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Économie - Liban - Lutte antiblanchiment

Actionnariat : la fin programmée de l’anonymat

Suivant une tendance mondiale, la Banque du Liban prohibe désormais aux banques d'effectuer des opérations avec des sociétés dont les actions sont au porteur.

Il n’existe pas d’estimations sur le nombre de sociétés libanaises détenant des actions au porteur au Liban. Photo DR

Les effets de la mise en conformité du secteur financier libanais avec les normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent ne cessent de se diversifier. Dernière mesure en date : le 29 février, la Banque centrale (BDL) a émis une nouvelle circulaire (n° 411) limitant de fait considérablement l'intérêt pour une société commerciale d'avoir dans son registre des actions dont le nom et l'adresse du propriétaire ne sont pas identifiées. « Les banques et les sociétés financières ne sont pas autorisées à effectuer de quelconques opérations avec des sociétés ou des fonds communs de placement, dont les actions sont détenues au porteur, en partie ou en totalité (...) », stipule ainsi son article premier. Les sociétés de change et les sociétés de crédit-bail sont aussi concernées par ces nouvelles mesures.

Argent de la corruption

« Au Liban, les actions au porteur sont seulement autorisées pour les sociétés anonymes libanaises (SAL), comme défini dans le Code du commerce. Mais il existe des exceptions : les banques, dont toutes les actions doivent être nominatives ; ainsi que les sociétés de production audiovisuelle, ou de distribution exclusive, dont tous les actionnaires doivent être libanais », explique Fady Jamaleddine, avocat et président du cabinet d'avocats Mena City Lawyers. Mais mis à part les quatre sociétés non bancaires cotées à la Bourse de Beyrouth, difficile de savoir combien seront concernés : « Nous ne savons pas combien de sociétés sont titulaires d'actions au porteur », confirme le directeur du département bancaire au sein de la BDL, Najib Anwar Choucair. « Il revient donc aux banques de vérifier si une société détient des actions au porteur. Ce processus de vérification sera d'autant plus long et difficile que la circulaire vise également les cas où les actionnaires de la société seraient des compagnies étrangères comptant elles-mêmes des titres au porteur dans leur actionnariat », poursuit-il.

Cependant, de nombreuses banques auraient déjà anticipé cette mesure : « Si les actions au porteur sont toujours autorisées dans la loi libanaise, nous avions de plus en plus de difficultés à ouvrir des comptes bancaires pour ces sociétés depuis quelques années, les banques voulant être en mesure d'identifier les actionnaires pour ne pas prendre le risque d'être accusées d'abriter des opérations liées au blanchiment d'argent », indique Me Jamaleddine. « Souvent, des dirigeants politiques et des hommes d'affaires achètent ce type d'actions – surtout dans des sociétés immobilières – pour dissimuler de l'argent issu de la corruption. Cette circulaire a donc été émise pour réduire le nombre de comptes bancaires utilisés à ces fins et la fuite de capitaux illicites », confie une source à la BDL. Et, comme souvent, cette dernière a dû prendre les devants du fait de la léthargie législative : si le Parlement avait fini par voter trois lois s'inscrivant dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent parmi les 35 votées en double urgence en novembre dernier, le projet de loi amendant certaines dispositions du code de procédure fiscale relatif aux actions aux porteurs avait, lui, été renvoyé en commission...

Sursis

Il fallait pourtant se conformer à une tendance mondiale. « Depuis la crise économique, les régulateurs du monde entier révisent leurs dispositions concernant les actions au porteur pour favoriser plus de transparence », note Sami Saliba, membre du conseil exécutif de l'Autorité des marchés des capitaux. En 2012, le Groupe d'action financière (Gafi) – qui lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme – s'était d'ailleurs emparé du sujet, invitant les pays « dans lesquels les personnes morales peuvent émettre des actions au porteur (à) prendre des mesures efficaces pour s'assurer qu'elles ne sont pas détournées à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme », dans sa recommandation n° 24. Or l'application des recommandations du Gafi permet d'assurer à un pays d'éviter de passer pour une juridiction non coopérative. Ces dernières années, la Belgique, le Japon, le Canada, les Pays-Bas, entre autres, ont donc pris des mesures contre ce type d'actions. En Suisse, ceux qui acquièrent des actions au porteur doivent, depuis le 1er juillet 2015, décliner leur identité auprès de la société concernée, vidant de fait ces titres de leur intérêt principal...

Dans le cas du Liban, si l'application directe de la circulaire interdira les banques d'ouvrir des nouveaux comptes à ce type de sociétés, celles aux comptes existant bénéficieront d'un certain sursis : « Les sociétés possédant ce type d'actions auront un délai de deux ans maximum pour se conformer à ces nouvelles régulations en modifiant le statut de leurs actions au porteur en actions nominatives », explique Najib Choucair.

 

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