liban devrait néanmoins être amené à poursuivre son adaptation aux normes internationales de lutte contre l'évasion fiscale.

Le Parlement a voté, en novembre dernier, trois lois pour mettre le Liban en conformité avec les normes internationales de l’OCDE et du Gafi. Photo Nasser Traboulsi

Si aucune personnalité ou banque libanaise n'a pour l'instant été directement impliquée dans le cadre du scandale « Panama papers », le statut du Liban et de son secret bancaire continuent d'interpeller dans un contexte international où les paradis fiscaux sont les premières cibles des mesures contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Interrogé sur l'existence d'autres paradis fiscaux que Panama par l'AFP hier, le directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE Pascal Saint-Amans a par exemple cité nommément le Liban « parmi les pays ayant refusé l'échange automatique de renseignements. »

 

(Repère : Les révélations des deux premiers jours)

 

« Stratégie des petits progrès »
« Le Liban est considéré en partie comme un paradis fiscal pour plusieurs raisons : il y est par exemple possible de constituer des sociétés offshore exemptées de taxes, mais aussi du fait de son secret bancaire », note Fady Jamaleddine, président du cabinet d'avocats Mena City Lawyers. « Il faut distinguer un paradis fiscal et un pays à fiscalité privilégiée: la pression fiscale au Liban est d'environ 25 % alors qu'elle est nulle au Panama », nuance l'avocat fiscaliste Karim Daher. « Le Liban ne peut être désigné comme un paradis fiscal, car la Banque centrale (BDL) et le système financier n'ont cessé de prendre des mesures pour renforcer la collaboration avec les institutions internationales tout en préservant le secret bancaire », réagit une source haut placée dans le secteur financier.

 

(Lire aussi : Plusieurs des principales banques mondiales mises en cause)


De fait, depuis son inscription sur la liste noire du Groupe d'action financière (Gafi) en 2000, le Liban a pris un certain nombre de mesures pour montrer patte blanche, quitte à ébrécher son secret bancaire. C'est le cas en 2001, avec la loi 318 sur le blanchiment d'argent qui a créé notamment la Commission spéciale d'investigation (CSI) et l'autorise à lever le secret bancaire lorsqu'elle doit enquêter sur des opérations qu'elle soupçonne être liées au blanchiment. Cette loi permet aussitôt au Liban d'être retiré de la liste noire du Gafi. Mais en 2012, le forum mondial de l'OCDE pointe du doigt son absence totale de législation permettant l'échange d'informations fiscales avec d'autres États. Une situation partagée avec neuf autres pays, dont Panama...
Si le secret bancaire est entre-temps annulé de facto pour les Libanais ayant un passeport américain, avec l'entrée en vigueur en janvier 2013 de la loi Fatca qui s'impose aux banques libanaises, ce n'est que trois ans plus tard que le Liban adopte enfin une série de trois lois permettant d'éviter de justesse son inscription sur les listes noires ou grises de l'OCDE ou du Gafi. Outre l'obligation de déclarer aux frontières les sommes en numéraires ou l'élargissement du crime de blanchiment d'argent, l'un de ces textes autorise l'échange d'informations fiscales avec un pays tiers demandant la levée du secret bancaire d'une personne physique ou morale faisant l'objet de soupçons sérieux d'évasion fiscale.

 

(Lire aussi : Le Front national impliqué dans un « système offshore sophistiqué »)


Résultat ? Le Gafi n'a pas retenu le Liban dans sa liste des pays sous surveillance à l'issue de sa réunion plénière tenue en février dernier. « Mais il reste encore beaucoup à faire : le Liban n'a par exemple jamais déclaré publiquement sa volonté de mettre en place l'échange automatique d'informations (adopté par les 34 membres de l'OCDE, tandis que plus de 65 juridictions se sont publiquement engagées à l'appliquer) », constate, sous couvert d'anonymat, un expert en questions fiscales. Là encore, le dossier libanais fait écho à celui de Panama – sorti du système de surveillance du Gafi depuis février – dont la « stratégie qui consiste à faire des petits progrès pour essayer d'arracher sa sortie des listes grises » a été épinglée par M. Saint-Amans lors de son entretien avec l'AFP.

 

(Lire aussi : "Panama papers" : comment les protagonistes sont passés entre les mailles du filet ?)

