Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est voulu mardi soir rassurant quant à la situation sécuritaire du Liban, affirmant que sa formation ne souhaitait pas un affrontement armé, et appelant ses partisans à ne pas manifester leur colère dans la rue. Il a en outre critiqué une nouvelle fois la position de l'Arabie saoudite à l'égard du Liban, à la lumière de la crise diplomatique entre les deux pays, et mené une nouvelle offensive verbale violente contre le royaume wahhabite.
"Ces derniers jours, il y avait des rumeurs faisant état de la volonté du Hezbollah d'envahir des régions libanaises de couleur confessionnelle déterminée (sunnite). Il est clair que les communiqués faisant état de ces rumeurs ne visent qu'à semer la discorde entre sunnites et chiites", a estimé le chef du parti chiite lors d'un discours retransmis en direct à la télévision, en commémoration de la mort d'un cadre militaire du parti, Ali Fayad, récemment tué lors de combats à Alep en Syrie.
(Lire aussi : Efforts accrus de Berry pour contenir le clash sectaire)
"Pas de nouveau 7 mai"
"Des analyses dans la presse font état d'un nouveau 7 mai (en référence à l'invasion de Beyrouth-ouest par des miliciens du Hezbollah en 2008). D'autres informations sur des sites internet faisaient état de combats et de morts (en référence aux affrontements, le 19 février à Saadiyate)... tout cela est infondé et a provoqué des tensions dans le pays", a déploré le leader chiite. Et d'affirmer sur un ton catégorique : "Nous tenons à la stabilité et la paix civile au Liban. Cela est clair. Nous ne préparons pas un nouveau 7 mai, et il n'y aura pas de +chemises noires+ (en référence aux combattants du parti apparus en janvier 2011 après la chute du gouvernement de Saad Hariri) ".
"Tous les Libanais doivent le savoir : le pays n'est pas au bord d'une guerre civile. Tout propos en ce sens ne vise qu'à affoler les gens. Nous n'avons aucune intention (d'aller à la guerre civile). Gardons notre affrontement au niveau politique et épargnons au Liban (l'affrontement armé)", a-t-il ajouté.
A ses détracteurs, le chef du Hezbollah a dit : "Certains croient que le Hezbollah est actuellement sous pression de toutes parts. Mais ces propos sont ridicules. Nous ne sommes pas sous pression. Nous sommes forts et à l'aise. Notre situation actuelle est meilleure qu'elle ne l'était il y a cinq ans".
Sur le plan de la politique interne, Hassan Nasrallah a assuré que sa formation "ne comptait pas démissionner du gouvernement". "Ce gouvernement est le vôtre, pas le nôtre, mais nous continuerons à y participer. Et le dialogue bilatéral avec le Futur, ainsi que le dialogue national, sont essentiels. Mais nous ne pouvons les imposer à personne. Que ceux qui souhaitent se retirer du dialogue le fassent', a-t-il lancé.
Le leader chiite s'est en outre prononcé en faveur de la tenue des élections municipales prévue en mai. Mais il a affirmé craindre que certaines parties y soient opposées. "Il se peut que certaines parties aient des raisons de ne pas souhaiter la tenue de cette échéance. Cela pourrait déboucher sur des tensions sécuritaires pouvant servir de prétexte à l'ajournement de cette échéance", a-t-il prévenu.
(Lire aussi : Présidentielle : Hariri presse Frangié de se présenter à la Chambre)
"Aucun lien avec les mouvements de protestation"
Le chef du Hezbollah a ensuite abordé les tensions suscitées par la diffusion d'un sketch satirique diffusé sur la chaîne panarabe MBC, qui tourne en dérision le leader chiite. Des partisans du Hezbollah avaient laissé éclater leur colère dans la rue samedi soir et dimanche, provoquant des inquiétudes au niveau sécuritaire.
"Nous devons éviter les manifestations dans la rue, même celles à caractère pacifique", a martelé Hassan Nasrallah. "Le Hezbollah en tant que parti n'a aucun lien avec les mouvements de protestation qui ont eu lieu dans la rue. Il s'agit d'une réaction spontanée de partisans, de sympathisants. Il se peut qu'il y ait même eu des éléments infiltrés parmi eux. Je remercie en tout cas le soutien de ces partisans et sympathisants. Mais ce style de protestation n'est pas convenable", a expliqué le leader chiite.
