Le retour en fanfare des premiers avions russes qui combattaient en Syrie a des airs de "Mission accomplie" sur les écrans des télévisions russes. Mais derrière la décision de Vladimir Poutine de retirer le gros de son contingent militaire subsistent des questions. Le dernier coup de poker du président russe est-il un désengagement ou un simple repli tactique ? Le soutien du Kremlin au président Bachar el-Assad a-t-il diminué ?
Pourquoi un retrait maintenant ?
Vladimir Poutine l'avait dit dès le départ: l'intervention des bombardiers et avions d'attaque au sol de l'armée russe sera limitée. Plus de cinq mois après le début des raids aériens, la situation militaire sur le terrain a changé et l'armée syrienne, enlisée au printemps 2015, a repris la main. Pour Moscou, il était temps de repasser en "mode politique" et de traduire à la table des négociations le nouveau rapport de force sur le terrain.
Argument supplémentaire : en plusieurs milliers de raids aériens, l'armée russe a remporté, sans dommages excessifs - trois militaires tués - des victoires faciles. Mais la deuxième ville du pays, Alep, n'a pas été reprise par les troupes d'Assad. Et le risque était grand de s'embourber en cherchant à trop pousser son avantage.
Comme le résume brutalement Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue "La Russie dans la politique globale", le message adressé à Damas est clair: "nous n'avons pas l'intention de faire tout le travail pour vous".
"Poutine a atteint ses objectifs: la consolidation et la maîtrise de la Syrie utile", ces zones habitées du centre et de l'ouest de la Syrie, estime Karim Emile Bitar, spécialiste du Moyen Orient à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.
Dernier point, l'argent, nerf de la guerre: Selon les estimations du quotidien russe RBK, la campagne militaire a coûté au moins 2,5 millions de dollars par jour. Des dépenses non négligeables pour un pays qui s'apprête à connaître une seconde année de récession sans espoir d'amélioration vu les prix historiquement bas du pétrole.
(Lire aussi : Al-Nosra lancera une offensive en Syrie d'ici 48 heures, après le retrait russe)
Désengagement ou repli tactique ?
Vladimir Poutine a annoncé le départ de la majeure partie du contingent mais souligné qu'un "site de logistique aérienne" serait maintenu sur la base militaire de Hmeimim. En réalité, le Kremlin, qui n'a jamais annoncé officiellement combien d'hommes ou d'aéronefs il avait déployé, ne dit pas plus combien vont rentrer. Le président de la commission Défense au Sénat russe a pour sa part évalué à plus de 800 le nombre de militaires qui resteraient déployés. Et l'armée russe va par ailleurs conserver sur place ses redoutables systèmes antiaériens S-400. Autrement dit, plutôt que de retrait, il faut parler de réduction de sa présence militaire.
Pour Alexeï Malachenko, expert au centre Carnegie à Moscou, le Kremlin n'a pas les mains liés. "La décision de retrait des troupes, qui paraît inattendue au premier abord, n'a pas pu être prise sans concertation avec les Etats-Unis, elle est le résultat d'un difficile compromis. Mais s'il ne fonctionne pas, rien n'empêche Moscou de renvoyer ses forces aériennes en Syrie".
"J'interprète plutôt ça comme un signal de désescalade", dit Karim Emile Bitar. "Il y a une hantise russe d'un embourbement au Moyen Orient", souligne-t-il en rappelant que "l'expérience des interventions étrangères dans cette région montre qu'il y a un retour de bâton systématique".
Assad sous pression ?
Comme à chaque fois que la Russie déplace une pièce sur l'échiquier syrien, les observateurs scrutent tout signe d'un infléchissement du soutien russe à Bachar el-Assad.
"Je ne crois pas que les Russes soient en train de lâcher Assad", dit Karim Emile Bitar. "C'est prendre ses désirs pour des réalités que d'affirmer ça maintenant".
Plusieurs experts notent toutefois que le président syrien a pu agacer parfois Moscou et que la Russie tenait à accentuer la pression sur lui à l'amorce des négociations de paix, ce que démentait encore mardi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Et "la question du départ ou du maintien d'Assad au pouvoir est un énorme point d'achoppement qui continue de bloquer les négociations à Genève", souligne Sarah Lain, du Royal United Services Institute (RUSI) à Londres.
"Je pense que le retrait russe vise à accélérer les discussions sur la transition politique", conclut-elle.
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LES CRIMINELS DIABOLIQUES QUI SE CACHENT DERRIERE LE NOM DE DIEU... QUI QU,ILS SOIENT... LES UNS COMME LES AUTRES... LEUR FIN EST PROCHE ...
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 37, le 15 mars 2016