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Culture - Disparition

Imre Kertész n’aura pas été un « être sans destin »

L'écrivain hongrois, lauréat du prix Nobel de littérature en 2002, est décédé hier à l'âge de 86 ans.

Imre Kertész (1929- 2016) fut l’un des écrivains hongrois les plus influents du XXe siècle.

L'écrivain hongrois Imre Kertész est mort hier à l'aube à son domicile de Budapest des suites d'une longue maladie, a déclaré à l'AFP Krisztian Nyary, directeur des éditions Magveto. Il souffrait de la maladie de Parkinson, ce qui l'avait conduit en 2013 à quitter Berlin, où il vivait depuis 2001, pour revenir en Hongrie.
Ce juif rescapé des camps de concentration nazis fut le premier auteur de langue magyare primé par le Nobel. Utilisant un style direct et délicat pour décrire les souffrances de ses contemporains, « Kertész a été l'un des écrivains hongrois les plus influents du XXe siècle, non seulement par son œuvre (...) mais par sa pensée et sa vision du monde. Il restera une influence majeure de la littérature pour les années à venir », a ajouté M. Nyary.
Né à Budapest le 9 novembre 1929, déporté à Auschwitz à l'âge de 15 ans, Kertész est un survivant des camps, mais aussi de la terreur stalinienne, mis à l'écart par le régime communiste alors qu'il travaillait comme journaliste en Hongrie, où il revient après la guerre.
Dans les années 1950, il se consacre à la traduction et à l'écriture. La découverte de L'Étranger d'Albert Camus lui révèle, à 25 ans, sa vocation. La philosophie de l'absurde devient un modèle fondateur pour son œuvre. Son plus grand livre, Être sans destin (1975) – qu'il mettra treize ans à écrire – a connu un succès mondial, couronné en 2002 par le prix Nobel de littérature. D'abord publié dans l'indifférence en 1975, il a finalement été reconnu comme une œuvre « qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire, et défend la pensée individuelle contre la soumission au pouvoir politique », selon le jury du prix Nobel de littérature. Le livre évoque de manière sobre, ironique et distanciée la vie du jeune déporté qu'il fut.
En 2002, treize ans après la chute du mur, il décide de s'installer à Berlin, « cette ville qui ne cache pas son passé ». Il aime d'ailleurs la langue allemande (il a traduit Nietzsche, Hofmannsthal, Freud, Roth, Wittgenstein). Si Imre Kertész n'a pas publié à proprement parler de témoignage sur Auschwitz, il a recréé un univers où le romanesque et l'autobiographie se mêlent aux questions universelles de la survie et de l'exil, mais aussi de l'humain, du religieux et de l'éthique.
« Il fut de ces écrivains juifs d'Europe qui ne pouvaient appartenir à une seule nation du fait de ses traumatismes et de la perspective universelle de son œuvre sur l'Holocauste », a témoigné pour l'AFP Gabor T. Szanto, éditeur du magazine littéraire hongrois Szombat, qui a régulièrement côtoyé l'écrivain. « C'est l'Holocauste qui m'a fait juif. Je n'ai pas d'autre identité juive. Ma formation et ma culture sont européennes », confiait-il en interview au quotidien Le Monde, il y a quelques années.
Kertész est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, dont Kaddisch pour l'enfant qui ne naîtra pas (1990) et Liquidation (2004). L'Ultime auberge, son dernier récit paru en 2015 en France aux éditions Actes Sud, transformait « le duel entre sa maladie de Parkinson et l'écriture d'un nouveau roman en une œuvre autofictionnelle sublime et poignante », selon l'éditeur.
« Imre Kertész fut un visionnaire tout en restant un homme simple et aimant que nous tous, chez Actes Sud (...), avions profondément aimé de retour », a témoigné son éditrice, Martina Wachendorff-Pérache, sur le site Internet de la maison d'édition qui l'a fait connaître en France. Son destin aura été de laisser une œuvre où l'humanisme triomphe toujours.

Il a dit : « Être mort une fois pour continuer à vivre »

– « L'allemand reste pour moi la langue des penseurs, pas des bourreaux. »
– « Si l'Holocauste a créé une culture – ce qui est incontestablement le cas –, le but de celle-ci peut être seulement que la réalité irréparable enfante spirituellement la réparation, c'est-à-dire la catharsis. Ce désir a inspiré tout ce que j'ai jamais réalisé. »
– Mais aussi : « Sans l'humour, rien n'est imaginable. Une littérature sans humour est comme un entremets à base de farine tout sec. Je ne peux m'imaginer une œuvre d'art qui ne soit pas faite de plaisir. »
– Enfin : « Être mort une fois pour continuer à vivre », était peut-être la clé de son destin, avait déclaré Imre Kertész en recevant son prix Nobel. Son mot de la fin ? Sans doute cette boutade adressée à Florence Noiville, du quotidien Le Monde : « Il ne fait sûrement pas bon être mort, mais avec le temps on doit pouvoir s'y faire... »

L'écrivain hongrois Imre Kertész est mort hier à l'aube à son domicile de Budapest des suites d'une longue maladie, a déclaré à l'AFP Krisztian Nyary, directeur des éditions Magveto. Il souffrait de la maladie de Parkinson, ce qui l'avait conduit en 2013 à quitter Berlin, où il vivait depuis 2001, pour revenir en Hongrie.Ce juif rescapé des camps de concentration nazis fut le premier...

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