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Iran new-look ?

C'est avec un optimisme prudent qu'il convient d'accueillir les résultats des élections législatives iraniennes de vendredi dernier.

La forte poussée enregistrée par les modérés du président Rohani et leurs alliés réformistes est certes des plus heureuses. Sans revêtir tout à fait valeur de plébiscite, elle traduit une substantielle adhésion populaire à l'accord sur le nucléaire de juillet dernier, qui a entraîné une levée des sanctions internationales contre l'Iran. Il est clair ainsi que nombre d'Iraniens, surtout parmi les jeunes, n'aspirent qu'à accéder à la modernité et à la normalité, à s'insérer dans l'air du temps.

Pour remarquable que soit l'événement, il n'y a là toutefois qu'une demi-victoire. Rohani et ses amis n'ont pas remporté la majorité au sein de cette Assemblée des experts appelée à élire à son tour le guide suprême : cet oracle moral et politique devant lequel sont invariablement tenus de s'effacer présidents, ministres, mollahs et généraux. En guise de consolation cependant, la majorité échappe aussi aux conservateurs, dont les figures les plus marquantes ont même été répudiées par les électeurs.

C'est dire que plus que jamais depuis l'accession à la présidence de Hassan Rohani, c'est une République islamique à deux visages, une sorte de Janus persan, que l'on va voir évoluer sur les scènes régionale et internationale. Côté face, un Iran devenu fréquentable, arborant la physionomie bon enfant de Rohani, qui se veut rassurant, et qui d'ailleurs n'est pas loin d'en avoir tout l'air ; un Iran responsable et raisonnable qui a les pieds sur terre, même s'il demeure gouverné par des hommes se posant en dépositaires de la volonté divine.

Et côté pile, un Iran dominateur, toujours résolu à exporter à tout vent sa révolution, habité par d'extravagants rêves d'empire, poussant ses pions en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, à Bahreïn, portant à ébullition le Proche et le Moyen-Orient. Voilà pourquoi il serait illusoire – à tout le moins prématuré – de voir dans le verdict des urnes iraniennes, les prémices d'un quelconque assouplissement du Hezbollah : directement issue des gardiens de la révolution, la milice ne trouve, elle, nulle nécessité de montrer un visage plus avenant.

Par la magie du nucléaire, la République islamique n'est plus désormais cet électron libre, ce paria accusé de soutenir activement le terrorisme, que diabolisait, des décennies durant, l'Occident. Fort paradoxalement toutefois, elle n'en est que plus difficile encore à évaluer, à cerner, à décrypter, comprendre et entreprendre.

Gentleman voyou ou voyou gentleman, l'Iran new-look ? La fragile victoire des modérés ne fournit pas, pas encore, suffisamment d'éléments de réponse. On ne peut qu'y applaudir, certes. Mais avec... modération.

 

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C'est avec un optimisme prudent qu'il convient d'accueillir les résultats des élections législatives iraniennes de vendredi dernier.
La forte poussée enregistrée par les modérés du président Rohani et leurs alliés réformistes est certes des plus heureuses. Sans revêtir tout à fait valeur de plébiscite, elle traduit une substantielle adhésion populaire à l'accord sur le nucléaire...