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Moyen Orient et Monde - Reportage

La guerre au cœur de la campagne des législatives en Syrie

Les responsables kurdes et la population voient d'un mauvais œil le lancement de la campagne électorale dans les zones tenues par le régime.

Des Kurdes manifestent au nord de la Syrie pour protester contre la politique d’Ankara. Photo Rodi Said

Dans les rues de Damas, le conflit qui ravage le pays est omniprésent dans les slogans de campagne de la dizaine de milliers de syriens en lice pour les législatives organisées le 13 avril par le pouvoir.
« Nous sommes pour la sécurité », « Pour nos enfants qui sont morts, continuons », proclament des affiches apposées sur les murs et les poteaux électriques dans la capitale. Un aspirant député se présente comme la voix des « martyrs de notre armée héroïque », tandis qu'un autre glorifie « la Syrie victorieuse ».

Pour ce second scrutin depuis le début de la guerre en 2011, 11 341 candidats de plus de 25 ans concourent pour les 250 sièges du Parlement. Le président Bachar el-Assad a salué le nombre « inédit » de candidats pour ces élections, qui sont dénoncées comme « illégitimes » par les opposants de l'intérieur comme de l'extérieur, et par les pays occidentaux. Le président français François Hollande a ainsi qualifié de « provocatrice » et « totalement irréaliste » l'organisation d'un tel scrutin. Mais la Russie, alliée de poids du régime, le juge « conforme à la Constitution syrienne actuelle » et assure qu'il « n'entrave pas » le processus de paix actuellement en discussion. L'Onu, pour sa part, plaide pour que des élections générales se tiennent courant 2017.

Pas de vote à Raqqa

Au-delà du terrible bilan humain de la guerre, ses conséquences économiques et sociales désastreuses sont évoquées par de nombreux candidats. « Ensemble pour que la livre syrienne retrouve sa gloire d'antan », propose l'un d'eux alors que la monnaie nationale s'est effondrée, avec un dollar s'échangeant à 500 LS contre 50 il y a cinq ans. « Pour éradiquer la corruption et bâtir une nouvelle Syrie », proclame un autre tandis qu'un d'eux promet qu'« avec nos efforts, nous allons reconstruire la Syrie ».

(Lire aussi : Les rebelles d’Alep s’unissent, contre Assad, sous la bannière de Jaych Halab)

Le président du Comité juridique suprême des élections, le juge Hicham al-Chaar, assure que ces élections « auront lieu partout sauf dans les provinces de Raqqa et Idleb », qui sont aux mains des jihadistes du groupe État islamique (EI) et du Front al-Nosra, ainsi que « dans les régions qui connaissent des problèmes de sécurité », en référence aux zones tenues par les rebelles.
« Les électeurs originaires de ces régions pourront voter dans les secteurs tenus par l'armée », indique-t-il. Par exemple, ceux de la province de Deir ez-Zor tenue par l'EI « auront des bureaux de vote à Damas et sa banlieue, ainsi qu'à Hassaké », précise M. Chaar à l'AFP.
De même, un candidat de Quneitra, d'Alep, de Deraa ou de la province de Damas, des provinces tenues en partie par la branche d'el-Qaëda et les rebelles, est autorisé à faire campagne à Damas.

Si les candidats ont le droit de tenir des meetings, de distribuer des brochures, de placarder des affiches et suspendre des calicots dont Damas est rempli, il leur est interdit de parler à la presse. « C'est pour instaurer l'égalité entre les candidats riches qui peuvent se permettre de faire de la publicité dans les journaux et ceux qui ne le peuvent pas », justifie le juge.

Élections « irréalistes »

Aux yeux de certains électeurs, la personnalité importe plus que le programme du candidat. « Je vais voter pour Me Mohammad Sadek Dalawane car il est avocat et qu'il a été mon professeur », explique Rihaf Esber, une étudiante de 19 ans.

(Lire aussi : En Syrie, l’EI rappelle qu’il ne faut pas l’enterrer trop vite)

Pour d'autres, en revanche, il est hors de question de se rendre à un bureau de vote. « Ni ces candidats, ni les députés sortants, ni même ceux d'avant nous ont aidés. Au début, ils nous promettent monts et merveilles, et une fois élus, ils ne nous adressent plus la parole », lance Mohammad al-Khoujé, caméraman de 36 ans. « Personne ne mérite que je vote pour lui. Nous avons une vie très difficile », ajoute-t-il.

Dans les régions kurdes, les responsables locaux et la population voient d'un mauvais œil le lancement de la campagne dans les zones tenues par le régime comme une partie de Hassaké ou Qamichli.
« Il est vraiment irréaliste que le régime tienne des élections en ce moment », affirme à l'AFP Abdel Salam Ahmad, un responsable du mouvement (kurde) pour une société démocratique. « Nous n'y participerons pas ». Les Kurdes ont affirmé leur autonomie en proclamant le 17 mars une région fédérale dans le nord de la syrie, une annonce rejetée tant par le régime que par l'opposition.

Le résultat des élections devrait être semblable à celui du scrutin de mai 2012, selon des observateurs. Pour la première fois, plusieurs partis avaient été autorisés à y participer, mais le Baas, au pouvoir depuis près d'un demi-siècle, avait obtenu la majorité des 250 députés élus pour un mandat de quatre ans.


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