 

Sociétés offshore
Autre point de comparaison possible entre le Liban et Panama, le cas des sociétés offshore, qui s'avèrent être un maillon essentiel dans la chaîne de l'évasion fiscale. Depuis 2008, le législateur a élargi le champ d'application et assoupli les règles de fonctionnement de ces sociétés enregistrées par des non-résidents, mais n'exerçant a priori aucune activité économique dans leur pays de domiciliation.
La plupart du temps, les sociétés offshore sont implantées dans des territoires où l'opacité bancaire est de mise et ont souvent recours à des prête-noms pour brouiller les pistes sur leurs véritables propriétaires. Mais selon Me Daher, rien de tel au Liban où « les sociétés offshore ont un commissaire des comptes et sont enregistrées auprès du fisc. Le Liban est bien plus transparent que Panama et nous allons même vers la suppression des titres au porteur », rappelle-t-il.

 

(Lire aussi : Le clan Assad s'est servi de sociétés-écrans pour échapper aux sanctions)


Depuis le 29 février dernier, les banques ne sont plus autorisées par la Banque centrale à effectuer des opérations avec des sociétés dont tout ou partie des actionnaires ne sont pas identifiés. De fait, les sociétés possédant des actions au porteur se verront refuser l'ouverture d'un compte bancaire, tandis que celles ayant déjà un compte ont deux ans pour modifier le statut de leurs titres en actions nominatives.
Reste que sans s'affranchir de la légalité, ces sociétés peuvent rester intéressantes en matière d'optimisation fiscale, une pratique consistant à déclarer ses bénéfices dans un territoire où il y a peu d'impôts. Contrairement aux autres sociétés étrangères ou libanaises, les sociétés offshore ne sont pas imposées sur leurs bénéfices (à hauteur de 15 %), mais doivent simplement s'acquitter d'une taxe forfaitaire annuelle d'un million de livres maximum (667 dollars). Et si « elles sont bien surtaxées dans leur pays d'origine », selon l'expert en fiscalité précité, tel n'est pas le cas si la société est basée dans l'un des 33 pays signataires de conventions fiscales bilatérales relatives à la double imposition avec le Liban. « Ces sociétés déclarent leurs revenus au Liban et ne sont donc ni taxées au Liban ni dans leur pays d'origine », explique Me Jamaleddine.
Si le cas libanais est donc plus complexe et loin d'être réductible à la situation que vit actuellement Panama, ce qu'il reste de son secret bancaire devrait sans doute continuer à faire l'objet d'âpres négociations. « Il est voué à disparaître », présage Me Daher.
(avec AFP)

 

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Si aucune personnalité ou banque libanaise n'a pour l'instant été directement impliquée dans le cadre du scandale « Panama papers », le statut du Liban et de son secret bancaire continuent d'interpeller dans un contexte international où les paradis fiscaux sont les premières cibles des mesures contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Interrogé sur l'existence d'autres...

commentaires (5)

PLUS PARADIS FISCAL QUE LES U.S. ET LE ROYAUME UNI (OU DESUNI ON NE LE SAIT ENCORE) ? EH BIEN, NON !

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

13 h 08, le 30 avril 2016

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Commentaires (5)

  • PLUS PARADIS FISCAL QUE LES U.S. ET LE ROYAUME UNI (OU DESUNI ON NE LE SAIT ENCORE) ? EH BIEN, NON !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    13 h 08, le 30 avril 2016

  • Ou bien nous admettons que l'homme est mauvais par nature et à l'OCDE de le rendre bon, qu'il est coupable jusqu'à preuve du contraire, Ou bien nous coulons! Si bien de réformes sont nécessaires, leur inopportunité peut s'avérer mortelle; Surtout dans un pays aussi fragilisé que le nôtre.

    Khlat Zaki

    01 h 39, le 30 avril 2016

  • Nos responsables si il nous reste encore, devront plus oeuvrer à ne pas faciliter que le Liban ne devienne plus un paradis fiscal avec les tribus qui gouvernent le pays .

    Sabbagha Antoine

    23 h 45, le 06 avril 2016

  • Bon , la réponse simple... est oui ...! vu que la France particulièrement et certains autres pays de l'UE , sont devenu eux-mêmes des enfers fiscaux...au final plein de pays dans le monde sont devenus des paradis fiscaux...!

    M.V.

    17 h 09, le 06 avril 2016

  • Tout un article pour nous expliquer que le titre allechant bien que pose sous forme de question, est faux Si a une periode le Liban pouvait etre assimile a un paradis fiscal, les mesures prises depuis ainsi que les nouvelles legislations l ont sorti de la liste noire du Gafi Il n en demeure pas moins que des responsables mal intentiones comme celui de l OCDE ou des chaines d infos peu regardantes comme France 2 continuent a alimenter cette image Il est regrettable qu aucun responsable libanais n ait juge utile de denoncer cete desinformation

    Jihad Mouracadeh

    07 h 43, le 06 avril 2016

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