Si les informations devaient se confirmer, c'est l'ensemble de la sécurité du Liban qui serait sérieusement compromise par ce nouveau scandale. La récente découverte par les autorités d'un ou plusieurs réseaux Internet qui auraient leur source en Israël et fournissant, par Libanais interposés, des connexions illégales en plusieurs endroits du pays prend de jour en jour davantage d'ampleur. C'est à présent l'utilisation de ces connexions par un ensemble d'institutions officielles libanaises, dont des services de sécurité, qui est à l'ordre du jour.
Les informations à ce sujet ont été distillées au compte-gouttes au cours des derniers jours. Outre ses répercussions économiques en termes de pertes subies par l'État, propriétaire exclusif du réseau Internet, les brèches sécuritaires graves que risquent de dévoiler ces nouvelles infractions à la loi pourraient se révéler autrement inquiétantes.
L'affaire a fait l'objet hier d'un examen approfondi lors de la réunion des membres de la commission parlementaire de l'Information et des Télécoms.
Parallèlement, des sources sécuritaires citées par l'agence al-Markaziya ont indiqué que l'exécution d'un plan consistant à démanteler la fourniture illégale d'accès à Internet au Liban-Sud a commencé hier, les FSI s'étant attelées à ratisser tous les bureaux de distribution d'Internet, depuis Saïda jusqu'à Nabatiyé.
Selon ces sources, le Hezbollah, inquiet au plus haut point par cette découverte, a commencé de son côté à collecter les informations pertinentes à ce sujet. Même si les autorités ne l'ont pas encore crié sur les toits, la distribution illégale de services d'Internet se ferait, depuis plusieurs mois déjà, à partir de réseaux en provenance de Haïfa, dans le nord d'Israël, et de Chypre, et qui seraient perméables à une surveillance par l'État hébreu.
Mais le scandale ne s'arrête pas là. L'affaire prend une ampleur encore plus grave lorsque l'on sait que ces réseaux ont été utilisés « par des services de sécurité libanais et par d'autres administrations officielles qui ont été séduits par les prix extrêmement réduits offerts sur le marché », assure une source informée. Il s'agit d'une information « d'une extrême gravité », a confirmé le ministre des Télécoms, Boutros Harb, dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, soulignant que les responsables politiques « ne réalisent pas encore le sérieux de cette affaire ». Le ministre explique qu'à l'origine, ce sont des fournisseurs d'Internet légaux qui ont eu écho de ces sociétés clandestines et ont déposé une plainte auprès du ministère, qui a ouvert l'enquête.
Or ce que celle-ci a révélé devait être autrement plus redoutable : ce ne sont pas uniquement des utilisateurs privés libanais qui ont été alléchés par une offre quasi gratuite de ces services, mais également des services de sécurité et autres administrations libanaises, dont le palais présidentiel et le Parlement. L'autre question de taille que soulève cette affaire est de savoir comment les équipements de haute technicité utilisés pour la distribution de ces connexions – que seul l'État peut en principe importer – ont pu passer les douanes.
Le noyautage par des sociétés israéliennes du système de distribution du service Internet s'est ainsi répandu au Liban-Sud mais aussi au Liban-Nord, dans le Akkar principalement, a confirmé par ailleurs M. Harb, qui avait indiqué, plus tôt, lors d'un entretien avec une radio locale, que les « premières informations font en effet état d'une relation qui existerait entre l'une des sociétés actuelles (illégales) et celle qui avait été découverte en 2009 au Barouk ». À l'époque, il s'agissait également d'une infiltration israélienne du système Internet libanais par le biais d'une station installée dans le Barouk que l'État s'est dépêché de démanteler. M. Harb devrait aujourd'hui donner plus de détails sur cette affaire lors d'une conférence de presse.
Le CPL crie au scandale
Sur la scène politique, l'affaire fait déjà des remous. Le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, présidé par Michel Aoun, a dénoncé hier le « scandale » des compagnies fournissant un accès illégal à Internet au Liban. « Les Libanais sont face à un scandale sur la question des connexions Internet illégales, d'autant que plusieurs sociétés et institutions les utilisent », a déclaré l'ancien ministre Salim Jreissati, donnant lecture du communiqué du bloc parlementaire à l'issue de sa réunion hebdomadaire. « Faisons-nous face à des failles de sécurité dans ce pays ? » s'est-il interrogé.
La semaine dernière, le ministre des Télécoms avait indiqué avoir déposé une plainte contre des personnes ou des sociétés qui fournissent une connexion Internet de manière illégale. Selon le président de la commission parlementaire des Télécoms, Hassan Fadlallah, cette connexion est faite par ces sociétés au moyen « de grosses installations sur les hauteurs, afin de capter Internet de l'étranger et le distribuer illégalement à leurs abonnés ».
Évoquant le plan de « dépistage » mis en place par les forces de l'ordre, une source des FSI a confirmé en soirée que leurs unités ont entamé des perquisitions auprès des bureaux d'Internet concernés dans le Liban-Sud. Le plan consiste en outre à coopérer de près avec les gérants des « cafés ou clubs Internet », dont certains ont notamment révélé des visites fréquentes effectuées par certains réfugiés syriens et leur recours à leurs services Internet « pour envoyer des photos et des informations concernant le Hezbollah à des groupes relevant de l'opposition syrienne », devait encore souligner la source sécuritaire citée par l'agence al-Markaziya.
Plusieurs ressortissants syriens ont déjà été arrêtés dans le cadre de cette enquête. Ils ont reconnu avoir collaboré avec d'autres personnes, qui auraient déjà pris la fuite.
Hassan Fadlallah a tiré la sonnette d'alarme hier lors de la réunion de la commission de l'Information et des Télécoms, soulignant qu'il s'agit d'une affaire « sensible, voire même dangereuse, bien plus dangereuse qu'on ne peut l'imaginer ». Selon lui, il s'agit d'une « grosse affaire sécuritaire et financière sans mentionner sa portée légale, puisque nous sommes en présence d'un réseau illégal qui utilise l'infrastructure du réseau Internet appartenant exclusivement à l'État. Cela remet en cause la souveraineté de ce dernier sur ses ressources et sur sa sécurité », a dit M. Fadlallah.
Le député a annoncé dans la foulée la tenue, lundi prochain, d'une réunion élargie de la commission parlementaire, à laquelle ont été conviés les représentants des ministères des Télécoms, mais aussi de l'Intérieur et de la Défense.
En parallèle, la procédure judiciaire se poursuit. Hier, le procureur financier, Ali Ibrahim, a engagé des poursuites contre Imad Lahoud et Hagop Antranik, accusés d'avoir installé des câbles en fibre optique et mis en place un système de distribution illégale d'Internet dans la région de Zaarour. Le dossier a été déféré devant le premier juge d'instruction du Mont-Liban, Jean Ferneini.
Harb part en guerre contre les fournisseurs d’Internet illégaux
commentaires (7)
eh hamdillah, à part la poubelle, tout va bien...
PPZZ58
21 h 03, le 16 mars 2016