Et de poursuivre : "Nous devons réagir de manière réfléchie, sans se tirer une balle dans le pied. Il n'y a aucun besoin de recourir à la rue, et je vous demande de ne pas le faire. Quoi qu'il arrive, qu'il s'agisse de sketches ou autres propos contre le Hezbollah ou contre ma personne, nous devons réfléchir à des réponses dignes, respectueuses, et réfléchies, qui soient en notre faveur et contre l'intérêt de nos ennemis. Certaines parties, comme Israël et l'Arabie, œuvrent pour la discorde sunnito-chiite. Riyad œuvre à cette discorde partout dans le monde, en Syrie, au Yémen, au Nigéria, en Indonésie...".
Hassan Nasrallah a insisté sur la situation qu'il estime "fragile". "Chaque mouvement peut avoir des conséquences graves", a-t-il mis en garde. Il a également condamné certains propos injurieux contre des instances musulmanes sunnites, tenus par quelques partisans du Hezb.
(Lire aussi : Conte de la folie (extra)ordinaire, l’édito d'Élie Fayad)
"Le problème pour l'Arabie saoudite, c'est le Hezbollah"
Hassan Nasrallah a ensuite abordé la crise diplomatique entre le Liban et l'Arabie saoudite, provoquée par la décision de Riyad de geler le 19 février l'aide de quatre milliards de dollars aux forces armées libanaises. Le royaume accuse le gouvernement libanais de favoriser son rival iranien, sous influence du Hezbollah.
"Depuis la mort du roi Abdallah (le 23 janvier 2015, ndlr), cette aide a été gelée, et non en raison de nos actions ou de nos positions, a estimé Hassan Nasrallah. Ils ont choisi un timing précis afin de faire porter la responsabilité au Hezbollah". "Est-ce que l'arabité du Liban et l'unanimité arabe sont-elles vraiment l'enjeu en question ? Y-a-t-il vraiment des menaces actuellement à ce niveau-là ?" s'est interrogé le chef du parti chiite.
Il a rappelé que son allié, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, "a à maintes reprises dénoncé les attaques contre les représentations diplomatiques saoudiennes en Iran. Mais les propos contre lui visent à mettre la pression sur lui et pousser sa formation à rompre son alliance avec le Hezbollah". "Mais ne vous inquiétez pas. Le Hezbollah s'en tirera sans ses alliés s'il le faut. Nous avons les capacités nécessaires pour le faire", a martelé Hassan Nasrallah.
"Le problème pour l'Arabie saoudite, c'est le Hezbollah, disons les choses clairement. Et nous acceptons d'assumer la responsabilité que cette situation implique, a-t-il ajouté. Il y a un combat actuellement, et cela ne nous importune pas. Même si nous resterons seuls. Mais nous ne le sommes pas, soyez rassurés. On demande au gouvernement et aux Libanais de se battre et de faire pression sur le Hezbollah, afin que celui-ci revienne sur certaines de ses décisions, notamment sa position par rapport à l'Arabie, même si cela peut aboutir à la guerre civile. En tout cas, l'Arabie ne se soucie pas de cela. Elle n'est préoccupée que par ses propres intérêts".
Le leader chiite a ensuite dénoncé ce qu'il estime être le rôle néfaste de Riyad dans les conflits régionaux, notamment en Syrie, en Irak et au Yémen. "Les Saoudiens, princes et rois, pensent qu'ils peuvent insulter tout le monde, mener des guerres, massacrer, collaborer avec Israël, faire ce qu'ils veulent, sans que personne ne proteste. Ils prétextent de l'islam sunnite, de l'arabité, pour défendre leurs actions, mais ils n'ont rien à voir avec cela", a-t-il martelé.
Durant son allocution télévisée, Hassan Nasrallah a toutefois passé sous silence le dossier de la présidentielle libanaise, vacante depuis le 25 mai 2014, alors qu'une nouvelle séance électorale est prévue demain.
Lire aussi
La colère saoudienne et ses conséquences sur le courant du Futur, le décryptage de Scarlett Haddad
Priorité absolue à la paix civile, l'article de Fady Noun
commentaires (6)
Nabäâh 1er : Il n'y aura "pas un nouveau 7 mai." ! Évidemment, il n'en a plus les capacités avec tout ce qu'il a perdu en sœur-syrie. Tout en sachant que cette fois-ci, c'est son "propre" camp qui recevra la "sacrée" Raclée ; yâ hassértéééh ! Äâââl 7 Mai, äâââl ! Il se prend toujours pour "l'haSSine La Menace" ou quoi ? Lâklak mallâh össâh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 19, le 02 mars 2016